Moi, l’humble toulousain qui de ta brique rouge aux accents
rose n’a pu que vérifier les dires ô combien bien écrit de notre maitre
troubadour Claude Nougaro, moi qui enfant battit ton pavé dans des courses
autrement plus plaisantes que dans tes supermarchés hyper densifiés de ta si
proche banlieue qu’elle t’englue dans ses flots vomitifs de véhicules tellement
serrés qu’un deux roue trouve difficilement à y glisser ses pneus, moi qui plus
tard, le cartable au poing, dans ces temps d’avant les sacs à dos, scolaires ou
bien encore de randonnées, jonglais avec des bus et des marches kilométriques
pour grandir en toute scolarité, moi qui plus tard encore, m’en revint tester
ton goudron et tes pavés sous les roulettes de mes modernes patins au nom anglophonisé,
ou bien encore, en mode flâneur l’œil aux aguets, l’appareil prêt à dégainer,
moi qui me suis régalé de tes musées, de tes expositions et de tes trésors
gratuits d’accès comme la belle salle des Illustres ou Henri Martin sortait
d’un nom de rue du Monopoly pour illustrer en fresque la promenade d’un
Jean-Jaurès qui n’était pas encore avenue, moi, enfin et toujours, qui suis et
sera toujours enfant de ma ville, natif d’aqui comme on dit ici, comme on né
ici, capitale mondiale de notre Occitanie, terre rebelle dans la plus belle des
rebellions, celle qui oppose et propose au lieu comme de trop souvent en
d’autres terres, s’opposer et crier, râler et s’opposer. Quand bien même le
verbe est haut, la colère n’est pas méchante ni armée, juste gonflée au vent
d’autan, les accents sont toniques, la roche qui les aiguise est née plus haut
dans les sauvages Pyrénées, arrachée à sa terre par les flots de dame Garonne
alors en jeune âge, elle nage et roule, se polit sans se flétrir, s’adoucit
sans se ramollir, devient un noble galet qui sait si bien s’ordonner en rang
pour bâtir entre deux couches de briques rouges arrachées à la terre d’ici, ce
trésor architectural qu’on nomme le mur toulousain.
Oui, je suis du pays, de celui-ci, avec dans mon sang des
mélanges étonnant, des richesses héritées de mes lointains ancêtres comtes de
Toulouse, qui avaient dressé la carte de leur résidence entre océan et Italie,
c’est ainsi que j’aime tout autant le Mistral en Provence que l’autan en
Lauragais ou bien encore la fougue des vagues océanes qui ne verront jamais la
place du Capitole. Ma ville est un joyau, dont il faut prendre le temps
d’ouvrir l’écrin jusqu’au cœur de ces ruelles pour en admirer l’éclat, et si
les éclats de voix vous font peur, tant pis, les pierres taillées nécessitent
un sertissage pour pouvoir être portées. Les voix portent, les accents
s’échangent, de moins en moins certes, tant pis pour ceux qui n’ont pas admis
la richesse des diversités. Cela faisait longtemps que je n’étais venu la
visiter, par manque de temps, par manque de fait, juste parce que comme pour
toute chose qui est près, pour toute personne qui est proche, on se dit qu’on a
le temps d’y venir, le temps de se voir, jusqu’au jour où…. Hier soir,
l’occasion était belle, une soirée à l’autre bout de la ville, ma ville, dans
son temple des hauteurs où même l’Olympe peut aller se rhabiller, car ici on
vise plus haut, plus fort, plus grandiose, le monde ne suffit pas à porter la
technologie « made in Toulouse », c’est l’espace qui est notre royaume,
les comtes de Toulouse peuvent être fiers de leurs descendances, dommage de ne
pas faire flotter le drapeau d’Occitanie à côté du tricolore emblème de la
république.
La cité de l’espace, espèce d’espace ou se côtoient Ariane,
cinquième du nom, Mir, non, pas la lessive, ni ce personnage d’Achille Mir,
non, plutôt la station spatiale et spéciale, des bouts de Lune, des bouts de
Mars, des leçons de choses, des expériences inédites loin d’être interdite, le
tout en cercle privé et en accès libre, mes premiers pas sur la Lune ou bien
encore, météo à la une…. Mais y être, nécessita un parcours du combattant,
celui d’un con battu par trop de ces bouchons dont on a l’impression qu’ils
sont perpétuels voire même amibien, cela me rappelle mes premières leçons de sciences
et vies, la division cellulaire qui transforme une amibe en deux, puis quatre,
puis….. C’est cela les bouchons, ils se divisent, prospèrent, étouffent et
broient le temps des automobilistes qui se mettent à broyer du noir. Les deux
périphériques étant englués, c’est par le cœur de la ville qu’il fallait
passer. Mais là… Si Nougaro parlait de trottoirs éventrés sous les tuyaux du
gaz en se demandant si c’était là une bulle de jazz jaillissant des tripes,
non, les travaux ont pour noms tramways, parkings, délires et autres blessures
dans la chair usée de ma vieille ville qui peine à s’en remettre. Certes, tu
n’as jamais été faite pour l’automobile, mais là, entre le nombre croissant
d’habitants motorisés et le nombre décroissant de tes voies utilisables, cela
revient de l’exploit et on se plait à rêver au temps bénis où nous volerons, du
verbe voler, ah oui, zut, c’est le même, bref, vous l’aurez compris, je parle
comme l’oiseau, enfin, pas la pie, puisque la pie chante certes, elle vole
aussi et en plus, elle vole. Qu’il est triste de voir ces crevures, ces
barricades bâties à la hâte à coup de planches autour des troncs âgées des
nobles platanes des allées Jules Guesde, le jardin royal, le grand rond et le
jardin des plantes réunis par leurs tentacules de passerelles doivent s’en
asphyxier de terreur, car si les planches enserrent le tronc, qui protège et
hydrate les racines fortement ébranlées ? Un moindre mal lorsqu’on voit le
square Charles de Gaulle à l’arrière du Capitole épilé de ces arbres majestueux.
Le pire est que cette ville fut équipée de tramways dans un temps peut-être au
fond prémonitoire, l’histoire est un éternel recommencement comme pourrait dire
un Maya, un temps pas si lointain puisque celui des générations précédentes, où
l’automobile était un luxe et donc absente ou presque du décor. L’auto a chassé
le tramway, le tramway chasse l’auto, enfin, pour l’heure, il la traque, il la
comprime en des voies au bord de l’implosion. Cette ville n’est pas faite pour
cela, seul le métro a su en irriguer le cœur sans en enlaidir l’épiderme. En
attendant, c’est désolation et abnégation, temps de transport à rallonge pour
des courses où les transports en commun ne servent à rien, comment peut-on
concevoir un tracé de métro qui ne desserve pas des lieux appelant
l’affluence ? Quelle influence a-t-elle donc pesée ? Cité de
l’espace, stadium accueillant les matchs de football, stade Ernest Wallon aux
sept-deniers accueillant les matchs de rugby jusqu’à l’aéroport drainant de
plus en plus de voyageurs, autant de lieux sans liens sur l’épine dorsale des
transports en communs rapides et faiblement polluant. Il est du bon sens en
toutes choses, sauf dans l’oubli. Dieu merci, ces gangrènes ne sont vivantes
qu’en heures de pointes et comme dirait l’ami Richard Bohringer, c’est beau une
ville la nuit, lorsqu’on peut s’y promener, lorsqu’on la traverse dans la
grande largeur de ces artères exsangues du flot contaminé et contaminant de nos
véhicules ralentis. Bientôt les insectes jaunes qui te déchiquètent et dévorent
tes entrailles partiront en d’autres migrations, j’ai hâte de te découvrir sous
tes nouveaux habits. ô Toulouse, ô ma ville, ô moun païs !
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