Démenagement


Parce qu’un jour le chemin arrive à un terme, une intersection, une place des choix pour trouver une place de choix, parce que la vie n’est jamais faite que de choix, parce qu’on avance qu’un pas après l’autre, le voilà arrivé à cette fameuse intersection, à la croisée des chemins, au bout d’un parcours. Des sentiments étrange l’habitaient, celui de clore une page, un chapitre, un livre, celui de n’être plus en phase avec ces corps qui jusqu’ici le véhiculaient, celui de devoir aussi fermer une adresse, un carnet d’adresse, son adresse. Partir. Changer d’air, changer d’aire,  errer ailleurs, être en phase avec ses inspirations, sa vérité. Une attitude calme, peut-être le calme avant la tempête, c’est si facile ce genre de préjugé, car s’il est des tempêtes qui détruisent, il en est d’autres qui construisent, après tout, le phénix renait de ses cendres. Le calme, c’est peut-être plus une phase de repos, une respiration après le tumulte, une sortie de la tête de l’eau après les grosses vagues et les grands creux de la vague. Une renaissance, qui comme le papillon, nécessite de briser le cocon pour s’en extraire et vivre encore mieux et encore plus fort dans un cadre à sa valeur. Il y a du déménagement dans l’air.  C’est bizarre de mettre sa vie en carton, de fermer ces sarcophages riches de trésors, de vider les lieux et d’avoir sur ces endroits désormais nus un regard neuf. Ni agitation, ni fébrilité, juste nécessité. Il était calme et serein, ni abusé, ni désabusé. Non, ce n’était pas une fin, une page tournée appelle un autre page, un chapitre clos aspire à l’ouverture d’un autre, un livre qu’on referme laisse place à un autre, rien ne se compare, rien ne se ressemble, le seul point commun reste l’acteur. Partir n’est une fuite que si l’on n’a pas mis en paix les choses que l’on fuit ; Le temps apporte la sagesse lorsqu’on sait apprendre et se donner le temps de comprendre. Le temps n’est pas un ennemi si l’on en fait un ami.

Quelques photos prises de cet avant, quelques idées éprises de cet après, une aspiration vers demain qui l’inspire et lui donne le sourire à l’occasion de cette mise en boite. Une étape personnelle qui ne se partage pas, d’ailleurs, qu’est que le partage, si ce n’est un acte à double sens, un échange, une communion ? Une forme de transition, plus dans un mode de fondue enchainée que dans un clash chaotique, loin des tempêtes, loin des ouragans, loin des tornades, loin des expulsions, c’est posé et tranquille, relativement zen qu’il rassemblait son petit monde dispersé dans la pièce en quelques coquilles de carton. Il était rare ces moments à soi, ce temps à se poser dans son antre, celle-là même qui ne fuit bien trop souvent que lieu de passage, rarement seul, souvent à accueillir, souvent à offrir, les flammes d’une cheminée, la douceur d’un café et des mots échangés, l’écoute, le soin, l’âme en phase, ou bien encore lieu de nuit, canapé ou lit, entre deux voyages, entre deux échappées, mais au fond s’échappe-t-on vraiment lorsqu’on part sans cesse pour revenir à ce lieu de nuit sans en avoir fait un lieu de vie. Le sourire aux lèvres, car la mise ne boite fait rejaillir des objets de leur immobilité, et chaque objet porte en lui son histoire, le pourquoi il est là à prendre la poussière sur une étagère. Comment est-il arrivé, un cadeau, un achat, une trouvaille, une préméditation, une surprise, un souvenir d’un voyage, les raisons sont multiples, raisonnables ou bien déraisonnables, mais l’objet est là, l’objet est roi pour ramener aux mondes des vivants des souvenirs enfuis, quand bien même les images n’en sont pas toujours très nettes. Les objets, puis les meubles, puis derrières les meubles, la poussière grise trace de passage des temps, les odeurs exhalées de ces mouvements, c’est un retour à la vie de ces mondes dormants. Soudain, la logique de construction de la pièce apparait en même temps qu’apparait la logique de l’installation des meubles et étagères, et au final, tout cela lui paraissait moins logique, moins construit, parfaitement modelable autrement, à colorer différemment, quand bien même cela serait en le colorant de blanc, paradoxe suprême ou l’absence de couleur redonne de la couleur aux projets et aux idées. C’est bizarre l’inspiration, c’est un phénomène qui travaille à l’aspiration, ça commence par un petit bout, un petit coin, une idée, une couleur, un mur qui tombe, un espace qui se redessine, qui s’affine, qui s’exprime pour ensuite appeler d’autre modelage, d’autres chutes de cloisons inutiles, d’autres appels de lumières, des envies de décrocher les lustres, de faire disparaitre ces points de lumières qui de leur verticalité imposent une disposition des meubles, une quête vers un champ infini de création et une faim de recherches, un œil neuf en visitant les catalogues, les revues et les magasins de bricolage et de décoration. L’écrin à venir nait sur l’écran des idées, avec pour vrai mode de fonctionnement, le cran de le faire et d’aller loin, très loin. 

C’est bizarre les adverbes et les adjectifs, ça nait riche de sens et ça meurt dans un sens que l’on croit ainsi défini. L’espace-temps n’est pas le seul espace de nos vies, on a trop souvent tendance à se contraindre et se réduire au final, à se cloisonner dans un espace étriqué, peut-être par peur, par doutes, par volonté d’être rassuré. Pour lui, ce temps-là était révolu, l’heure au contraire était au grand large, à la lumière, non, aux lumières, et surtout, au décloisonnement, perte d’espace, perte de temps, il y a trop de contours à contourner pour avancer et aller ainsi fidèlement à sa vision et a sa foi, droit au but, sur le chemin de la sincérité et de la franchise sans quoi la relation quelle qu’elle soit passe ou casse mais surtout offre un gain de temps même lorsque le temps ne se compte plus qu’en trésors connus et surtout, à connaitre. 

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