Encore combien d’images tomberont demain dans l’oubli de
quelques photos jaunies ? Ces longues routes traversant nos campagnes à
l’ombre des grands platanes abattus à des fins sécuritaires ne sont plus
qu’apparentes sous formes de lambeaux ombrés de ci, de là…. Le canal du midi
aux eaux tranquilles se plaisant à faire la sieste sous les frondes des
platanes plus que centenaires qu’on abat frénétiquement aujourd’hui pour
éradiquer la terrible maladie du chancre encreur devient morceau de souvenirs…
Ces forêts de pins délimitant les espaces dévolues à la vigne ici, les
altitudes là ne sont plus que squelettes de bois sec sous les attaques des
chenilles processionnaires du pin… Maladies, pollutions, économies, tels sont
les rouleaux compresseurs de la destruction de nos paysages ancestraux. A ne
pas confondre toute fois avec l’éclaircissage des forêts, cette opération
certes synonyme de grands buchers dont le rôle dévot à ôter un arbre avant
qu’il ne soit trop vieux afin de mieux aider à la pousse des générations
suivantes ; Certes, à l’échelle de l’être humain on ne voit que bois
abattus et saignées dans la forêt, mais
à l’échelle de la vie forestière ce n’est qu’une phase du cycle végétal. Tout
est relatif et si je comprends l’exploitation raisonnée des forêts, je ne peux
que regretter l’absence de remèdes face aux chancres destructeurs d’ormes,
d’ormeaux, de châtaigniers et désormais de platanes, tout autant que l’absence
de prédateur devant les processions de processionnaires du pin. L’écosystème
est-il malade ou mort ? Les études sont-elles bien menées ou plus
simplement jugées non rentable ?
Rentable, drôle de mot, terrible approche des choses. Et
nous, sommes-nous donc rentables, lorsque nous créons des crèches pour nos
enfants et des maisons de retraite pour nos ainées ? Sommes-nous donc
rentables lorsque nous continuons de créer des espaces de bureaux au pied de
périphériques ultra saturés ? Sommes-nous donc rentable lorsqu’on fait
venir des fruits de l’autre bout du monde plutôt que de s’appuyer sur des
producteurs locaux ? Rentable. Certainement, mais à quel prix ? Au
prix de familles qui explosent par tranches d’âges, imaginez un peu si lorsque
vous achetez une mille-feuille on vous demande quelle tranche vous
voulez ? Le dessus au nappage luisant ? Le fond plutôt sec ? Le
milieu, plutôt gourmand et rebondi ? Comment faire vivre un pays lorsqu’on
en oublie le cœur, les poumons et qu’on sature ses artères ? Comment
donner de l’envie lorsque les flots ne sont qu’automobiles et saturés ?
Nous sommes malades d’un système destructeur, victime d’un étranglement,
étouffant de blocages matin et soir, engorgés d’un stress qui ne s’évacue qu’un
peu plus tard chaque soir. Gangrène de sommeil, engrenage des maux, le problème
des retraites n’en sera plus un d’ici peu de génération, n’oublions pas que
pour pouvoir prendre sa retraite, il faut une condition essentielle : être
en vie. Sommes-nous en train de nous abattre ? Serons-nous bientôt une
image jaunie sur un album photo oublié dans le grenier ?
Pourtant, la vie ne peut disparaitre, le combat ne peut
s’arrêter, les volontés naissent chaque jour un peu plus. Le vélo reprend sa
place, les horaires s’aménagent, le travail à distance reprend de l’intérêt,
les reconversions deviennent un bol d’air un peu plus tôt chaque année, et qui
sait, ces frêles arbres replantés, frênes, chênes, platanes, muriers, seront
les décors de nos successeurs, l’effort d’aujourd’hui se lira demain, quand
bien cela ne sera plus notre demain, la vie se poursuit, l’essentiel sera là,
nous n’aurons pas œuvré pour rien. Bien sûr, si la chenille pouvaient dévorer
le chancre et en mourir d’indigestion, alors d’une pierre serait fait deux
coups et la nature grandirait encore et encore. Aujourd’hui, on a tendance à
regarder plutôt l’arbre au sol que la graine qui germe, il suffirait peut-être
bien de changer juste l’angle de son regard et de se prendre à rêver du monde
de demain, non par la cendre, mais par l’arbre qui nait. Peut-être bien.
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