Cela fait si longtemps....

Qu’il fut long le temps, ce temps de te revoir, comme au sortir d’un long sommeil duquel on se réveille embrumé sans comprendre ni tout à fait, ni vraiment le pourquoi du comment de cette séparation. Depuis quand déjà ? Pourquoi ? Questions malaisées presque malhabiles, il n’empêche qu’au premier moment de se retrouver c’est bel et bien la dernière fois qui revient à la lumière. On a beau avoir poursuivi chacun sa vie, chacun ses combats, grandi chacun sur son chemin, vieilli aussi il est vrai, le sentiment premier est une boule au ventre qui pèse, comment vais-je te reconnaitre ?


Dire que je me souviens des longues soirées à flâner, à bouger, à découvrir serait un euphémisme, comment pourrais-je oublier ? C’est dans ces belles soirées d’été où la population semble avoir tout déserté qu’il est si bon de plonger dans ses souvenirs, d’aller enfin à la rencontre d’eux, qui plus est lorsque l’occasion est aussi joliment offerte, il est toujours des rebonds du temps et de l’histoire qui viennent nous titiller et nous solliciter aux moments où on s’y attend le moins. Il y a dans la préparation d’un rendez-vous toute une cohorte d’émotions qui défile et fait vibrer le corps jusqu’aux tréfonds de l’âme. Des joies les plus éclatantes aux peurs les plus persécutantes, le corps vivre comme un diapason, il oscille d’un état à l’autre, les mains en tremblent à l’unisson. Que vais-je mettre ? Quand dois-je partir ? Y-aura-t-il du monde sur le trajet ? Où vais-je me garer ? Et si, et si, et si…. Mais non, les inquiétudes ne sont que de vilaines personnes cherchant à briser l’élan et l’allant, histoire de nous retenir dans le sombre d’une histoire, de deux histoires séparées. Séparés. Combien de temps ? Trop de temps. Vais-je y aller seul ? Pourquoi cette question ! Bien sûr que oui, mais non, enfin, je ne sais pas, je ne sais plus. De toi, je ne sais plus rien, enfin, plus rien de ton actualité depuis cette dernière fois qui n’en était au fond pas une puisque nous voilà si proche de conclure une nouvelle fois. Enfin, je sais un peu, appris de ci, de là, mais je n’ai pas cherché à te voir, trop occupé sans doute, on l’est tous, trop perdu sans doute, on l’est tous, mais qu’importe les raisons, les saisons ont passé, puis les années, le temps mord et efface nos mémoires, tout comme il grave nos visage de ses griffes nous donnant un tout autre relief. J’ai l’impression de revenir d’un long voyage, loin, très loin d’ici, loin, très loin de toi. Pourquoi ? Bizarrement, il n’y a pas eu de manque, peut-être bien parce qu’en langage humain, le manque n’existe pas entre deux êtres vivants, c’est juste un problème de concordance des temps, tu vis à présent et hier je vivais, le passé passe et laisse des traces de mémoires, des zones d’oublis pour y garer les bus des autres souvenirs, un vrai hall de gare où se croisent et disparaissent des flots et des flots de choses plus ou moins importantes. Ne t’ai-je donc point tant aimé qu’il ait fallu que nous nous isolions ainsi ?


Depuis si longtemps je t’ai aimé, j’ai appris à te connaitre, j’ai gravi bien de tes marches, couru bien de tes axes, toujours avec le même entrain, la même joie, la même soif et sans cesse des découvertes, à trop aimer on en ferme parfois trop les yeux, alors qu’il suffit de les ouvrir pour voir, lire, apprendre, découvrir et aimer davantage. Je ne connaitrai jamais toutes tes facettes, et c’est tant mieux, j’ai tellement goûté à cet émerveillement qu’il me serait difficile de ne plus le vivre à ton égard. Si belle, si sauvage, mutine, patiente, rebelle, pétillante, étonnante, détonante, alanguie ou bien active, toujours très élégante, toujours ce petit détail qui tue, un ornement, une couleur, un camaïeu, il faut te vivre les yeux bien ouverts. Bien sûr tu as souffert, tu as connu de terribles moments, un terrible accident mais tu t’es toujours relevée, convalescente, pansant tes blessures, profitant de ces aléas du temps pour transformer tes habitudes, pour changer tes contours, tes parures, toujours debout, toujours vaillante, souvent touchée mais jamais blessée définitivement, je t’aime ma ville d’un amour filial et fluvial sans doute, tes bras m’ont portés, ton fleuve ma bercé, mes premières couleurs ne sont que rouges briques en variation de soleil, eaux vertes et sombres d’un canal endormi, eaux en dégradé des colères des cieux pour ton fleuve, la Garonne. Je n’ai pas le talent de notre à jamais grand troubadour pour parler de toi, mais je vibre toujours à ton accent, et si ce soir mes pas sont quelques peu perdus à travers les barrières de chantiers en cours, ce n’est que pour mieux voir ces mille et un détails que tu sèmes à foison pour qui sait chercher à voir bien plus loin que la simple apparence. Toulouse, ma ville, mon sang, mon âme, Toulouse, toi et moi, ce soir à nouveau réuni. Qu’il fut long le temps, ce temps de te revoir, comme au sortir d’un long sommeil duquel on se réveille embrumé sans comprendre ni tout à fait, ni vraiment le pourquoi du comment de cette séparation.        


  

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Oh quel belle déclaration d amour a sa ville . Qui est Toulouse ... Qui petit a petit se vide des gens qui courent et qui courent . Par le travail et la vie moderne .plus d
D ne aimerait en être le sujet de cette belle déclaration .

Merci très joli texte . Avec pleins d amour .

Anonyme a dit…

Séparation fut elle .. Mais retrouvailles merveilleuses.et souvenirs fusent dans les têtes et émerveillement devant cette beauté après toutes les épreuves passées .





Anonyme a dit…

Merci d accepter mes commentaires et merci de faire partager de si jolis textes . Que j apprécie toujours autant .

Unknown a dit…

"il suffit de les ouvrir pour voir, lire, apprendre, découvrir et aimer davantage" Ouvrir les yeux... La vie est là, la beauté y demeure,mais parfois nous ne savons plus la voir. Encore un merveilleux texte, vous avez une fort belle plume, monsieur le tisseur de rêves.