Lorsqu’on
prend l’autoroute de Toulouse vers Narbonne, juste après Carcassonne il est un
panneau marron avec écrit dessus « Montagne d’Alaric ». Longtemps ces
mots m’ont fait sourire : « une montagne ? Ils exagèrent, c’est
plutôt un tas de cailloux désertique ». Mes paroles ont dû être entendues
en très haut lieux puisqu’un beau jour, les chemins de l’amour et forcément du
hasard qui n’existe pas m’ont conduit à faire mon mea culpa. Là, plus question
d’autoroute, plutôt à partir de Carcassonne, la nationale cent treize, avant de bifurquer sur une
départementales qui n’est pas autre chose que l’ancienne nationale du temps où
elle prenait encore le temps de s’en aller visiter les petits pays… Ah, oui,
j’oubliais, nous avons tous notre propre langage, aussi je vais essayer de
traduire au mieux les locutions logiques de nos contrées. Un pays, c’est un
village avec ses terres autour, parfois d’autres villages s’en viennent faire
aussi parti du pays, j’ai même entendu dire que parfois les villages
finissaient par faire des départements, puis des régions et enfin un pays…. On
voit bien que c’est là une mauvaise interprétation d’une règle simple : un
pays, ici, c’est tout un monde partageant la même culture.
Mais
revenons à notre petite route, joliment dessinée en courbes délicates, épousant
le relief du piémont de cette montagne d’Alaric, les anciens eurent la bonne
idée d’y planter quelques platanes sur les bords, aussi il fait bon y rouler en
été et à défaut de klaxon, ce sont les cigales qui vous y accueillent. Deux
villages à traverser, c’est pas le bout du monde mais tout de même… Autrefois,
il y avait très peu de conducteur et, je ne sais pas si cela en était la cause
ou la conséquence, très peu de voitures. L’avantage, c’est que ça roulait bien,
tant mieux parce que ce premier village était vite traversé, en fait, ce n’est
pas tout à fait le même pays et du coup, ces gens qui habitaient là, c’était
pas tout à fait des gens à fréquenter…. Une ou deux constructions isolées entre
les deux villages, surement des indécis, ne sachant ou ne voulant pas prendre
parti pour l’un ou l’autre des deux pays, puis enfin, le pays, le seul,
l’unique, le plus beau. J’y passe encore parfois avec émotion, mais il est vrai
que c’est là la vision qui m’en a été inculquée et que j’ai bien volontairement
acquise après de longues années
d’assidues fréquentations. Bizarrement, ce village réparti autour de son axe
routier, semblait être loin de ladite montagne, mais après quelques pas, une
rue à la pente plus prononcée puis enfin, le passage sous la cicatrice de béton
de l’autoroute, les vignes se mettent à danser sur des reliefs plus ou moins
prononcés trahissant une troisième dimension du genre à vous mettre les fourmis
dans les jambes. A partir de là, il y a
deux chemins et j’allais dire deux écoles. Le premier, on va l’écarter très
vite et vous aller comprendre : c’est une piste, d’abord goudronnée puis
en gravier qui de lacet en montée vous conduit au sommet… L’autre….ah
l’’autre ! Un petit chemin qui prend son départ devant un ancien four à
chaux, puis se raidit histoire de jouer les durs avant d’atteindre les ruines
des bergeries. Vous soufflez, j’en suis fort aise, et bien respirez
maintenant ! Ecoutez les cigales,
regardez les fourmis courir sur la piste ocre rouge, mais quelle est donc cette
fleur qu’on croirait faite de papier crépon ? Un ciste cotonneux vous
dites ? Magnifique ! Hum que ce thym embaume les doigts qui le
caresse ! Les coronilles jaunes éclatant rivalisent avec le vert
métallique des lavandes sans fleur, et ce qui ressemble aux genévriers ne sont
en fait que des cades. Le regard se dresse, il parcourt les rangées de vignes
dont les pieds bien noueux et épais traduisent les années, au loin, Foncouverte
et la plaine, c’est beau, c’est grand, on y respire. Oui, c’est vrai, il y a un
peu de vent aujourd’hui, Cers ou Marin, il est souvent présent et c’est tant
mieux.
Mais
reprenons le sentier. Il s’allonge, s’aplatit puis sans crier garde, en deux
virages il se cabre et vous cambre les mollets, une vieille tuyauterie en terre
cuite vernissée sort d’une crevasse, trace laissée des derniers violents
orages, car ici tout est intense, les chaleurs comme les pluies, les parfums
comme les pourcentage de certaines montées. Voici le vieux mur du château Saint
Pierre, je ne sais si c’est là le paradis, mais il fait bon s’y poser, boire,
contempler et respirer. Le plus dur est passé, oh, le chemin montera bien
encore, mais les mollets ne se souviendront que de ce dernier rampaillon gravi.
Au-delà de ce paradis, le sentier s’alanguit, vous offrant des vignes et des
anciennes prairies à la vue, puis il s’enfonce timide dans les chênes kermès et
les buis, devenant plus étroit, longeant un ancien ruisseau hélas à sec, et
retrouvant les ruines d’une ancienne métairie. Une vielle borne sera un vestige
d’un temps passé, peut-être une limite officielle entre templiers et
cisterciens. Le sentier se rétrécit, il se redresse et rejoint la lumière…
Serait-ce les cieux ? Non, la piste de tout à l’heure et ses graviers.
Nous la traversons bien vite pour rejoindre le dernier morceau, le fameux
cercle berceau de tant d’espèces rares : tulipes botaniques, fritillaires,
orchidées, ail Moly, sans oublier thym, romarin, cistes cotonneux, lavandes,
pistachiers, chèvrefeuilles et autres trésors….
Un dernier effort et nous voilà sur le toit du monde ! Oui, le
monde d’ici, le sommet, appelé « le signal », six cent mètres tour
rond, vous voyez bien que les choses sont bien faites ici !
Le
retour ? Comment ? Vous voulez vous en retourner ? Prenez le temps, regardez, observez,
respirez, vous n’êtes pas bien ici ? Quant à moi, je fais avec plaisir
souvent mon mea culpa, et même si les pas de la vie ont pris des chemins
différents, les miens me réclament souvent d’aller visiter ces trésors d’Alaric
dont on fait bien d’en faire toute une montagne…..
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