Que serait la vie si nous n’y mettions la vie à
l’intérieur ? Une coquille vide ? Une porte fermée à double
tour ? Mais celui qui s’isole le plus n’est-il pas celui qui n’ose pas
franchir le seuil ? On peut aider, on peut aimer son prochain, cela ne portera
ses fruits que si l’autre est enclin à recevoir, prendre et partager, et s’il
est à son tour capable de donner, d’aider et d’aimer, alors ce n’est pas une
porte qui s’ouvrira mais des barrières sur le monde qui disparaitront. Peur ou
pudeur, elles ne sont que mauvaise conseillère, elles ne font qu’empêcher
d’avancer, d’être mieux et de se sentir mieux mais il est difficile de les
vaincre parce qu’elles trouvent racines au plus profond de soi. C’était bel et
bien ces réflexions qui l’avaient conduit un beau jour à tout plaquer dans
cette société trop industrielle et trop impersonnelle pour retrouver l’essence
de la vie, une vieille bâtisse dans un coin paumé en bordures d’un sentier, sur
ces chemins qui sont bien plus des chemins de spiritualité qu’un itinéraire
simple pour se rendre à Saint Jacques de Compostelle. D’ailleurs, n’était-ce
pas là un signe de recherche de soi que toutes ces errances venant parfois en
souffrance arpenter ces chemins de rochers ?
La maison était saine, il avait suffit de pas grands choses
pour la rendre habitable, mais le trésor était dans sa vieille grange
attenante, dont les greniers à foin avaient libéré un vaste plateau, qu’il
avait sommairement aménagé en dortoirs et leurs commodités attenantes. La
grande pièce à vivre et son immense table prenait dès lors tout son sens,
accueillir, partager, échanger, bien plus que nourrir, et plutôt qu’un lieu de
vie, c’était un carrefour d’échanges, chaque soir un nouvel arrivant, chaque
soir un groupe différemment constitué, parfois certains pris au jeu des mots
échangés restaient plusieurs jours, histoire de retrouver des forces, mais
surtout, cueillant là le précieux d’une vie : la richesse des partages,
les discussions mais aussi les lectures de quelques livres jamais fatigués d’offrir
leurs savoirs à des paires d’yeux sans cesse changeant. Des oboles reçues,
c’était bien sûr les repas qui en consommaient le plus, mais aussi les travaux,
l’amélioration des conditions, les agrandissements car à force de bouche à
oreille, à force de pèlerins en mal de spiritualités, le plus dur était
certains soirs de devoir refuser le gîte. Les soirées un peu fraiche, la
cheminée brillait d’une belle flambée et chacun s’approchait pour s’abreuver de
lumière et de chaleur, avant ou après la soupe chaude, parce que marcher sur
ces chemins restent malgré tout un effort, parce que pour beaucoup les
kilomètres finissent par peser de leurs douleurs, un peu de chaleur, un peu de
réconfort, se sentir comme à la maison, c’était
tout de même bienfaisant. C’est étrange combien les gens changent. Les
godillots aux pieds, le sac sur le dos, les voilà randonneurs, marcheurs,
détendus, aptes à voir les variations de verts, la dentelle d’une feuille de
chêne, joyeux d’humer les parfums d’herbes, de discuter avec les personnes
rencontrées, d’ouvrir la porte de leur cœur en toute décontraction ; En
tenue de ville, les portes sont fermées à double tours, on aboie plus qu’on ne
parle, on ne salue même plus ses voisins. Tristesse. Pourtant, quel que soit le
costume, l’habit, c’est le même être, la même personne, comment peut-on être si
différent ? Parfois il y songeait, en se rappelant ces années d’avant la
vie ici, le boulot, les bouchons, les collègues, les clients, les courses, les
visages fermés sauf en quelques échappées sportives ou associatives, et encore,
même là la sinistrose gangrénait peu à peu les tissus sains. Aucun regret,
c’est ici qu’il est et qu’il l’est vraiment. Le temps n’avait plus de prise,
chaque jour prenait sa place sans recours au calendrier, chaque jour portait
ses devoirs et ses leçons, et chaque soir le berçait d’une journée bien rempli,
d’une chose apprise, d’une envie de lendemain, un cycle de positif qui ne
cessait de circuler et d’apporter un plus. N’est-ce pas là, la quête d’une
vie ?
Il est ainsi des rencontres que l’on fait au bord des
sentiers, au hasard des pas, un soir de marche où l’on cherche où poser son
sac. Si jamais vous venez randonner dans nos sauvages Pyrénées, c’est une étape où il fait bon s’arrêter, du
côté de …… Non, je ne le dirai pas, non pour en réserver l’adresse, cela irait
par devers moi, non, juste que tout au long de vos routes se trouvent tout
plein d’endroits, de gites et de guides prêt à vous emmener plus loin. Prendre
le temps de les découvrir, savoir les écouter, y cueillir sa leçon, son plaisir
fait aussi partie de l’expérience. Il faut savoir oser et faire ses propres pas
plutôt que de toujours suivre les traces des autres. Après tout, ce qui est bon
pour l’autre n’est peut-être pas bon pour soi, nous sommes tous différents,
chacun avance au rythme de son pas.
Un pas après l’autre…
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