Sur l’écran noir de mes nuits blanches, l’image sans
son nait sans image, la faute à pas de chance, la faute au temps qui passe, la
faute à personne si ce n’est à ce qu’on appelle aussi « la vie ». C’est
ainsi que se passe mes nuits blanche, dans un noir d’encre, cette encre de
chine qui ne demande qu’à toucher de la plume la toile blanche et y ancrer des
émotions, ces diables d’émotions qui font parfois que les mots sont, qui font
aujourd’hui que les mots sont…inutiles.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, je ne me fais
plus de cinéma, j’y vois au contraire très clair et clairement, l’écran est
noir parce que tu n’es plus là. D’ordinaire, à la fin du film, il y a le générique,
avec les noms par ordre d’apparition à l’écran de nos vies. Lorsqu’on prend le
train en marche, c’est déjà tout un peuple qui est à l’écran, notre premier
écran, tout blanc. Ce coup-ci, point de générique, peut-être que la pellicule a
rompu brutalement, peut-être qu’un opérateur va venir la recoller, peut-être qu’enfin
la lumière sur l’écran va revenir et ces personnages tous revenir, peut-être
que nos héros toujours là au bon moment s’en vont venir nous rassurer….
Peut-être qu’il faudra attendre une autre éternité pour cela. L’écran est noir,
il fait froid, il fait vide, la nuit est blanche, glaciale.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, trône un écrin
blanc dans la nuit noire, et même si la tristesse voudrait bien s’inviter, ce
sont les rires, les sourires, les parfums, les douceurs, les attentions, les
petits riens tous ces cadeaux de la vie dont on ne mesure le sens et la portée
que lorsqu’ils sont enfuis, qui l’emporte et colorient l’arc-en-ciel de nos
souvenirs, le résumé de nos vies ; Leur chaleur l’emporte sur le froid que
la nuit blanche voudrait bien étaler.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, l’image est
partie, enfuie à jamais, du moins, l’image à venir, celle du futur, celles des
rides et des sourires plissés, celles des douleurs un peu plus présentes,
celles d’autres belles étapes que nous n’écrirons jamais. A leurs places, ce
sont les images d’hier mais surtout d’avant-hier, enjolivées certainement par
le travail de la mémoire, les discussions silencieuses, les choix à assumer
tout seul, les confidences en l’air mais surtout une grande présence.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, le son a suivi
l’image, plus de chaleur de cet accent aux parfums des terres familiales du
Lauragais, plus ces intonations, ces expressions, ce patois qui s’en vient
colorer une phrase, cet amour en mots mis en son sans mise en scène, mais pourtant,
tout au fond de ma tête vide, ils résonnent ces mots, elles éclatent ces
couleurs d’accent, et résonnent encore ces cris de victoire lorsque à travers
la maladie t’essoufflant pour marcher,
tu as vaincu la dune pour retrouver ce bord d’océan qui nous est si familier
dans un après-midi de septembre.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, je n’ai pas su
lire le mot « fin ». Peut-être parce qu’il n’y a pas de fin, juste un
discret « à suivre », peut-être parce que si le temps terrestre met
un terme au voyage, l’esprit reste parmi les siens, enfin débarrassé de ce
poids mort, il voyage entre ses êtres chers, quel qu’en soit le lieu de leurs
résidence. Résilience.
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, je fixe l’invisible,
je n’y vois rien c’est sûr, pourtant, le petit prince avait raison, « on
ne voit bien qu’avec le cœur » et une fois assimilé cela, je te vois,
souriante et aimante, à l’écrire ce mot me fait froid : aimante, amiante,
comment l’ordre des lettres peut-être aussi cruel ? Souriante et quand
même triste de nous avoir quitté si vite, mais tu sais, de là où tu es, tu nous
vois tous, le vertige a du te quitter, profite pour regarder vivre tout ton
petit monde, ne te moques pas de nos maladresses, nous ne saurons jamais
cuisiner ni même découper le poulet rôti comme toi, j’en passe et des
meilleures, mais que veux-tu, on t’a toujours laissé faire en pensant qu’on
avait bien le temps d’apprendre….. C’est une dimension humaine cela que d’avoir
le temps ! Le temps n’est plus, ou plutôt, il est différent, il est autre,
tu es là, quelque part près de nous, nous, nous sommes là, sans vraiment te
voir, sans vraiment t’entendre, mais qu’est-ce qu’on te parle !
Sur l’écran noir de mes nuits blanches, un mot s’affiche
en noir : « espoir ». Ce noir est trop sombre pour coller à l’espoir,
alors faisons tous qu’à petites touches de blanc, le noir vire au gris, l’anthracite
au gris souris, le gris au blanc presque blanc, faisons en sorte que l’espoir
luise et éclaire nos nuits blanches ou noires, faisons en sorte que l’espoir
nous sourit.
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