Combien de temps
faudra-t-il encore aux hommes pour comprendre le sens de leurs voies ?
Combien de temps encore pour comprendre l’essentiel de leurs vies et de leurs
missions sur terre ? Combien de temps pour qu’ils cessent leurs combats
inutiles, contre le temps, contre la météo, contre les autres, pour comprendre
enfin que la seule variable de leur vie n’est qu’eux-mêmes ? Par quelle
magie sombre ont-ils donc perdu la vue pour ne se focaliser ainsi que contre n’importe
quoi d’autres et finir par ne voir que des verres à moitié vide ?
Il fait beau, le soleil
brille et même si la pluie tombe, ce ne sont que gouttes de vies pour faire luire
les pierres et les toits. L’homme marche à travers le vieux village, il marche
tout droit, sans se retourner, il marche sans heurt, d’un pas décidé. Le
village est désert, du moins ses rues sont vides et sans vie, on pourrait
presque dire qu’il n’y avait pas un chat si un de ces félins ne s’était hasardé
à traverser la grande rue. Le ciel bleu se colorait de grands nuages blanc
cotonneux, le vent léger suffisait à rafraichir l’ambiance d’un printemps
hésitant à quitter un hiver pourtant si pluvieux, de peur de se frotter trop
tôt à un été de feu. Le village était bâti selon un plan simple, une grande rue
le coupant en son centre, un quartier de chaque côté, celui de l’église sur la
gauche, celui de la halle de l’autre. Quelques commerces subsistaient encore
ici, les tons fanés des façades ajoutaient une quiétude aux lieux. Encore quelques
pas et la grande rue montrerait son terme, le goudron buterait contre le sable blond
et les oyats, quelques marches de bois longuement patiné par les saisons
deviendraient alors le tracé de la voie, sa voie vers l’océan. L’océan, la vie,
les énergies, l’endroit idéal pour contempler, pour s’oublier, pour y puiser la
force, s’asseoir sur la sable, ne rien dire, perdre son regard dans les vagues
et les remous, ne faire qu’un avec les éléments, l’air, l’eau, le feu, la
terre. Désert de sable fin derrière la dune, pas de vue sur la ville, personne
d’autres que quelques oiseaux à l’étrange ballet, un moment unique parmi des infinités
de moments uniques. La pluie avait cessé, le soleil ne parvenait pas à
réchauffer l’air froid du vent, la veste n’était pas de trop. Le visible
devenait invisible, l’invisible devenait visible, la musique venait du plus
profond du cœur. Il aimait cet endroit, sans pouvoir l’expliquer, mais sait-on
vraiment expliquer ce que l’on aime et pourquoi ? Aimer n’est pas facile s’il
faut le calculer, aimer est pourtant tout aussi important que respirer, se nourrir,
que vivre. Aimer est inconditionnel, unique, aimer reste le moteur de ce grand
tout dans lequel nous ne sommes rien.
Quelques pas sur le sable
et l’homme s’est assis, serein et contemplatif, alternant appareil photo et
bloc note, images et écrits, les idées telles les vagues, s’en viennent et
repartent, les idées telles les mouettes, s’envolent et virevoltent, les idées
telles l’écume, jaillissent et blanchissent les pensées trop sombre, ici et
aujourd’hui, c’est l’été, son été, et tant pis si beaucoup de l’autre côté de
la dune ne voit qu’un tas de sable leur barrant l’horizon, lui, ici, il vit et
recueille en gerbes de fleurs les énergies d’un monde si vivant et si beau, si
puissant et si fort, devant lequel on s’incline, par le lequel on grandit, sans
que jamais ne décline l’once d’une vie. Venir ici, c’est choisir la vie,
vouloir s’abreuver aux sources du monde, oser affronter les torrents d’énergies
qui s’en cessent coulent de la terre vers le ciel, des cieux vers le sol bien à
l’abri des regards trop fermés et trop cartésiens. Il n’y a pas de solitude
dans ce monde si peuplé d’invisible, il n’y a que des rencontres, encore
faut-il le vouloir et vouloir le vivre pleinement. Un peu saoulé par ces
voyages, par ces rencontres, par ces flots d’énergies, il se relèvent et
lentement reprend sa route, le long de la plage, à l’abri de la dune, le pas
posé, le temps n’est plus temps mais allié, l’homme avance, il ne s’enfuit pas,
il sait qu’il a trouvé sa destinée.
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