Le temps passe, il n’est
pas que glace, à travers ce côté froid, dans ces étendues glaciales il y a
aussi le feu, celui de la colère devant telle et telle chose, celui du foyer qu’il
faut s’approprier et apprendre sans mentor à cultiver, à entretenir, le feu de
la passion, de la vie, des vivants, des êtres autours eux-aussi orphelins, il y
a la pluie, celle des larmes, celles des drames personnels, mini drames à l’échelle
dramatique mais chaque drame est une arme qui coule en larme…
Le temps avance, sans
surplace, si ce n’est celui des amitiés, quoique à travers ces épreuves, elles
brillent, souvent par leurs absences, trop confortablement installées dans
leurs tours d’ivoire d’où on ne voit rien, ni le vide, ni le manque, ni le veuf
froidement seul, ni la filiation errante et perdue, ni les étapes les plus
basiques de la logistique ou de l’art culinaire. D’un temps de grande
communication, un simple geste d’amitié devient un « n’hésite pas à
appeler, passe nous voir » sans peut-être comprendre que le poids des
moments d’une vie partie sont aussi dévastateurs psychiquement que
physiquement, que les énergies sont basses, tremblantes, et qu’aller rajouter
un déplacement, un appel reste un pic à escalader dont les forces en présence
ne sont plus capables; sans peut-être voir dans ce froid discours, les mêmes mots qu'un "on vous écrira" à un demandeur d'emploi, un "on pense bien à toi" à un malade seul dans sa chambre.... Le deuil est aussi une maladie, non contagieuse, sauf peut-être pour les très proches...
Le temps écrit, des rides
sur les visages, il blanchit les cheveux et les poils, il hypothétique l’avenir
bien que ce dernier ne soit pas vraiment d’actualité. Sur les maux qu’il écrit,
les amitiés écrivent des mots, sur papier, sur écran, des mots tracés, des mots
électroniques, des mots sympathiques qui viennent et s’empilent, des mots
grésillant dans le téléphone, cet objet fascinant qui s’en vient interrompre la
conversation des trop rares personnes ayant fait le déplacement, qui vient
interrompre ces micro-siestes que le cerveau commande parce que le sommeil n’est
pas réparateur, cet objet dérangeant parce qu’au fond, s’il nous ravit d’entendre
ceux qui sont loin, il nous prive tout autant de voir ceux qui sont près….du
moins géographiquement.
Le temps défile, à l’autre
bout de la vie, le décompte des jours, des semaines, plus tard des mois et des
ans se fait comme dans les premières larmes d’un nouveau-né. La vie est un
grand cercle, on nait, on grandit, on vieillit, on meurt, avec parfois hélas
des raccourcis, de toute façon, le cercle de nos cercles est forcément trop
court, on finit vite par être étouffé de tous ces cercles trop courts qui s’en
viennent resserrer les rangs et nous oppresser de si peu d’espace d’amour,
parce que c’est cela la vie, de l’amour éparpillé en graines, des graines
semées parfois dès l’absence, des graines cultivées, entretenues, des graines
récoltés à chaque moisson organisées ou improvisées, des graines perdues parce
que trop arrosées, parce que trop oubliées, parce qu’on a toujours le temps de
revenir les voir, les entretenir, parce que ….c’est la faute au temps.
Le temps est et en étant
il nous ouvre les yeux. Le regard sur les choses, le parfum des roses, la
vision du monde réel, de notre petit monde dans ses réalités. Le regard est
preneur d’émotions, même les absences sont des émotions, dire qu’on est plus
clairvoyant dans ces moments-là ne serait pas complétement faux. Vient alors le
temps de l’action, le besoin du mouvement, de se libérer de certains poids, de
certaines cordes débouchant sur rien, sur des ballons dégonflés, sur des
numéros à impasse, sur des vies qu’au fond on dérange. Le temps aussi de revoir
l’ordre de ses priorités, parce qu’une vie c’est court, on ne peut pas tout
faire, on ne peut que vivre et vivre au mieux en faisant ses choix, en
dessinant soi-même l’ordre de ses priorités. Cela nécessite du temps, du recul,
de l’ordre et de la méthode, mais la vie mérite qu’on la vive pleinement, entièrement.
Il n’est pas facile de trouver ses mots, il n’est pas simple de trouver du
temps pour l’autre, nos vies sont tellement trépidantes !
Mais elles vivent, alors,
ne passons pas à côté, vivons-les, avec force et avec passion, en toute
réalité, un café, une balade, un vrai moment, c’est cela la vie, bien plus que
des mots éparpillés sur les fils numériques, des mots à sens unique qui nous
privent de vivre avec nos six sens…
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