Partir
sur les chemins de traverse, traverser mille paysages en quelques kilomètres,
rouler sur les petites routes de campagnes à allure réduite, se garer puis
chausser les chaussures de marche et partir à l’encontre des sentiers et des
populations, c’est un plaisir sans cesse renouvelé, un plaisir à vivre, sans
limite. Il existe partout autour de nous des endroits non pas secrets mais
délaissés, des lieux non à la mode, et c’est tant mieux, il est si bon
d’arpenter la nature sans y rencontrer la foule ni les fruits de la foule. Un
coin de garrigue, l’espace d’un maquis, des champs de vignes plantées selon les
contours d’un relief, un chemin serpentant aux travers des parcelles, bien loin
de la rectitude froide des remembrements, des rejetons des vieux oliviers
détruits par le terrible gel de mille neuf cent cinquante-six, des amandiers
aux amandes amères car non greffées et toute la richesse des plantes locale.
Comment ne pas s’y intéresser ?
Comment ne pas avoir l’envie de connaitre le nom des frêles cistes
cotonneux, la délicatesse d’un pistachier, le parfum puissant d’un
chèvrefeuille sauvage, les thyms aux fleurs mauves ou blanches, les romarins de
bleu ou de blanc parés, le jaune éclatant des coronilles, le mauve délicat des
aphyllanthes de Montpellier, autant de raison d’en vouloir savoir plus… La
tranquillité du sentier ensoleillé nous permet d’y rencontrer le long des
pierres chauffées le grand lézard vert et sa gorge bleue, un animal toujours
spectaculaire à voir. Plus loin ce sont les premiers papillons et les parade
d’autres insectes butinant, la course des fourmis en travers du sentier, tandis
que des chenilles entament leur procession pour rejoindre un pin à épuiser. Il
n’y a pas de raison de presser le pas, il y a toujours matière à s’émerveiller.
Mais
où sont ces endroits ?
Il
en existe des tas, et rien que par la mémoire des pas je citerai bien
volontiers ceux en corse, dans le Gard, le Lubéron, autour des gorges du
Verdon, dans les calanques de Cassis, dans le massif de la Clape, aux travers
de la montagne Alaric, entre Minervois et Corbières, bref, partout dans un
grand midi qui irait de l’océan aux Alpes, là où le climat favorise la pousse
de bon nombre d’espèces si nombreuses et si belles. Des sentiers, il en existe
partout, cette saison est propice aux balades et randonnées pour en découvrir
les couleurs de la flore tout comme les couleurs de rares espèces endémiques de
chaque coin, fritillaires, tulipes et jonquilles botaniques, orchidées, ail
mauve, blanc ou jaune, l’appareil photo en bandoulière ne cesse de crépiter
pour en constituer un bel herbier sans prédation autres qu’un cliché numérique.
Les endroits les plus fréquentés subissent la dégradation des groupes,
arrachage des thyms, bris des romarins, tentative d’extorsion des iris sauvages
ou autres lavandes papillons…. Stop ! Ouvrez vos yeux, regardez ces
plantes en symbiose dans leur environnement, prenez conscience qu’ici elles
poussent bien et exhalent de mille senteurs parce que le terroir leur est
propice, et non, vous ne reconstituerez jamais pareil sol dans vos jardinières
ou vos plates-bandes. Et puis, si chacun s’en vient arracher une plante, couper
une tige, quel sera à votre avis le résultat pour la flore et la faune
demain ? Sachez qu’il existe des pépinières spécialisées pour retrouver
certaines plantes du maquis, sachez aussi que les températures, l’hygrométrie,
le type de sol d’ici ne sont pas identiques ailleurs. En résumé, cueillez-les
en photos, en peintures ou d’un simple regard, passez délicatement votre main
sur ces plantes et ainsi, d’une caresse douce vous en cueillerez les essences
dont vous aurez plaisirs à éveiller vos sens olfactifs. Prenez le temps de
voir, sentir et reconnaitre les plantes, pas beaucoup, une ou deux à la fois.
Lentement, lettre après lettre, l’alphabet des trésors de la garrigue s’offrira
à vous. Attention aux connaisseurs, ils sont parfois trop prolixes dans les
détails et la richesse de choses de leurs connaissances. Parfois, c’est plus
ennuyeux, ils en mélangent les noms, confusion pénible puisqu’ainsi, elle se
perpétue ! Un exemple
frappant : combien de gens, surement peu habitués du pourtour
méditerranéen confondent allégrement « asperges sauvages » et
« respountchous ». Les deux se consomment. La première, fine et
délicate, pousse dans la garrigue ensoleillée des régions proches de la mer.
Elle est de la famille des « Asparagus » tout comme ses cousines de
table, blanches, vertes ou violettes dont elle reprend le goût mais en beaucoup
plus prononcé. Elle disparait hélas du fait des prédations mercantiles et viles
et l’évocation de sauvages omelettes en cours de randonnées met immanquablement
l’eau à la bouche… L’autre pousse dans les haies, les talus tout autour du pays
toulousain, Tarn, Aveyron, Ariège, Gers, Haute-Garonne et autres, c’est en fait
une liane, cousine du liseron dont le nom français est « tamier commun »
ou « herbe aux femmes battues » de la famille des « ignames
Dioscoreaceae ». Un goût forcément différent, plus amer et nécessitant
d’autres préparations avant de le consommer. Le nom local de
« respountchous » vient en fait du patois désormais appelé
« occitan »…. Autant confondre le thym et le romarin ! Pourquoi
cette confusion ? Peut-être bien parce qu’au moment de la cueillette, la
partie tendre à prélever se ressemble : une tige verte aux bourgeons
encore plaqués contre elle, une forme d’asperge en réduction, mais si l’asperge
sauvage pousse depuis le sol, issue de sa matte aux feuillages très similaire à
l’asparagus de nos appartements, le tamier lui, sera en port retombant, la tige
à cueillir au bout d’une liane au bois déjà dur. Les feuilles sont en forme de
cœur, mieux proportionné que celles de la salsepareille, qui elle se reconnait
à ses feuilles en forme de cœur très allongé ! Une attention de tous les
instants, chaque plante est unique si on prend le temps de bien les observer…
Quelques
pas dans ces garrigues, quelques photos, un bon livre ou bien un peu de
recherche sur internet et l’appui de quelques amoureux des lieux et des
plantes, vous trouverez bien vite une nouvelle façon de marcher mais surtout,
d’y prendre du plaisir….. Ne boudons pas notre plaisir !
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