Un pas après l'autre


Combien de fois l’idée jaillit, belle, limpide, à peine sortie des nymphes, elle murit dans la tête et on se dit : «  vite, il faut que je la note » mais trop tard, parce qu’en murissant, elle en fait naitre d’autre et dans la naissance des autres, elle disparait, selon le même schéma de la vie, qui nait, meurt, et se décompose pour de là faire naitre d’autres vies. Minéral, végétal, animal, les trois règnes du bas sont ainsi. La roche vie, explose ou se délite, se désagrège et se cange en sable, terre, minéraux futurs sels minéraux, la plante vie, grandit, prospère, porte ses fruits, puis meurt et se désagrège apportant au sol de l’azote et autres composés de décompositions qui feront naitre et grandir les générations suivantes. L’animal lui est déjà plus mobile, chacun est un maillon d’une grande chaine, chacun a sa place, chacun peut vivre d’es règnes inférieurs tout comme des autres acteurs de son propre règne, sans en attendre la décomposition sauf pour quelques espèces nécrophages ou bien charognardes.

Au-dessus de ces trois règnes, règne l’Homme, l’être supérieur, celui qui sait, celui qui décide, celui qui bouleverse, celui qui détruit, arrivant même à scier la branche sur laquelle il est assise et ainsi, un jour, ou peut-être une nuit, près d’un lac, d’une rivière, d’un étang ou bien d’un océan, l’Homme est descendu de l’arbre, mais non du singe, quand même ! A quoi bon accabler les singes ? Ils ne font que singer la nature humaine mais point trop, parce que primates ils ont conservé l’intelligence primaire, celle qui fait les choses dans un but substantiel et non cupide. On en arriverait presque à dire que les trois règnes primaires sont supérieurs à leur règne supérieur dans l’intelligence de la vie. Mais non, soyons humain, nous ne pouvons pas envisager pareille révolution, d’ailleurs, c’est quoi la révolution ? Un terme mathématique qui désigne une évolution à cent quatre-vingt degrés, un virage radical et opposant, une inversion de sens qui ferait donc de l’Homme un règne inférieur à l’animal, au végétal et même au minéral, minéral qui se trouverait soudain propulsé en tête de la classification des règnes… Explosif ! La terre bout, le magma s’agite, crève l’abcès et fait éruption, recouvrant de lave en fusion et de cendres, le végétal, l’animal et l’Homme. Voilà qui fait froid dans le dos, malgré la chaleur de l’exemple.

Un chaud et froid sur nos vies, une prise de conscience que rien n’est jamais acquis, et que si haut que notre forme d’intelligence nous ait placés, nous ne sommes que des poux sur la tête de notre monde, qui à trop irriter la planète d’accueil pourrait se retrouver shampouinés et rangés aux étagères des espèces disparues. Bien sûr les images venues d’ailleurs sont affligeantes, bien sûr il est urgent de sauver les forêts d’Amazonie ou bien d’autres parties du globe, mais avant de vouloir faire un grand pas, on apprend à faire de petits pas, et même, de faire un pas, car chaque pas compte, de par son existence, de par sa naissance, de par son avancée qui nous mène, somme toute, un pas plus loin… Et puis, on ne peut faire qu’un pas à la fois, inutile de vouloir gravir la colline tant que nous ne sommes pas parvenus à son pied. Chaque pas compte, chaque pas effectué fera naitre le pas suivant, c’est dans la décomposition du mouvement d’un pas qui nait, évolue dans l’espace, prend de la hauteur avant de retomber au sol avec une énergie qui fait naitre le mouvement tandis qu’elle meurt écrasée, l’élan donné, c’est la graine de vie qui va donner naissance à l’autre pas, le suivant, celui qui se trouve projeté en avant, s’envoie en l’air, parcours une course à la fois aérienne puis terrestre, étape nécessaire à l’explosion du fruit, à faire naitre de sa décomposition la graine de la génération suivante, celle du pas de plus, du pas suivant….  

Les rêves sont beaux parce qu’ils grandissent les idées, parce qu’ils projettent dans les têtes des cartes de voyages au long cours, mais, les plus grands voyages commencent tous par un premier pas, alors, ne nous laissons jamais submerger par ce sentiment d’impossible, apprenons d’abord à faire un pas, même un tout petit, ce n’est pas la taille qui compte, mais le geste, l’envie, et surtout, la graine ainsi délivré qui fera naitre le pas suivant. 

Osons.

Sans oublier que nous ne pouvons faire qu’un pas après l’autre… à condition de faire le premier…

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