Il
est toujours difficile de partir, jamais vraiment facile de tourner la page,
pourtant le chemin passe souvent par ces péages de la vie, et si parfois il
fait du bien de clore le chapitre, d’autres fois il n’est pas facile de quitter
ces dernières lignes. On a beau peser les positifs et les négatifs, on a beau
chercher à démonter les évènements, on ne cherche jamais comme logique que sa
propre logique oubliant la base essentielle de notre monde : nous sommes
tous différents.
Ainsi
un chapitre se clôt. Sans facilité, la couverture est lourde et le poids des
dernières pages fort pesant mais il le faut, un mal pour un bien selon la
formule con et sacrée, à moment donné il devient nécessaire et vital de savoir
accepter le mot « fin » en bas de la page et les yeux pleins
d’émotions, avoir le courage de refermer le livre et de le ranger dans
l’armoire de la vie. C’est sournois une émotion, ça vient vous titiller
jusqu’au cœur de la nuit, ça peut briller en grand éclat de rire ou bien
s’immiscer en perle de larme, se servant pour cela d’un parfum, d’une odeur,
d’un bouquet de couleurs, d’un lieu, d’un paysage, d’un nom, de tout un tas de
chevaux de Troie défilant tel un manège de chevaux de bois dans nos vies où le
hasard n’est jamais là par hasard. Hasard ? Vous avez dit hasard ?
Tiens comme c’est …bizarre. Non, rien de bizarre, juste la vie, belle, grande,
riche, étoilée, toute pleine d’émotions à composer. La vie, c’est le clavier
d’un piano, ce n’est pas parce qu’on bredouille un semblant de mélodie sur
quelques touches que les autres n’existent pas, que les autres ne sont pas là,
offertes, prêtes à jouer les plus belles notes, les plus belles partitions
selon votre rythme, selon votre pression, selon votre bon vouloir. La vie se
vit selon votre bon vouloir, pas celui des autres. Bien sûr on peut jouer à
quatre mains, parfois plus même mais le jeu en devient compliqué, tout comme il
se resserre lorsqu’on joue à nouveau seul, le cœur serré et les bras déformés
par ce repli forcé. On ne joue bien que détendu, ouvert et offert, prêt à
accueillir les charmes d’une vie. Pour l’heure, la seule envie est de refermer
le couvercle, d’enfermer les touches bien alignées, bien ordonnées en blanches
et en noires dans leur écrin de bois, refermer le cercueil et de ces notes ne
plus voir que le bois trop brillant, trop laqué, trop lisse, trop froid.
Qu’elle
est haute cette étagère et qu’il est lourd ce livre, peut-être qu’il contient
trop de page, trop d’émotion, peut-être bien parce qu’il y a plein
d’investissement personnel, trop peut-être… Ceux qui ne s’investissent pas dans
l’histoire doivent avoir des livres plus légers, des pamphlets, des livrets,
des récitations à peine apprise et dont les rimes exquises sentent bon le
parfum léger des roses de printemps, ces parfums si envoutant, si charmant dont
on tombe sous le charme le temps qu’ils puissent enfin se volatiliser dans
l’air, peut-être même un autre air, parfums volages, adieu ! Drôle de mot
que « adieu »… Adieu, à dieu, est-ce parce qu’on remet à dieu ce dont
on ne veut plus ou bien parce que la prochaine fois qu’on se verra sera lorsque
nous serons tous remis à dieu ? Encore faut-il le souhaiter, si l’on se
quitte dans cette vie-ci pleine de ses vicissitudes, ce n’est certainement pas
pour se revoir dans l’autre vie-là, cet au-delà qui du coup ferait qu’un adieu
ne serait qu’un au revoir… Non, à quoi bon ? Il est vrai qu’il est des
livres dont on prend plaisir à revenir tourner les pages, mais il en est
d’autres dont on n’a peut-être pas compris le sens si ce n’est l’utilité dans
l’évolution, des pages mal écrites, mal engagées, maléfiques, amères et acides,
des pages et d’autres pages. Fini. Terminé. Défait. Oublié. Non, on n’oublie
jamais rien, chaque chose a un sens, même si parfois il faut décaper la couche
de crasse qui l’empêche de faire briller tout son sens au plein soleil. Tôt ou
tard les masques tombent, tôt ou tard les choses s’éclaircissent et
apparaissent sous leur vrai sens mais il n’est pas besoin d’en reprendre la
lecture, les leçons ne sont utiles que dans leurs mises en pratique, même si
cela n’arrive que plus tard, bien plus tard.
Ménage
de rentrée, de printemps en été dans l’automne d’une vie, le livre, fameux
livre, lourds, épais, riche de ses personnages trouve enfin sa place sur la
dernière étagère de la grande armoire. Il ne reste plus beaucoup de place, à
peine de quoi glisser quelques feuilles à écrire, quelques mots en dernier,
quelques syllabes si l’abcès cicatrise enfin, quelques expressions prises
souvent pour dernières volontés, mais au fond, c’est quoi la volonté ? Ne
plus lire, ne plus écrire, ne plus … L’armoire et ses secrets. Un autre tome,
un autre livre, d’autres couvertures, une grande boite, descendre, des cendres,
avoir si chaud pour devenir si froid, sans effroi. Juste une clôture loin des
cultures qui séparent si bien la vie de la mort sans savoir vraiment ce qu’est
la vie, en ayant peur de la mort, en oubliant toujours d’être vivant. Ainsi
soit-il.
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