Requiem

Les premiers frimas de l’automne sonnent déjà le futur hiver et si les premières gelées appellent la nature à se déshabiller, il faut bien reconnaitre que nous autres, pauvres humains, n’en faisons qu’à notre tête et même pis, nous en remettons une couche, histoire sans doute de bien montrer notre opposition silencieuse, n’en déplaise aux fabricants de bonnets rouge. Alors quoi, désormais, il faut mettre un bonnet rouge pour afficher au monde son mécontentement ? Drôle d’humains qui dénoncent l’uniforme d’une société pour s’empresser d’en revêtir un autre…. L’armée contre l’armée, non monsieur,  ce n’est pas du dialogue mais la guerre déclarée, la réponse par la violence des actes faisant fi de l’intelligence offerte du droit de parole. Ne sont-ils donc pas mignon tous ces petits bonnets rouges ? Euh, non mon petit, retourne dans ta cour d’école, je t’avais pris pour un manifestant. Erreur judiciaire, mais au fond, des mers bien sûr, qu’en penserait l’illustre commandant Cousteau et son éternel couvre-chef rouge ?  Il y a jusqu’à un côté phrygien qui s’en vient là friser la république, vous ne trouvez pas ? Masi où met-on la guillotine, cette terrible arme qui guérit si facilement les migraines fussent-elles administratives ? A bas le gibet et la potence, les portiques tombent, se fracassent sous les hourras d’un peuple qui financera bientôt leur relèvement à grand coup de ce cher impôt dont nous ne sommes toujours pas revenus sauf peut-être quelques parvenus trop exsangues sans doute pour verser le moindre écu tout en ayant loisir d’acheter de vastes appartements dont il leur faudra s’éreinter pour en faire le ménage…. Il y aurait bien là de quoi verser une larme s’il n’y avait pas depuis quelques temps déjà, pénurie de substance lacrymale, que voulez-vous, on s’assèche avec l’âge si ce n’est à trop avoir donné de son eau à chaque coup de pique d’un destin fauchant sans retenue, parents, amis, alliés, complices et autres douloureuses séparations. Ce ne sont pas les cheveux qui virent au rouge mais le bord des yeux, ils brûlent en silence, ils s’assèchent en douleurs, ils se ferment dans l’isolement. Peut-être est-ce cette bascule entre tempéré et fraicheur certaine qui réveille les sens, la couche de graisse doit être bien trop trouée pour ne plus protéger du froid, il fut un temps où l’hiver avait ma préférence, par ses froids vifs, ses vastes étendues immaculées, ses jours scintillant chargés de rires et de cadeaux, ceux du cœur étant les plus précieux. Désormais c’est souffrance et errance, le blanc immaculé c’est trop souvent lu sur les draps trop austères répondant en lugubres silences au teint livide des visages à jamais éteint, les sourires sont partis de leurs vivants, les jours de fêtes ne sont que jours ordinaires en d’ordinaires parcours. Ce froid brûle, il se plait à occire l’envie d’avoir envie, il pousse au retranchement, calfeutrage et repli au coin du feu, il arrache aux souvenirs d’autres souvenirs bien vivants, il titille les sens, il mord toujours plus fort.  Nulle envie.


Parmi tout cela, le plus dur, tout comme dans le reste des phases et des couleurs de la vie, demeure l’incompréhension celle d’un monde vivant en troupe, en groupe, portant ses uniformes que d’aucuns ont qualifiés de moutons ou de veaux, qui ne sont au fond que les oripeaux d’une humanité vivant au gré de saisons et des fêtes d’un calendrier n’ayant plus de nom que le grégorien. Cette noble assemblée vote sans cesse la prolongation des évènements, elle décide qu’il faut fêter Pâques comme Noël tout en se déclarant athée ou agnostique selon les modes, pire, elle ne peut admettre que vous ne traversiez pas dans les mêmes clous qu’elle, alors qu’il suffit d’un peu de tolérance et d’amour authentique pour accepter et surtout s’apercevoir que non, nous ne sommes pas tous les soldats d’une même armée, même les troupeaux de moutons ne bêlent pas d’une même tête au même moment, et c’est tant mieux, il deviendrait pénible de traverser nos vertes Pyrénées. A l’heure où le train de l’hiver roulera vers les rails d’indifférentes gares, emportant ses flots de voyageurs en partance pour les joies de la glisse ou d’autres joies familiales, certains resteront à quai. Certains par nécessité, certains par abandon, certains pas choix, certains choix personnels et consentis, certains choix subis et meurtrissant. Parmi tous ces révoltés au bonnet rouge, combien se sentiront concernés par cette injustice plus grande et bien plus amère qu’une taxation sur un mode de transport de plus en plus inadapté à nos réseaux secondaire ?  Combien ? Bien peu, trop peu, je sais, il ne faut pas croire au père noël, d’autant plus qu’il porte lui aussi, depuis très longtemps un bonnet rouge…. Par contre, lui, il est sponsorisé par une marque de soda bien connu depuis son plus jeune âge et c’est bien à cela qu’il doit ses couleurs…


Rouge, mais sans colère, juste le bord des yeux trop rouge, trop sec, trop douloureux et si les mots n’auraient aucun sens à être écrits ici, c’est bel et bien parce que ceux partis ne les entendent qu’exprimer par le cœur, un cœur rouge, chaud, non résigné, non saigné, juste palpitant et limite incandescent, un cœur qui s’exprimera dans le silence de l’hiver déjà là par le temps, bientôt par les dates. Requiem.   

  

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