Poussières et gravats


Poussières et gravats, après avoir rangé ce qui encombre, place aux décombres, après avoir rangé sa vie en cartons, place à la démolition, la vie n’est qu’un éternel recommencement, oui, mais en pas pareil, ou pas, c’est selon. Depuis combien de temps vivait-il ici ? D’ailleurs, y vivait-il vraiment ? Plutôt qu’un habitat habité, c’est un lieu de passage, un lieu de transit, entre deux vies, entre deux étapes, entre deux projets, entre deux courses, entre deux évasions, de ces lieux anodins et anonymes où l’on passe sans prêter vraiment attention au décor, au confort, un lieu sans vie, sans âme, un lieu inapproprié, tellement vide de sens. Pourquoi ? Comment ? Nul ne serait dire, un matin vînt, un matin comme un autre sans doute, un soir sans espoir ou bien encore plein d’espoir, peu importe, l’heure, le jour, le lieu, au-delà de l’ancrage chronologique, c’est le déclic qui reste le moteur, suffit les quatre murs et le toit qui abrite sans loger, qui figure sans exister un lieu de vie sans vie, place à l’action, et de l’action nait la mise en carton. C’est con une vie quand elle se trouve résumer à quelques cartons, c’est très con lorsque les cartons sont trop lourds de trop de choses, de trop de pages, de trop de sens au point de ne pas pouvoir les bouger. C’est vite entassé en quelques mètres carrés, souvenirs pêle-mêle, papiers et morceaux choisis, tout s’entasse, étagères sans trace des objets qui s’encrassent, vide absolu, l’espace nait du vide.

Partir ? Rester ? Vivre ? Autre ? La vie n’est faite que de choix, un choix chasse l’autre, l’un fuit, l’autre pas, un pas chasse l’autre, pas plus que ça, un pas après l’autre, toujours. Se poser, voir, réfléchir, donner un sens à sa vie tombe sous le sens, de quoi rester interdit. Un sens interdit ? Qui peut interdire ? Dans quel sens ? Nul n’est prophète en son pays, alors, entre ses quatre murs, quelle hérésie ! Qu’à cela ne tienne, les murs ne sont pas droits, qu’ils tombent… Et les murs churent, parce que des fois, de certains choix, les murs choient. Voilà qui fit de la place, un peu, de la poussière, beaucoup, des gravats aussi, des cogitations, toujours. Et comme on ne peut vivre sans limite, d’autres murs s’en vinrent dresser des barrières et cloisonner l’espace, d’autres murs à choyer de chatoyantes couleurs, enfin, cela n’est pas de si tôt, parce que si les murs choient vite, les murs nouveaux ne se relèvent pas aussi vite, surtout dans leurs gestations finales, l’enduit à l’endroit comme à l’envers se passe, se lisse, se ponce avant de pouvoir pioncer entre des murs sains. Soit. De poussières en gravats, de débris en poussières, chaque jour nettoie son prédécesseur, chaque pas soulève ces fines particules blanchissant jusqu’au plus profond des endroits pourtant loin situés. Site en construction, vie en exclusion, l’isolement est nécessaire et l’isolation radicale. Efficace. Le plus dur d’un chantier, c’est de savoir trouver le courage et l’abnégation de se remettre à l’ouvrage, quels que soient les moments, soirées après bouchons qui ne sont pas de liège, week-end et jours fériés qui ne sont pas si nombreux, trompe fatigue et exil des cercles, solitude trompée par le flot musical ou baragouineur tenant compagnie. Déterminé, il avance et fait ses gammes, il apprend et corrige, il vit des hauts et des bas, certaines étapes avancent si lentement, il est plus facile de démolir que de ressusciter, étrange rappel dans la réalité d’autres réalités d’autres vécus. Vécus mais non vaincu, avancer est une force, une volonté, une condition de vie, cette chienne de vie qu’on renie parfois, qu’on conspue, qu’on critique, mais cette vie sans laquelle nous ne serions pas vivants, ni là, debout, heureux et fier d’être en vie, malheureux de perdre des êtres chers, les leçons sont toujours cash, on apprend toujours, pour mieux avancer ou avancer mieux. Les murs se relèvent surement plus vite.

Alors oui, vivre fait mal, parfois et parfois, certains on le mal de vivre. Et puis ? Cela suffit-il pour éteindre la lumière ? Pourquoi abdiquer ? Comment savoir si demain sera pire ou meilleur si ce n’est en le vivant ? Comment ne pas prendre conscience qu’on est acteur de nos états d’âmes et non victime ? Bougeons-nous, soyons nous, acteur, moteur, décideur de notre vie. Il faut du temps, il faut parfois se bruler plusieurs fois pour comprendre que le feu brule, non parce qu’on est con mais parce que le feu revêt plusieurs formes, la flamme d’un feu de bois est plus visible qu’un plat sortant du four, mais ils brulent tous les deux la peau de la même façon, et même lorsqu’on vous crie « attention c’est chaud » l vous faut expérimenter par vous-même pour le réaliser. Pourquoi crier ? Cela atténue-t-il le mal ? C’est votre volonté de vouloir expérimenter qui vous a brûlé, non les gens qui vous ont mis en garde. Ne vous en prenez qu’à vous-même, et mieux, retenez les leçons. Celle de votre propre expérience tout comme celle que vous avez des guides autour de vous pour vous aider à ne pas toujours vous brûler…  

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