C’était marrant de le voir évoluer, grandir, mesurer
pas après pas son entrée dans le monde des grands, oh non, pas celui des grands
hommes, juste celui des adultes, dans toute la maturité de sens que ce mot veut
dire, ce sens qui ne s’associe pas à un âge, pas de façon aussi réductrice qu’une
formule mathématique « adulte = plus de dix-huit ans ». Non, la
maturité, c’est le moment où l’on sort de l’école de la vie avec ses diplômes, et
comme toutes études, le parcours diffère pour chacun, certains redoublent, d’autres
passent, d’autres quittent les cours, pour tout un tas de raison, toutes
valables, parce que sinon, il n’y aurait pas de raison, n’est-ce-pas ? Le
parcours, son parcours était digne des montagnes russes, et même si souvent les
anges gardiens avaient su veiller et l’aider à faire les choix, les bons,
peut-être bien, le temps jouait en même temps sa partition, diable de temps qui
se moquent des trains en retard, des trains qu’on rate, des époques où il est
bon de faire les choses, de faire un pas plutôt qu’un autre, plutôt que plus
tard… C’est cela la magie de la vie, on nait, on grandit, on se construit dans
des étapes, bébé, enfant, adolescent, jeunesse des rêves, des projets, des
envies, avec des sources d’inspirations abreuvées par nos cultures, nos histoires
familiales, nos lectures, nos relations, comme un puzzle patiemment construit,
pièce par pièce, morceau de vie après morceau de vie. Enfant, on joue à s’imaginer
grand, avec femme et enfant, une vie de rêve bordée de maison, de piscine, de belles
voitures, et puis la vie ajoute ses ans, année après année, et le rêve s’estompe
dans des réalités parfois plus éloignées. Des leçons, des étapes, des années
qui font que la vie d’un ne ressemble jamais tout à fait à la vie d’un autre,
ce qui n’aide pas à la bonne lecture, l’esprit ayant souvent besoin d’une référence
acquise pour comparer des informations reçues et s’en faire une idée ; S’en
faire une idée, c’est là la sagesse de la vie, nous ne détenons de vérité que
la nôtre, jamais celle des autres, juste une idée de vérité, une nuance tout en
nuance qui devrait souvent nuancer les propos, les mots, les visions…
Il était là, calme, presque détendu, impression de
détente dans un corps peut-être moins détendu, peut-être crispé, sûrement moins
lié aux ordres d’un cerveau semblant parler dans le vide, son corps lui
échappait, se contentant de grogner par douleurs diffuses et tenaces, tantôt
ici, tantôt là, tantôt fortes, violentes, comme des coups de piques d’un destin
farceur ne piquant jamais au même endroit. Le calme dans l’apparence, le calme
dans l’existence, sans qu’il soit besoin d’aller se réfugier au fond d’un
monastère ou bien au cœur d’une forêt profonde, non, l’époque actuelle nécessite
simplement de désactiver quelques clés pour cela, quelques codes, quelques
pages, le réel du virtuel, sans compter que le temps qui court et fait courir
les êtres, leur donne la puissance de prendre et de ne plus connecter ces
embryons de vies, d’amitiés ou autres formes d’amour, de relations ou autres
plus ou moins sincères, jamais tout à fait désintéressés, résultats d’un monde
devenu très intéressant et surtout très intéressé. Difficile de vivre dans ce
genre de monde lorsqu’on ne joue pas sa partition, lorsqu’on donne sans
demander. Maitriser le sens des choses, être un relais des mondes, savoir
écouter, soigner et guérir, les âmes, les corps et les esprits, c’est intéressant,
captivant utile aux autres, utile pour les autres. Un café, un repas, un soir,
un jour, une promenade, un coup de main, une soirée où l’on s’échappe de sa
triste réalité, une éponge, une épaule pour y déposer des larmes de passé, c’est
bien, utile et biodégradable, il suffit de prendre, de profiter et de
disparaitre. Un crayon dans un pot à crayon, là, présent, à disposition, inerte,
pas besoin de vérifier la présence, l’état, il est là, disponible, un nom, une
suite de chiffres dans une liste d’autres chiffres, d’autres noms, d’autres
crayons ou pas. De ces années de présence dans d’autres vies, le temps a glissé
ses cartes, ses grains de sables peut-être bien ceux-là même qui bloquent et
irritent la grande mécanique, réveil douloureux aux sortir d’une vie ou sa
propre vie est passée à côté de sa vie.
Il est là, détendu, détaché, comme un pantin
désarticulé dont les fils sont rompus, plus de liens entre commande et
articulation. L’air paisible, il n’y a pas de guerre inutile, il n’y a pas de
combat inutile, il n’y a pas d’abandon, jamais, à quoi bon ? Le mouvement
du corps s’adapte à la souplesse des muscles qui le contrôlent, étrange
équilibre en ce qui est et ce qui fut. Peu importe l’existence, peu importe ce
qui fut, ce qui est, ce qui sera, sera ou ne sera pas, juste une concordance
des temps. Bien sûr il y a la fameuse ligne de conduite, les regrets, les mots
dits et les mots non-dits, les discussions absentes, les conclusions à voix
unique, mais à quoi bon tout cela ? On ne rejoue jamais l’histoire, les
lests des passés sont des attaches à dépasser pour avancer. Sérénité, oui, c’est
cela, et c’est là la maturité qui fait qu’un homme devient un jour adulte. Il
était temps ! Peut-être, peut-être pas, et même si le temps glisse ses
grains de sable hors des sabliers, l’important est ailleurs, dans la vie et
surtout, dans ce qu’on en fait. Alors oui, le monde est plein de faussaires, de
profiteurs, mais on ne donne que lorsqu’on veut donner, on offre que lorsqu’on
veut offrir, chaque action qui nous impacte détient notre vérité, notre part de
responsabilité qui nous replace si l’on veut bien le comprendre dans notre
rôle, une clé majeure de notre existence, une action plutôt qu’une soumission.
Alors oui, il est là, paisible, déconnecté, et de plus en plus détaché, mais c’est
aussi peut-être parce que sa vie prend cette place-là, la place qui est sienne.
Exit ce monde ancien qui n’est plus sien. Exit. Il vit. Parfois le ralenti n’est
qu’une impression. Gare aux impressions….
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