Ce que j’aime dans ces activités de randonnées pédestres,
disons ce que je préfère, ce sont ces jours de reconnaissance, où l’on se
retrouve en petit comité, entre animateurs pour parcourir des paysages dont
nous ne connaissons que la version imprimée sur les cartes de l’institut
géographique national, dans un exercice nous permettant de faire travailler nos
années d’apprentissage passées au gré des formations, jouant de la boussole, de
la lecture de carte, de l’observation du paysage, ici une colline, là une
doline, pourquoi ce ruisseau sur la carte n’est pas visible ici ? Ah,
justement, voilà le talweg ! Tout cela à notre rythme, sans pression d’un
groupe à gérer, à encadrer, dans la
bonne humeur et la détente et surtout, un des rares moments où l’on se retrouve
« entre nous » alors que lors de nos sorites du week-end, nous sommes
dispersés dans les différents groupes à encadrer, nous ne nous voyons qu’au
départ et à l’arrivée, parfois sur le lieu d’un repas commun lorsque les
itinéraires s’accordent.
De cela, hier fut une belle journée, nous partîmes neuf et
point de prompt renfort, nous arrivâmes neuf au port, n’en déplaise au Cid de
Corneille, Pierre de son prénom, grand auteur de notre pléthorique dix septième
siècle et non chanteur du vingt et unième, n’en déplaise aux autochtones. Le
port, lui est bien réel, celui de Port-la-Nouvelle, sis dans le magnifique
département de l’Aude, le seul de France à posséder, mer, montagne, plaine,
viticulture, agriculture et élevage, villes et campagnes, et cela je le tiens
de source sûre, puis c’est un audois qui me l’eut dit et même répété, je le
cite avec reconnaissance. Port-la-Nouvelle, je connais les lieux pour y être
allé plusieurs fois, même en reconnaissance d’ailleurs, et d’ailleurs j’y suis
en toute connaissance. Boulangerie, tiens, celle-ci est à vendre ? Café,
place pour faire faire demi-tour au bus, et oui, la logistique fait partie du
travail premier. Enfin, nous voilà à pied d’œuvre et donc à pied pour s’en
aller parcourir la lande et le maquis des corbières tout près des grands
ventilateurs, dont je me demande encore si ces régions sont ventées parce qu’il
y a des éoliennes ou bien s’il y a des éoliennes parce que ces régions sont
ventées…. Un coup d’œil qui se régale d’embrasser la mer qu’on voit danser le
long du golfe clair, la belle ile ou presque de Sainte Lucie, un de mes
terrains de jeux favoris, sa cousine de Saint Martin de l’autre côté de ce bout
de mer, jouant à cacher Gruissan et mes souvenirs, et bien sûr, le massif de la
Clape et mes jeunes années. Oh, Trenet n’est pas loin, Narbonne la grande fière
jusque dans les tours de sa basilique aux deux saints (l’orthographe est la
bonne bande de mécréant !) Saint
Just et Saint Pasteur réunis pour un joyau d’architecture et de fascination. Ailleurs ?
La brume cache le mont Saint Clair situant Sète et l’ami Brassens, tandis que
le Canigou se pare de ses premières neiges sous un ciel azur. Quelle belle
journée, pas de vent, beau temps, température agréable, et si la météo a prévu
de grosses rafales de vent pour l’après-midi, cela met en rage les moustiques
qui d’un coup se prennent pour des tigres et s’en viennent mordre nos morceaux
de chair offerts aux éléments. Sac à dos au dos, carte à la main, nous voilà
parti à travers les signes géométriques et colorés qui balisent un même sentier
de plusieurs parcours locaux dont nous n’avons pas la clé. J’ai beau y
retourner régulièrement, je reste stupéfait par ces paysages si arides et si
désertiques vu de loin, loin d’être arides et désertiques dès lors qu’on ose
s’y aventurer. La richesse botanique, la diversité des paysages, cultivés,
anciennement cultivés, récupérés par ces plantes si odorantes du maquis,
plantation de pins, anciennes bergeries, plantations de ventilateurs, nouvelles
maçonneries, alignement de pierre sèches
formant des murets, probables anciennes clôtures pour d’anciens troupeaux de
moutons en vacances d’hiver, tout est trace humaine et réflexion des premiers
pas, surtout, lorsqu’on essaie de faire coïncider le terrain avec la carte…
Parcours atypique pour coin atypique, une bande de joyeux lurons travaillant
fort sérieusement tout en s’amusant, car là est un secret de l’existence, il
faut savoir faire sérieusement son boulot sans se prendre au sérieux. Alors que
nous étions tout près des éoliennes, une opération de maintenance en cours nous
permit d’entendre les moteurs électriques réglant le pas des pales, suivi
d’effet, la vitesse de rotation prenant s’accélérant au fur et à mesure de
l’augmentation du pas. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, ce sont des bijoux
de technologies dont la maitrise permet d’enclencher ou non la rotation, de
produire ou non la dive fée électrique afin de coller aux besoins.
De parcours en détour, d’hésitation en décision, le lieu de
repas fut agréé et même…testé ! Vu sur la mer et le village de La Palme,
mais que se passe-t-il ? La mer semble s’agiter, des traits blancs d’écume
ponctuent son dos, le vent se lève, ce que semble confirmer la rotation
accélérée des grands ventilateurs derrière nous. Cela n’entravant pas la bonne
humeur, loin de là, mais dès le café avalé, les sacs garnis et remis aux dos,
la suite fut sans moustiques ou alors, la force du vent nous empêchant surement
de les voir, le pas ferme et décidé à vaincre sans péril pour triompher sans
gloire de ce parcours, sans oublier, métier oblige, de se tromper
d’embranchement pour accomplir un joyeux détour et un aller-retour sur nos pas,
le temps de rejoindre les autres partis couvrir une autre variante du retour
avec, je l’avoue, un peu plus de succès que nous. Retour au minibus, moment
tant attendu que celui de l’extraction pédestre, déchirant adieux entre orteils
en compote façon terrain caillouteux et chaussures aux principes rigides et
bien serrées. Un peu de tenue, sèche et odorante dans des variations
différentes de celle quittée, retour au bercail non sans avoir au préalable
débattu de concert de la journée devant la quasi obligatoire mousse à la buée
sur le verre, dont le principe actif permet l’élimination de l’acide lactique
des muscles usés, à laquelle nous nous soumettons sans d’autres plaisirs, si ce
n’est celui de se refaire une santé. Retour vers la ville, la notre, un peu
fatigué sans savoir si cela est du à des sommeils entrecoupés ou bien au réveil
tôt ou encore aux marches presque improvisées. Qu’importe le flacon, pourvu
qu’on ait l’ivresse, celle des sommets, celle de marcher, celle surtout de s’en
régaler, et là, je reconnais avec reconnaissance combien j’aime m’en délecter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire