Les chronophages

Plus nos vies sont abouties, plus nous progressons dans nos organisations personnelles, et moins nous avons le temps, vous savez, cette denrée devenue rare par simple abandon de l’homme sur le cours du temps. Nous traversons tous différentes phases où la valeur temps prends des aspects si différents, des durées si différentes, comme si nous avions perdu toute chance de nous faire un ami du temps, le voilà notre ennemi le plus intime. Que nous sommes dans une période de spleen, d’ennui, de vague à l’âme, et le voici à musarder sur l’horloge de la vie, comme si chacun de ces instants déjà assez pénibles se devait de durer encore plus. Que nous vivons le plus intense des bonheurs et le voilà à jouer les fusées et s’envoler dans un clin d’œil. Le temps est capricieux, mais au fond, le temps ne nous rend-t-il pas la monnaie de notre pièce ? Qui sommes-nous donc pour espérer que le temps nous laisse le temps ? Se donne-t-on le temps de prendre le temps ? Nous sommes seuls responsables de nos courses folles, de nos échappées pas toujours belles, de cette fuite perpétuelle à la recherche de je ne sais quoi, si tant est qu’il est là une recherche de quelque chose plutôt qu’une fuite éperdue. Fuir est devenu synonyme de vie, on fuit sa vie, on fuit la foule, le monde, les gens qu’on déteste tout comme ceux qu’on aime, on croit avoir le temps, pas la peine de se presser aujourd’hui, on verra bien demain, sans mesurer réellement que demain n’est pas écrit, et ne sera peut-être jamais écrit. La plume est trempée aujourd’hui dans l’encre violette mais déjà cette encre sèche de ne pouvoir s’ancrer dans des lignes de mots qui comptent bien des choses simplement parce que le temps est présent, parce que le temps présent écrit l’histoire actuelle et celle d’hier, tout simplement parce que tout à l’heure la plume sera couverte de cette poudre sèche qui fut autrefois encre, liquide, ruban des mots et d’émotion, simplement parce qu’on a laisser sécher l’expression potentielle pour se nourrir des regrets asséchées de pensées disparues, de penser aux disparus. Si j’avais su….. Combien de temps encore se posera-t-on cette inutile question ?

On se ferme et s’enferme dans nos propres vies. Qu’on soit solitaire ou en couple, qu’on soit en famille ou en tribu, tout est prétexte à l’enfermement, dans ce cocon étanche qu’on trouve confortable et qui enferme bien étanchement à l’extérieur les bons amis autrefois indispensables, les fous rires d’hier, les discussions interminables sous les poussières d’étoiles que des perles d’alcool venaient aider à faire danser, les partages si grands qu’on se les jure éternels et inamovibles. Le cocon devient bouclier au temps d’avant, et le feu se consume à l’intérieur, dévorant peu à peu ce qui aujourd’hui construit la passion, brûle sur un bucher bâtit de nos propres mains la foi en l’autre, tandis que ce temps d’ignorance devient le cancer de l’amitié. Chaque minute refermée devient un crabe qui ronge patiemment, par des morsures lancinantes et de plus en plus profondes ces liens fragiles lentement tissés, éprouvés, et pourtant prêt à se déchirer. On a toujours le temps, on sait prendre le temps pour tant de chose, on sait accorder une dernière visite, un dernier signe d’amitié à feu l’ami, encore du feu, encore de l’amitié qui s’en va, encore du temps qui ne fut pas accordé, pas pris, pas donné hier et qu’on pleure aujourd’hui. Il n’est pas de recherches médicales ou scientifiques pour guérir où stopper la maladie, il n’est que la conscience que nous ne sommes pas une vie, mais plusieurs vies, et que tout comme nous sommes capable de ranger dans chaque poche de notre imperméable, le mouchoir, le portable, les clés, le caillou magique que l’enfant nous a offert avec un sourire à faire pâlir le plus éclatant des soleils, nous devons apprendre à ranger nos vies, à savoir profiter de nos amis, de nos familles, de nos amours, de chaque êtres uniques à nos vies, sans peur de ne savoir gérer nos poches, nos émois, nos lambeaux de vies. Tant qu’il y a de la vie, il y a des douleurs, accepter de les partager parce qu’on y prend de la consolation est bien, mais savoir que les êtres ne sont pas que des buvards est encore mieux. On a tous autour de soi des chagrins, des êtres qui sont encore et d’autres qui ne sont plus, des personnes adorable que le crabe dévore, des larmes de rire et des larmes de peurs, des lames du temps qui découpent en tranches fines le passé qu’on fuit sans que cela enrichisse vraiment notre présent. Le futur ne sera jamais que ce qu’on en fait, alors, soyons conscient de notre pouvoir sur lui pour se donner le temps d’avoir le temps, combattons les chronophages et libérons les instants volés pour illuminer nos vies, s’enrichir de ces bonheurs qui sont là, si près, si oubliés…..

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau texte, voici une autre rime :
Omnes vulnerant, ultima necat

Les heures blessent toutes, mais la dernière tue

Didier a dit…

Sans vouloir reprendre mes latines études, dans cette locution, l'heure n'est point citée, pourquoi donc l'accuser? La vraie traduction serait plutôt : "Toutes blessent, la dernière tue" mais de là à parler d'heure.... On peut parler de cuite, d'ivresse, de passion, de femme, de collation.... Bref, même si cela s'apparente à de la littérature de cadran solaire, cela ne veut pas dire qu'on doit subir la blessure des heures (ou d'autres) mais ne pas oublier à chaque instant, que nous sommes les seuls maitres de notre destinée....

Carpe diem......