La main vide

Pendant si longtemps, tu m’as donné la main,
Puis tu as insufflé mes pas, main dans la main.

Hésitant et retombant, j’ai tenté. Tu étais toujours là.
Et lorsque j’ai pris mon envol, tu étais bienveillamment là.

De bougies en bougies, j’ai grandi. Discrète, tu étais là.
Et j’ai pris mes distances et mes errances et tu observas.

L’apprentissage n’est jamais aisé, tes conseils étaient là.
De blessures en déchirures, j’ai eu mal et tu étais là.

De bougies en bougies, tu as faibli, je n’étais pas toujours là
Et ton souffle peinait à t’alimenter, je n’ai pas compris cela

Poussières de mort détruisant ta vie, dure au mal, tu n’as rien dit
Nous n’avons pas compris la gravité et le sérieux de cet ennemi

Des séjours en clinique de plus en plus souvent
Des soins de plus en plus lourds, tu as souris, patiemment.

De ces séjours dont toujours on revient, on s’habitue
Mais voilà, il arrive qu’un dernier, lui, tue

Qu’il est triste de penser avoir toujours le temps
Qu’il est con de croire qu’on sort toujours gagnant

Lorsque je t’ai tenu la main, ta fièvre avait disparu
J’étais là près de toi, mais toi, tu n’y étais plus

Les épisodes suivant, nous nous sommes dit adieu
Mais ce n’était déjà plus toi, juste un corps pour les yeux

Le plus important reste l’invisible, ton vrai toi désormais
Enfin tu respires, tu vis, tu exultes et tu nous promets

D’écouter nos messages, nos pensées, nos tristesses
De ne pas trop te moquer de nos maladresses

Au contraire, je sais que tu vas sourire, peut-être même rire
De nous voir hésitant, tombant et retombant, il y a pire

Il y a cette main désormais orpheline
Il y a ces pensées, désormais chagrine

Mais pardessus tout il y a la joie, quand bien même elle me coûte
De te savoir hors des souffrances, très belle sur une autre route

Jamais vraiment loin au point que parfois nos mains se touchent
Jamais complétement invisible, toujours un truc qui fait mouche

A ne trop regarder que le visible
On oublie que le plus beau est invisible

Et si le petit prince a dit « on ne voit bien qu’avec le cœur »
Il n’y a pas l’ombre d’un jour qui passe sans ta douceur

Bien sûr tu resteras à jamais dans mon cœur
Merci maman d’avoir su éteindre mes peurs

Combien de patience, combien de leçons pèse une vie ?
Beaucoup sans doute, et ce n’est pas fini.

Rien n’est jamais facile, mais aujourd’hui je sais vraiment
Combien on est imbécile lorsqu’on masque ses sentiments

Dire « je t’aime » ne sert à rien lorsque l’autre ne l’entend plus
L’amour orphelin est un rosier qui ne fleurit plus

Aujourd’hui, maman, je t’apporte ces quelques fleurs
Ces quelques mots, un cœur gros et des pleurs

Merci, du fond du cœur d’avoir su être là
Même lorsqu’aveugle, je ne le voyais pas



3 commentaires:

Anonyme a dit…

très beau l’hommage a sa maman....le vide que cela rend . orphelin de sa maman de celle qui a donné la vie . regarder les étoiles il y a toujours une étoile qui veille qui guide mais il n y a plus la présence.

courage

Fabienne a dit…

Un ressenti viscéral : un texte dont la sensibilité est saisissante.
C'est une délicate et merveilleuse déclaration que tu offres à ta maman.
Et elle le sait.
Continue de "bonnes actions en son nom, elle en sera heureuse et soulagée"
Puisse ma discrétion t'insuffler une force dans ton chagrin

Didier a dit…

Merci de vos messages. On a chacun nos visions, nos "croyances", je ne partage les votres, mais j'apprécie. (dj)