Moment de calme parmi les tempêtes, moment de répit, de
souffle ou de recherche de souffle, la vie est ainsi faite de ces cycles de
courses et de pauses, tout comme le jour se décompose en jour et en nuit, la
nuit ne nuit pas au jour, elle le complète, en assure le repos histoire de
mieux vivre les jours de plein jour. Il était là, assis devant sa petite table
qui lui servait de bureau, quelques feuilles éparses, l’éternel stylo feutre
bleu, un décor hétéroclite autour, photos de tranches de vies, photos de
paysages amis sur les murs de cette petite pièce lui servant de refuge, fenêtre
ouverte sur le jardin, un faux pigeonnier pour de vrais moments. Comment
pourrait-il la qualifier cette pièce ? Bureau, non, voilà qui ferait trop
pompeux, trop rangé, trop rigide… A voir le capharnaüm et la diversité des
objets, le terme de cabinet de curiosité trouverait toute sa place, si la place
n’était pas si petite. A défaut de nom, quelle en est la fonction ?
S’isoler ? Se ressourcer ? Ecrire ? Dessiner ?
Penser ? Méditer ? Soigner ? Comment cerner le tout en un
vocable ? Isoloir est trop restrictif, trop étroit ; Boudoir ferait
plutôt antichambre et il lui arrivait d’y dormir ce qui deviendrait donc
antinomique ; Ecritoire, voilà qui mobilise le mobilier ; Dessiner,
oh mais ce ne sont que des schéma, des croquis, des idées mis en lignes, en
pointillés ; Penser, méditer, soigner, cela se fait partout, pourtant
certains endroits aident au calme et à la concentration et là, c’était le but
de cette pièce, une sorte de cocon, pour lentement opérer les transformations,
mettre en mots, en croquis des idées, transformer le temps en allié, alliage de
temps de choses et d’énergies pour aider et guider, pour être et mener vers ces
autres paliers. C’est presque cela cette pièce, un palier entre ciel et terre,
bâtit sur l’eau, l’eau, source de vie, à jamais…
Assis entre ciel et terre, le vent glissant entre porte et
fenêtre, l’eau vive dessous, le feu de la bougie ajoutant cette touche de
mystère à l’endroit, le sable dans le verre pour tenir la flamme, les quatre
éléments sont bien là, subtil équilibre et points de repères stables dans ce
monde sans cesse en mouvement. Quelques livres se reposent sur une étagère,
entre deux lectures, entre deux prêts, c’est ainsi que fonctionne la maison,
une sorte d’espace de discussion, de moments partagés, un carrefour d’échanges,
de ces échanges de mots, d’idées, de recettes, de trucs et astuces, de rien, de
livres, d’outils, de conseils, de raretés que l’on nomme amitiés. S’il devait
refaire sa vie, cette partie-là serait essentielle et donc conservée, peut-être
juste déplacée au bout du monde, à la croisée de chemins, peut-être un refuge
en montagne, une auberge en bordure de chemins de Saint Jacques de Compostelle,
une ferme où la grange servirait de logis à quelques vielles autos ou autres
passions, quelques chambres aussi en soupente toujours prête à héberger le
voyageur fatigué en échanges de pensées, de discussions…. C’est étonnant comme
l’humanité a perdu son essentialité, son essence même, son humanité. A trop
courir dans des courses pouvant paraitre futiles, à trop modifier l’ordre de
ses priorités, elle transforme les individus en individuels, elle développe un
mauvais égoïsme et isole les gens alors qu’ils n’ont jamais été aussi proches,
aussi nombreux à se croiser. Il se met à rêver de cette bâtisse qui ne serait
point château, non, juste une chaumière, une ferme de pierre à l’espace
principal dévolu à la grande table au bois épais, au mur occupé par la grande
cheminée, aux chaises de bois et de paille qu’on racle au sol pour les avancer de
la table au devant de la cheminée pour discuter de tout et de rien en de
longues veillées. Une sorte de croisées de destins qui se croisent sur les
chemins de randonnées tout comme sur les chemins de la vie, être ici, là et
aujourd’hui, pouvoir échanger, partager, apprendre…car on apprend toujours et à
tout âge et de tous quel que soit leurs âges… Ces pensées lui apportaient
chaleur et bonheur, joies et essentialités, mots à croiser sur la page blanche pour
qu’ainsi naissent des histoires, des phrases, des phases, des nuits, des jours,
des lumières en poussière d’étoiles ou bien en rayon de soleil, mais au fond,
qu’est-ce que la vie sans cela ? Que serait le miel sans le soleil qui
vient le colorer d’or ? Que seraient les étoiles sans un regard qui s’y
perd par un soir très noir ?
La bougie s’est éteinte, noyant sa cire dans le sable ocre,
la nuit était tombée sans un bruit, le vent plus frais qui caresse les étoiles
était venu le réveiller, un frôlement, un chuchotement, de la poussière d’anges
offerte par la nuit, l’heure de quitter le repaire à rêves pour regagner le
logis, non sans avoir commis une autre page, une autre feuille, comme l’arbre
au printemps fait éclore d’un bourgeon une feuille nouvelle…
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