Voilà, le triptyque est
passé, messe d’enterrement, messe de neuvaine, messe des défunts, les esprits
vont pouvoir s’apaiser et la laisser partir enfin pour le voyage qui l’attend,
les vivants aussi pourront faire leur voyage et prendre corps à ce qui est la
nouvelle donne de leurs vies. Ainsi ce construit le long cycle de nos vies.
Jour à jour les pensées s’estompent, elles ne disparaissent pas, non, juste que
les accents trop criards sont atténués, les souvenirs lissés, triés, classés,
comme ils se classeront encore et encore. La grande page de la moitié des
origines de ma vie vient de disparaitre sans que je n’aie pu en noter les
lieux, les dates, les anecdotes pourtant maintes fois répétées de toute cette
vie qui m’a donnée la vie. C’est ainsi. Vont s’estomper aussi, du moins je l’espère,
les fausses réalités des liens autours, qui, sans doute par croyance d’une
contagion de la mort, se tiennent à distance, alors que vous auriez besoin de
vrais partages, se servent des messages, écrits, textotés, vocaux pour vous
apporter tout votre soutien mais de loin. Qu’ils se rassurent, nous ne sommes
pas pestiférés, ni même contagieux, juste perdus, vivants, désireux d’un peu de
temps, un peu de visite entre nos quatre murs bien vides, non pas d’invitations
à distance, ni de messages à lire encore et encore. Le courrier abonde, il est
administratif, pénible et destructif, alors s’il vous plait, un peu de chaleur
humaine apportée dans ces murs froids est une belle offrande. Qu’ils se
rassurent aussi, nous ne leurs en voulons pas, nous comprenons que ce n’est pas
facile de trouver des mots, encore moins du temps, encore moins de ne pas
savoir s’il faut venir en noir ou non, mais tout cela, au fond, ce n’est que
parce que l’humanité a perdu son humanité. Apprenez à être, et mieux, soyez !
Ce que je dois à mes parents, c’est cette simplicité de vie : une porte
toujours ouverte, un paquet de nouilles dans le placard, deux ou trois bricoles
pour faire d’une improvisation, un moment bien vivant et riche en partage. Il
nous arrive de rire, de pleurer, de sourire, de rigoler, d’être absent, triste,
d’agir de façon mécanique, bref, d’êtres vivants, que nous soyons en costume
comme en jean, en guenilles ou bien mieux fringués. Bien sûr, elle nous manque,
comme elle peut manquer à tout un chacun qu’elle a su éclairer de sa générosité,
mais nous sommes là et vivant. Disponibles
et accessibles. Osez !
Je sais que nous ne
partageons pas tous les mêmes peurs, ni les mêmes connaissances, ni les mêmes
savoirs, ni les mêmes valeurs, mais c’est cela qui fait la richesse de nos
échanges. Je sais aussi que soigner peut faire peur, depuis l’antiquité l’Eglise,
pouvoir politique dominant, a conduit la chasse aux sorcières pour se réserver
le droit et le pouvoir de guérison. Cette même Eglise qui aujourd’hui ne brille
que dans sa promptitude à présenter le note tout en oubliant de jouer de la
partition. Peut-être serait-il bon qu’elle se pose et fasse l’analyse de son
aveuglement. J’ai honte pour ces prêtres qui n’ont pas respecté les dernières
étapes de ma maman, je frémis lorsque j’entends le rattachement des prières des
frères et sœurs, moines et nones, curés et autres religieux se rattachant, d’après
le discours d’un prêtre de substitution, à deux personnages bibliques mais
juifs puisque antérieur à la venue du christ. Belle leçon d’histoire bien
appropriée, je comprends la défection pour ce folklore mal ficelé. Savoir
écouter n’est pas un don, juste une faculté, et la phrase de Khalil Gilbran « Aucun
homme ne peut rien vous révéler sinon ce qui repose déjà à demi endormi dans l’aube
de votre connaissance » résonne en cela. Ne soyez pas surpris de celui qui
vous écoute avec attention en retient les choses que vous lui dites, soyez
plutôt conscient des paroles qui s’envolent parce que non captées. Il n’y a
rien de sorcier en cela, juste, une composante de l’humain. D’ailleurs, même
les sorciers sont des hommes avant tout, le don de soins, d’apaisement, parfois
de guérison ne prive pas l’homme ou la femme, d’être homme ou femme. C’est
assez difficile de perdre des liens autours de soi, l’isolement provoqué n’est
en soi pas une solution. Quelles que soient vos vies, quels que soient vos
choix, privilégiez toujours les moments vrais, le temps d’un café, d’une pause,
plutôt que communiquer à distance. Ne vous privez pas de vivre, vivez, c’est là
votre trésor. Vous ne perdrez jamais votre temps, et en tout cas bien moins que
par connexion. Hier encore, lorsque j’entends
des amis demander à mon papa s’ils peuvent venir le voir, j’en mesure que le
chemin de la conscience est encore long, je regrette que la pudeur soit si
forte et souvent d’ailleurs trop utilisée comme une fausse excuse, une serrure
sur la porte, une raison de ne pas avancer. . Savoir écouter n’est ni un art, ni un don, peut-être
simplement une forme de respect, qui mériterait d’être mieux apprise, voire
même partagée, le top serait aussi une forme de bijective objectivité. Celui
qui sait écouter, celui qu’on sait appeler par besoin, peut aussi à son tour
avoir besoin, d’écoute, d’échanges, de partages. La richesse de l’Homme est de
pas être un robot insensible, entre autres choses.
Chacun est libre de faire
ses pas. Où il veut. Quand il veut. Chacun a son mode de fonctionnement. Soyons
conscient de cela, respectons cela, mais n’oublions jamais qu’il est tout aussi
possible de trouver du temps pour voir les vivants que pour se rendre à un enterrement.
Ni colère, ni regret, les choses sont ainsi, parce que c’est ainsi.
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