C’est à peine croyable cette météo qui joue au yoyo, de quoi
faire flipper le mercure qui descend et remonte dans son tunnel de verre.
L’automne était bien engagé, la pluie et le froid étaient venus battre le
rappel des troupes, ces troupes de migrateurs désertant enfin le bord de mer
pour regagner le nid chaud des grandes cités. Lui était là, encore et toujours,
dans son monde de sable, ce monde magique où le sable se change en eau, ou bien
est-ce l’eau qui se change en sable, de toute façon, le ballet est si dense, si
serré qu’il ne saurait à qui attribuer la primeur, et puis, à quoi bon ?
Que serait le sable sans eau si ce n’est un désert sans fin ? Que serait
l’eau sans le sable, subtil contraste des couleurs, mariage sans cesse
renouvelé sous des gerbes de blanche écume.
Combien de fois est-il venu ici, à voir se spectacle sans
cesse changeant, ce monde en construction et en déconstruction. Il n’y a plus
la foule, il n’y a que des rideaux baissés, il n’y a plus de monde, il n’y a
que des plages désertes à disputer aux oiseaux, il n’y a plus ce bras, léger et
frêle posé sur le sien, il n’y a plus tout ça, mais de toute façon, il n’y a
déjà plus de saison. Peut-on parler de mélancolie lorsqu’on est devant pareil
paysage ? Peut-on parler de tristesse lorsqu’on est devant pareil
tableau ? Ce n’est pas mélancolie, ce sont étapes de la vie. Hier fut
ainsi, demain sera autre, aujourd’hui il n’y a pas de lourdeur, pas d’aigreur,
pas de regret, les forces océanes sont là pour insuffler la vie, les pas sur le
sable ne sont pas solitaire, tant et tant de traces viennent, gravent et
disparaissent, la vie, la nature sont les plus grandes gommes de notre
existence. Un temps pour soi, dans un été de la saint Martin à peine en retard
et dont le soleil venait réchauffer l’espace de jour encore court qui se bat
contre la longue nuit. Un peu son état d’esprit, une courte journée qui avait
suivi une longue nuit, qui engendrera une autre nuit, plus fraiche, plus
froide, plus sombre mais ce n’est que pour mieux voir les lumières de l’aube,
cela, il le savait. L’existence est toujours surprenante, elle associe, elle
rétrécie, elle remplit, elle vide, tout cela, c’est bien jolie, la seule leçon
c’est qu’on la traverse toujours en compagnie du même personnage de sa
vie : soi. Etre soi, non pas contre les autres, être soi avec les autres,
parmi les autres, sans omettre de ne pas oublier, de ne pas s’oublier, penser à
soi, être égoïste, mais non pas l’égoïste seul au monde qui oublie et écrase
les autres de son arrogance, de son outrecuidance, de sa main mise sur tous les
autres. Non, l’égoïste qui pense à lui en pensant aux autres, qui ne s’oublie
pas dans la distribution des rôles, bons ou mauvais, parce que la vie est un
échange entre soi et l’autre, entre soi et les autres, entre soi et soi,
introspection, horizon personnel, souhait, période de calme, isolement, tout
est utile et non futile. Etre soi, se soigner soi, s’occuper de soi, c’est
s’aimer et s’aimer pour mieux aimer. Comment vouloir y voir clair lorsqu’on
garde le regard trouble sur sa propre existence ? Quelque chose ne va
pas ? Quoi ? Pourquoi ? Comment le ressent-on ? Comment
va-t-on y faire face ? Apprendre à traverser cette étape, sans calculer si
elle est bonne ou mauvaise, elle est là, point. Le gagnant du loto doit-il
refuser ses gains sous prétextes qu’il n’est pas prêt ? Le malade doit-il
refuser sa maladie sous prétexte qu’on est jeudi ? Non ! Il n’y a pas
plus de jeudi que de vendredi, les semaines défilent dans leurs chronologies,
il n’y a pas de règles à être plus sourd un jeudi qu’un mardi, juste que là, on
se pose et on va penser à soi, non, pas soi tout seul, soi, parmi son monde,
soi, parmi sa foule. La foule de ses questions, la foule de ses peurs, la foule
de ses ressentis, la foule de ses sentiments. Il est où le problème ?
L’annonce ? Non, ça c’est fait. L’appropriation ? C’est vrai que
c’est plus dur mais nécessaire, on ne peut combattre qu’une chose reçu comme
telle, comme à soi.
Le vent soufflait léger mais déjà froid, comme pour lui
rappeler que les jours ne sont pas éternels, quand bien même le soleil n’était
pas encore bas dans sa course de plus en plus horizontale. Il serra son parka
et reprit la marche, le regard perdu entre pas du passé, pas dépassés, et
vagues joueuses aux babines noyées d’écume. Encore quelques pas et bientôt le
vieil escalier de pierre et les trottoirs de la ville. Encore quelques pas et
la clôture d’un livre, d’u chapitre, d’une page….. Comment y voir la tristesse,
lorsque la page appelle une autre page, lorsque le chapitre appelle un autre
chapitre, lorsque le livre appelle un autre livre ? Pourquoi ne voir que
le verre à moitié vide ? Ouvrez les yeux : L’océan, luit d’un vert
toujours plein….
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