J'ai quitté mon chemin


J’ai quitté le chemin pour les prés, mais au fond, y-avait-il un autre chemin ? Chacun cherche sa voie, parfois en silence, parfois dans les cris, parfois sans voix, parfois dans l’écrit… allez comprendre. Les mots ne sont que des prétextes, ils viennent, s’alignent, s’associent et forment des phrases, parfois plus, et les jours de grande formes, les voilà qui se mettent à porter des idées. Parfois même, les mots apaisent les maux, après tout, à chacun ses remèdes. Alors, oui, j’ai quitté le chemin pour les prés, j’ai coupé tout droit par les prés, enfin, à peu près, mais après tout, tout cela n’est que prétexte à jouer de l’accent, ce fameux accent, parfois chantant, parfois rocailleux, ou simplement cette virgule suspendue en l’air qui ne badine pas avec l’à-peu-près, puisqu’en une simple inclinaison, nous voilà près du pré ou bien…qui sait ? Badinerie donc. Il en faut, tout comme il fallut des faux pour faucher les prés, dans ces temps anciens ou le brassier ne portait pas brassière, sauf pour lui faire franchir le seuil de l’humble chaumière sous réserve que le toit fut en chaume d’avant la mise en chômage des chaumiers au profit de la tuile, avouez tout de même que là est la tuile. Alors, oui, fauchons ces joncs, ces chaumes qui seront le toit de nos futures chaumières, puisque l’heure est à l’écologie jusque dans le logis, et puisque qu’il n’est point de raison d’aller chez Fauchon pour cela. Un peu tiré par les cheveux ? Je vous l’accorde, mais après tout, pourquoi pas, cela ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe, fut-elle de chez Fauchon….  Nous voilà parti dans la répartie, ah ! Ces diables de mots qui se mettent à jongler et jouer, voilà bien de vrais bons jeux de mots et non de Meaux, restons sudiste diantre !

Il est parfois bon de prendre récréation, de quitter le chemin habituel pour disgresser par les vertes prairies, et même si désormais la fauche est mécanique, ce n’est point un plaisir volé que de parcourir ainsi le monde… Mon monde. Ces champs odorants où se mêlent les odeurs des souvenirs, souvenances olfactives des foins mûrs exhalant à la nuit tombée des parfums suaves et pénétrant qu’aucun nez digne d’un grand maitre parfumeur ne saurait reproduire. La nature est une reine, qui règne en toute puissance et nous offre chaque jour des trésors pour peu qu’on sache les voir. Y voir, voilà bien l’ivoire de nos jours, simple, éclatant. Au fond, que sommes-nous si ce n’est que particule insignifiante de ce vaste monde, et même de cet immense univers. Je me souviens des belles soirées d’été, lorsque la nuit était bien installées, que les grillons trouvent dans l’air tant d’humidité que leurs ailes ne frottent plus qu’en silence, je me souviens avoir fait souvent quelques pas au-delà de la vieille ferme  qui nous servait de repère, pour m’en aller m’asseoir dans le pré au-dessus, le cœur battant la chamade de tous ces bruits inconnus, ces craquements de branches perdant son desséchement, peut-être même un animal en excursion alimentaire, lapin, mulot, blaireau, renard ou bien dahu quoique pour ce dernier je ne suis pas très sûr. Là, assis dans l’herbe odorante, loin des lumières des hameaux répartis on ne sait pourquoi le long de la voie, je me trouvais dans une obscurité qui peu à peu devenait familière et semblait s’éclaircir, peu à peu je devenais nyctalope, ce qui n’est pas un terme grossier je vous assure. Là, je levais ma tête vers le ciel, cette voute noire décorée de milliers de diamants, et là, mes yeux se perdaient à chercher les leçons paternelles, la grande ourse, la petite ourse, l’étoile du berger qui pourtant dormait au village avec ses moutons et ses vaches, enfin, c’est là un raccourci car je pense bien qu’il avait sa pièce à lui, quand bien même elle servait de chambre et de séjour, de cuisine et de salle de bain pour les jours de fête tandis que les bêtes dormaient dans les étables juste à côté. Les ourses, c’est vraies qu’en ce temps, nos belles montagnes Pyrénées en abritaient encore, bon, des brunes surtout, histoire d’aller bien avec nos ours bruns, mais voilà, le brun du pelage sur le brun des couches d’humus en sous-bois, ça ne le fait pas, ou plutôt, si, ça fait ton sur ton, et moi, pauvre de moi, j’ai fait tintin de ce ton sur ton, je n’ai jamais vu l’ours, ni l’ourse….

Mes yeux dans les étoiles, et non, je n’étais ni à Amsterdam, ni maitre Brel pour m’y moucher dedans, moi, je m’y perdais, je chavirais, je me sentais tout petit, très petit, infime particule de vie perdue sur terre, bon, d’accord, un peu plus grosse que le lombric qui jouait à l’explorateur à travers les touffes de plantain, c’est certain, mais là, j’étais bien. C’est un étrange voyage, sidérant et sidéral, parfois même ponctuée d’une fusée, à moins qu’il ne s’agît d’une étoile filante, parfois aussi l’espace que l’on nomme champ de vision était traversé par ces animaux étranges qu’on appelle chauve-souris malgré leur pelage. Sourire, un chauve sourit. Voilà, le voyage s’achève, la tête emplie de songes, saoul d’avoir gouté trop d’étoiles, il était temps de regagner le nid de pierre, sans majuscule, restons petit. C’est bizarre, mais le chemin du retour était plutôt à la course, peut-être à cause du dahu, mais comme je courrais vite, il ne m’a jamais rattrapé et donc je ne l’ai pas vu. Il faut dire aussi, que la lumière faible mais présente de la cuisine éclairée agissait comme un phare qui aspire les bateaux vers le port, mais ça, c’est un autre voyage….

Et vous, il y a combien de temps que vous n’avez pas quitté votre chemin ? Combien de temps que vous n’avez pas vu les étoiles ?           

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