Il est toujours temps

Il est toujours féerique de voir la nature s’éveiller et par là-même, célébrer le printemps. Bien sûr, les fleurs en sont les signes les plus éclatants, mais il suffit de prendre le temps, d’observer, c’est une explosion de jeunes pousses, un épaississement de la prairie qui s’en viennent aussi participer à la fête. En ces premiers jours, c’est un plaisir sans cesse renouvelé, voir la terre se vêtir de ses plus beaux attraits, quand bien même ils ne sont pas pleinement installés. Sur un plan symphonique, comment ne pas penser à Vivaldi ? Une note, puis deux, puis des envolées de notes, mille couleurs pour tellement d’harmoniques formant l’harmonie, encore plus lorsque le soleil et la douceur sont là. Profiter des beaux jours pour au jardin descendre, prendre le temps de l’escapade et rouler sur les petites routes de campagne, gravir le piémont et voir la magie du vert tendre tandis que les sommets gardent leurs nez poudrés. Mille plantes, mille noms, un grand abécédaire pour les gens du coin, et comme les noms en français de France assortis de noms plus savamment exprimés en latin, les dialectes locaux ont su y associer de plus belles appellations. Voilà qui se transforme en vaste théorie du complot : « mais c’est sûr, ils font exprès pour nous perdre et ne pas dévoiler leurs secrets…. »


Bas les masques ! L’hiver est un farceur, on ne sait jamais quand il vient ni quand il s’en va, il peut être doux comme mordant, parfois glaçant, parfois invisible, parfois ennuyeux comme un jour sans pain, comme un jour sans fin, comme un jour sans lune, il pleure comme il neige, il brûle de froid ou d’effroi, et officiellement, il n’est plus là. Le printemps le remplace, arrivé en retard sans doute, il continue de se vêtir, enfilant ses habits de vert tendre, se trompant parfois au point de revêtir les beaux jours de l’été, c’est qu’il manque de temps le printemps, aussi, il allonge les jours, changent les heures et nous voilà tout autant déboussolés que réconfortés par ces lumières du soir sur notre petit jardin où éclosent les fleurs par vagues successives. Les vagues, elles manquent au spectacle, bizarrement le printemps s’y présente différemment, certes il y a les jours longs, il y a les jours bons, il y a les jours doux, il y a les verts tendres mais il y manque un peu plus chaque jour l’intimité des espaces. Inexorablement, chaque jour un peu plus, les plages attirent un peu plus de monde, et sans être l’été, on commence à chercher son coin de solitude, de béatitude, son espace de méditation ouvert aux seuls embruns, aux seules musiques des vagues et des oiseaux. Les cris, les musiques compressées se décompressant les haut-parleurs, les beaux parleurs parlant haut, un peu plus chaque jour la plage s’habille de ces futures modes. Heureusement, il reste quelques coins perdus, parce trop loin du parking, parce qu’inaccessible à l’urbain fatigué, des coins à vivre, à aimer, à sentir ses pieds s’enraciner chaque jour un peu plus, parce que tout de même, la nature sera toujours notre mère.



Quelques pas ici, c’est la vie qui s’en vient, c’est l’ennui qui s’en fuit, c’est la fatigue et la lassitude qui partent vers d’autres cieux. Entre marche et repos, ce sont les méditations d’une âme ayant trouvé le son de ses racines, il ne peut y avoir meilleure régénération. Cette douce chaleur, cet influx de vie, cet alignement de nos temps dans des vies ayant appris à dévorer le chronomètre, c’est mieux qu’être bien, c’est être vivant. On peut se balader, contempler les ajoncs fleuris, les verts déjà francs des hortensias, voir tout plein de parterres fleuris, il n’y a jamais trop de fleurs, car si les fleurs ont un langage, le premier vient du cœur, un simple bouquet devient un merci, un doux mot de tendresse et d’amour, ce diable d’amour qui prend mille visages sans changer de nom. On redevient enfant, on se prend à rêver de souffler sur les fleurs muries des pissenlits pour voir s’envoler mille parachutes portant loin les graines de la vie, on se revoit cueillir des bouquets de fragiles pâquerettes pour offrir à sa maman, c’est peut-être là le plus touchant mais aussi la plus grande sagesse des hommes, celles qu’ils ont tant qu’ils sont enfants : un enfant n’a pas la pudeur de dire j’aime tout comme je n’aime pas. La pudeur, c’est cette chose imbécile qui grandit plus vite que l’homme au point qu’un beau jour elle le couvre et l’étouffe, lui ôtant tout usage des mots et des gestes, plus de « j’aime » ou « j’aime pas », plus de bouquets de coucous ou bien de pâquerettes, et c’est cela qui est bien dommage. On ne dit jamais aux gens qu’on les aime, un beau jour vient où on ne dit plus à ses parents qu’on les aime, on ne cueille plus de violettes ni de pâquerettes pour offrir à sa maman. Cet âge-là devient triste, il faudrait toujours rester enfant. On ne dit jamais assez aux mamans qu’on les aime… Un beau jour vient où on le regrette amèrement.     


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