La vie c’est quoi ?
La vie c’est avoir une famille,
une maison, un jardin, une piscine, un chien, des chats, la vie c’est avoir des
vacances, l’hiver ici, l’été là-bas, la vie c’est avoir une belle voiture dans le
garage, des rêves plein les étagères, … Non, ce n’est rien de tout ça ! La
vie, c’est un morceau de bois dans lequel viennent se planter des clous à
chaque coups reçus, des petits clous, des gros clous, des petits trous, des
gros trous, des petits coups, des gros coups, des coups qui fragilisent, des
coups qui transpercent l’écorce, le bouclier, des coups qui fragilisent, des
coups qui détruisent et même si avec le temps certains clous finissent par
rouiller, finissent par tomber, et même si par remord des clous enfoncés sont
arrachés, il reste toujours une marque, une trace, une blessure. Et le bois de
la vie doit composer avec, et le bois de la vie doit exister avec et sans, et
c’est ainsi que se transforment nos vies. Pousse une nouvelle écorce, plus
épaisse, un bouclier plus lourd, mais dessous, les blessures restent, la vie
reste marquée. Cela n’empêche pas l’arbre de grandir, mais il grandit
différemment, cela n’empêche pas les branches d’aller chercher le soleil, mais
en dessous, le tronc est abimé.
Les rendez-vous manqués… Qui n’a
pas manqué de rendez-vous ?
Parce que on n’avait pas le
temps, parce qu’on était pressé, parce qu’on avait d’autres choses à faire,
d’autres priorités, parce que ce n’était pas le moment, parce qu’on a eut peur,
parce qu’on a refusé, parce qu’on n’a pas osé, parce qu’il y a toujours mieux à
faire, parce qu’il vaut mieux faire autre chose, écrire, envoyer un petit mot,
composer un message, …. Pourtant, ce temps qui nous manque pour toutes ces
attentions aux vivants, c’est bel et bien le temps que l’on trouve lorsqu’il
s’agit de rendre hommage et dire au revoir une dernière fois, peut-être parce
qu’il est plus facile de pousser la grille du cimetière que la porte de la
maison, parce que soudain on a le temps, parce que soudain on a pris le temps,
tout simplement. Ainsi va la vie et ainsi va le temps et dans tous nos
rendez-vous manqués, certains sont manqués à jamais parce qu’il n’existe pas
deux moments de temps identiques, parce qu’il n’existe pas deux fois la même
opportunité. Alors oui, les rendez-vous sont manqués, les rendez-vous furent
manqués, mais de tout cela, il reste des trace et de tout cela il reste un
espace, une place dans la mémoire, non pas une place pour la rancœur, non pas
une place pour la haine, non pas une place pour un regret, sentiments futiles,
inutiles, destructeurs, imbéciles, parce qu’ils ne sont ancrés que dans un
passé, non, la place de la mémoire, elle est pour le présent, elle est pour le
futur, elle est pour les temps à venir, et plutôt que de se dire « et si
j’avais eu le temps », et plutôt que de se dire « et si j’avais pris
le temps » et plutôt que de se dire « et si j’y étais passé »,
et plutôt que de se dire « et si on s’était vus » mieux vaut se dire
« on va prendre son temps, on va réaliser la futilité du présent, que les
êtres présents existent au présent, qu’on ne connait pas le futur, c’est
aujourd’hui et maintenant qu’il faut agir » et bien sûr la vie reprend, et
bien sûr la vie refait ses courses, et bien sûr la vie nous bouffe le temps,
parce qu’on a le temps, parce qu’on a toujours le temps, toujours le temps,
toujours… Des rendez-vous manqués on en a tous. Des images du passé on en a
tous, des bouquets d’immortelles sur une pierre froide, on n’en a tous. Pied de
nez.
Le présent est une richesse, le
présent est un cadeau, le présent est un présent. Souvenez-vous-en. Et aux
peurs, toujours imbéciles, et aux rancœurs toujours malhabiles, et aux manques
de temps, encore plus débiles, faites face et remettez les à leurs places,
laissez leurs prendre leurs bon temps hors de votre temps. Car la vie c’est
quoi ? La vie est un concept dont chacun écrit les lignes, dont chacun
choisit les axes, et dans ce mode de vie-là, il y a des têtes pleines, il y a
des têtes vides, il y a des têtes brulées, il y a des casse-cous, il y a des
casse-couilles, il y a des casse-têtes, l y a des problèmes et des défis et
dans tout cela, dans chaque bonheur, dans chaque emmerde, il y a la vie. Alors
oui, la vie est une belle chose, une enveloppe ; Une enveloppe que chacun
emplit à sa guise, chacun est libre de la remplir ou de la laisser vide. Et
dans cette vie, faite d’errance, faite de souffrance, faite de bienveillance,
faite de générosité, il y a du temps, toujours du temps, il y a des priorités,
toujours des priorités, il y a des impératifs, toujours des impératifs, il y a
des facultatifs, toujours des facultatifs, mais pour chacun d’eux, c’est vous
seul qui décidez, ce que vous déclarez en facultatif, ce que vous déclarez en
impératif, ce que vous mettez en priorité, vous qui choisissez votre temps, bref,
vous et vous seul, qui êtes le moteur de votre vie et de votre vie seule. Dans
les casse-cous, les preneurs de risques, il y a les trompe-la-mort qui dévalent
à toute vitesse les pentes de leurs vies, cherchant la dose d’adrénaline dans
un "run" ultime, il y a les casse-cous de l’amour qui vont
s’enfermer dans des histoires qui tourneront toujours court, qui rêvent, qui
fantasment, qui espèrent sans jamais oser pousser la porte, sans jamais dire
« je t’aime », parce que "je t’aime" sont les mots les
plus lourds, les plus durs de la langue française, parce que ce sont aussi des
mots mal utilisés, mal employés, galvaudés, parce qu’on oublie de dire "je t’aime" aux gens que l’on aime vraiment, parce qu’on a toujours le
temps, parce que « oui, non, là, je ne sais pas », la pudeur étrangle
la voix, « c’est promis, je le dirai demain, la prochaine fois » ce demain, cette prochaine fois qui un jour
ne vient pas, ne vient plus. Il y a des "je t’aime" qu’on dit, non
pas sans les penser, mais plutôt sans les vivre pleinement, sans les cultiver,
sans les entretenir, parce qu’un "je t’aime" c’est fragile, ça
s’entretient, un "je t’aime", ça se soigne, ça ne se jette pas
comme ça, à la bouche du premier venu, ni au visage d’une quelconque entrevue,
mais parce que dire "je t’aime" à une pierre froide, c’est
vraiment pas ce qu’on fait de mieux, parce qu’un "je t’aime" qui se
conjugue à l’imparfait c’est encore plus vide qu’une absence de mot, c’est
encore plus vide et plus froid que l’absence, que le manque.
Alors oui, oui, il va falloir que
l’humanité apprenne à dire "je t’aime", il va falloir que
l’humanité apprenne à vivre avec son temps, à composer son temps, à quitter la
passivité devant la course des aiguilles, pour redevenir actif, pour redevenir
acteur, pour redevenir vivant, pour vivre, pour espérer, pour prendre le temps,
pour oser mais pour oser vraiment, parce que dans toutes les réponses de votre
vie, celles que vous avez déjà en vous, c’est le "non", pourquoi
diable, avoir peur d’aller chercher le "oui" ?
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