Notre belle langue possède
bien des expressions, sans compter que se mêlant aux dialectes locaux, aux
expressions familières qui n’ont pas pour prétention d’être argotiques, le
dictionnaire du langage parlé diffère quelques peu du dictionnaire académique,
mais au fond, n’est ce pas cela une langue vivante ? Je ne dis pas que
l’académie se meurt, de toute façon, ils sont immortels, et je ne voudrais pas
provoquer leurs courroux, ils sont déjà vert. Vert, frais et moulus, non, de
grâce, de laissons pas les mots entrer au grand dictionnaire pour apprendre à
s’en servir, car si le langage vit, c’est un peuple qui vit avec lui.
J’ai toujours aimé les
expressions, dès lors qu’elles colorent, qu’elles imagent nos propos et de là,
développe notre imagination, du genre « cela fait des lustres » par
exemple. Bon, quand je parle de lustres, je dois avouer que cela n’éclaire pas
beaucoup le sujet, ce qui au fond, est un comble. Ah mais oui, un comble, c’est
un espace à combler, non ? A moins que cela ne soit une forme de
suprématie dans l’idiotie, ce qui serait, au fond, un comble. Mais les combles
ne sont pas toujours aménageables, autrement dit, difficile à combler. Ah ça,
c’est clair que cela ne manque pas de sujets à combler, de jolies sujets même,
mais bon, la vie est ainsi faite, et le monde plein de vide ou vide de plein. En
tout cas, « cela fait des lustres » illustre bien ces illustres
expressions que depuis des lustres, des générations d’écoliers qui lustrent les
bancs des écoles s’évertuent en mettre en lumière, certains, certes, plus que
d’autres, car au fond, tous ne sont pas des lumières. Je ne sais pas si cela
éclaire le sujet, mais à part changer l’ampoule du lustre, je ne vois rien
d’autre à rajouter, preuve somme toute, que je suis peu éclairé. Un sujet pour
commencer, j’oserai dire un sujet en éclaireur, qui du coup se trouve à
éclaircir, c’est quand même ballot, pas très balèze, un peu blafard, incitant à
se faire porter pâle, quoique pâle soit tout de même un début de lumière.
Par chez nous, sur ces terres
d’Occitanie d’avant l’Occitanie de complaisance, on mesure souvent les choses
« a bisto de naz » ce qui pourrait se traduire en bon français, s’il
fallait encore faire une distinction et décider de ce qui est bon ou non pour
le français, donc, le mode traduction dirait « à vue de nez ».
Bizarre tout de même, car à part Cyrano de Bergerac, je n’ai pas connaissance
d’aïeux doté d’un pareil instrument de mesure, le sens olfactif n’ayant que peu
à voir avec la vision. Cela dit, c’est quand même diablement efficace pour
prendre la mesure des choses, comme quoi nos anciens, ben ils en avaient tout
de même des choses dans le ciboulot, si boulot il y a à voir, à moins qu’il n’y
ait à avoir du boulot pour décortiquer tout cela. Mais bon, comme dit un copain
forestier, « le bouleau à son charme, même s’il est un peu plié, il mérite
d’être, chêne vais pas dire le contraire » oui, il n’est pas d’ici, et ses
intonations sont parfois étranges, mais c’est aussi cela qui fait la beauté de
notre langue, le parlé, l’usage, les mots, les accents. C’est peut-être tiré
par les cheveux, je le reconnais, certains crierait « chauve qui
peut », ce qui est bien loin de « chauve qui veut », question de
nature, mais autant chercher une aiguille dans une botte de foin, encore que là,
c’est question de méthode. Avec un bon aimant et si cela ne suffit pas, avec
l’aide d’un briquet, (solution expérimentale à ne pas reproduire), mais au
fond, le jeu en vaut-il la chandelle ? Mieux vaut peut-être prendre la
poudre d’escampette, et là, je retombe sur mes pas, puisque l’escampette semble
être un dériver de notre bon vieux verbe occitan « s’escamper » qui
se traduirait par « s’enfuir ».
Et il y en a de ces jolis
voyages pour les neurones, de ces visites immobiles à l’imaginaire afin de bien
imaginer combien la phrase est belle, réelle, partir dans l’action, se voir en
quelque sorte mimer le discours, comprendre par l’analogie, sans mauvaise
perception ni lapsus. Allez, un peu d’attention, ces expressions voyagent à
travers vos phrases de tout les jours, écoutez-les, captez-les mais surtout ne
les capturez pas, laissez-les courir vers d’autres horizons, d’autres
personnes, d’autres discours, d’autres lumières, elles aiment cela, pensez
donc, elles font cela depuis des lustres…..
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