Le coq

Que l’on soit superstitieux ou non, il faut bien reconnaitre que cette année en treize sonne bizarrement. Après un hiver long et neigeux, un printemps long et pluvieux, voici venu l’été chaud et caniculaire et sa farandole d’orage ô désespoir sans vieillesse ennemie. D’aussi loin que ma mémoire se souvienne et veuille bien m’en parler, je n’ai souvenir de pareilles cataclysmes et catastrophes en si peu de temps et d’endroits rapprochés. La nature se met-elle en colère ou bien sont-ce les traces-là des anciennes prophéties occitanes mises au-devant de la lumière ? Doit-on sacrifier le coq sur l’autel purificateur ou bien sacrifier le coke à la terrasse de l’hôtel, là, j’avoue ne pas être assez expert dans le vieil occitan littéraire de Mathusalem. De plus, je ne suis pas sûr que les sacrifices soient bénéfiques et en tout cas, ils ne le sont pas pour tout le monde, n’est pas le coq ?


Ce coq-ci, sans coup bas, je le sacrifierai bien plus dans une ferme du Poitou, au son d’une pendule, histoire de faire sauter le coq au vingt comme nous l’enseigna notre illustre troubadour national, monsieur Claude Nougaro. Il devait tenir cela de ma grand-mère qui faisait très bien le coq au vin, mais il est des secrets de famille qui restent bien secret plutôt par manque de transmission orale faute d’orateurs que par manque de volonté, la volonté ici est comme le vent, rarement de repos, de quoi souffler dans les plumes de ce cher coq. Bref, par les temps qui courent et non l’étang de la basse-cour, les coqs ne deviennent pas vieux, et, s’il est un secret essentiel à la réussite du coq au vin, bien plus qu’une pendule accordée il faut un vieux coq et aussi un vieux vin charpenté. Notez que le coq aussi peut-être charpenté, bien puissant et bien en chair ferme, un vrai coq de ferme, aux ergots orgueilleusement dressés, aux cordes vocales patiemment entrainées à vous réveiller un camping dès les premières lueurs, et oui, les coqs n’ont jamais rien compris aux changements d’heures pas plus qu’aux règles sur les nuisances sonores, il faut dire qu’en ce temps-là, les nuisances sonores n’étaient pas encore nées pas plus que les toréadors ne l’étaient. Simple écartade sans mise au point, quelle idée saugrenue de s’habiller en danseuse pour s’en aller défier un puissant taureau déjà bien embêté de se trouver sur le sable et en plein soleil, subissant les piqûres de drôles de moustiques à deux pattes…. Alors quoi ? Le coq tout comme les autres animaux d’alors prenaient le temps de vivre avant que d’être consommer, n’allons pas chercher plus loin la qualité nutritionnelle, pas plus que le bon comportement aux longues cuissons, ou plutôt, la raison des longues cuissons… Bref, en ce temps-là, les coqs avaient de la cuisse…et de la voix tout en ayant de la gueule.


Pourquoi le coq s’en est venu camper sur le merdier de deux mille treize ? Sûrement un virus scriptural, des lettres qui se glissent à travers d’autres, des mots qui poussent dans les interstices d’un texte trop vide, des idées qui papillonnent et butinent ces mots, voilà l’histoire. Quelques traces d’humour ont pu être malencontreusement déversées, pure négligence et abandon mais il faut bien dire que sourire à défaut de rire apporte un peu de baume au cœur dans cette année très bizarre…. Ce n’est pas l’année du coq mais celle du serpent et s’il ne siffle pas sur nos têtes, il persifle et signe par ces glissements de temps et de terrains, ces terribles fléaux météorologiques, ces disparitions et ces abandons dans lesquels nous sommes plongés. Rien n’est jamais prévisible, ni jamais acquis, nous restons des fétus de paille dans la grande puissance de notre planète, cela permet de relativiser les choses, de faire moins le coq devant ces semblants de nos basses-cours, profitons simplement de nos pauses pour apprendre à sourire et à rire de nous, pour nous remettre à notre place, non pas un podium, non pas un cercle, pas même une croix, non, une trace sans trace, ici ou là, ici et là. L’année n’est pas finie, je ne peux dire si les orages, les épisodes de grêle ou autres délices naturels seront ou non encore de mise, mais il est bien plus important de se situer dans notre monde, de sourire et d’offrir son sourire, c’est là la plus grande richesse et le plus puissant des réconforts…


Et que chante le coq, et que sonne la pendule,
Bien plus important que le coke et le pendule,
Au fond, pas besoin de ferme en Poitou avec recul,

Sinon comment voulez-vous que le poisson pullule ?     

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ah le coq de ma jeunesse ,nous réveillait aux aurores afin de nous prévenir que le jour se lève . le son de mon enfance et de ma campagne . si dur pour le coq de finir en cocotte mais si bon quand il mijote dans le vin . quel pauvre fin du coq mais au moins il ne se lasse pas de nous montrer que la vie se réveille la vie simple dans gens simple réglés sur le soleil et le son du coq qui surveille ses poules dans sa basse cour !

Anonyme a dit…

Cette chanson me fait sourire jusqu'aux oreilles.
Chaque mot sonne divin comme la recette du coq au vin....;-)
Natacha