Il n'y a pas là de quoi en faire tout un pastis !

Qui n’a jamais visité le département des Landes sans avoir vu ou touché, peut-être même emporté de ces pots de terre cuite servant à recueillir les gouttes de résine ? Pratique ancestrale, d’un geste sûr et ferme la petite hache ôte l’écorce et révèle une large balafre blanche sur le tronc gris des pins maritimes, puis un clou est planté dans le bois pour y poser le pot, parfois quelques lames de métal s’en viennent diriger les perles de résine vers le réceptacle. Lent travail de la nature, l’arbre saigne et le pot peu à peu se rempli. C’est là le gemmage.


Le pot plein, le résinier le vide dans une barrique et le remet en place, profitant pour nettoyer la plaie, parfois la scarifier un peu plus, les gouttes de résine sont émises par l’arbre pour se protéger et cicatriser sa blessure, en coulant, la résine se durcit et fera peu à peu un masque protecteur, mais c’est là sans compter avec le résinier, dont le travail consiste, bien au contraire, à faire pleurer le plus possible l’arbre pour en obtenir de plus en plus de résine… Jeu cruel, c’est une façon de voir les choses, mais le résinier, comme tout être vivant de la nature, sait prélever sans épuiser les ressources, il veillera à ne point trop extraire de matière pour ne pas faire dépérir l’arbre. Un arbre ne se gemme qu’à partir de ses trente ans et la forêt reste une ressource importante par le bois, la résine et bien d’autres produits.


Cette résine mis en tonneau sera ensuite travaillée durant les mois d’hiver, fournissant deux matières : l’essence de térébenthine et la colophane. Ces deux produits seront vendus pour devenir matière première de bien des produits allant des vernis aux peintures, des pneus aux chewing-gums pour ne citer que quelques principaux. C’est aussi par ses débouchés que la filière c’est épuisée : selon les grandes lois du commerce mondial, il revient moins cher de faire venir des hectolitres d’essence de térébenthine ou bien des tonnes de colophane de l’autre bout du globe, il est bien des endroits où la main d’œuvre coûte bien moins et le prix du produit final réduit. On a beau dire que le prix s’oublie mais que la qualité reste, nos pins des Landes ne sont plus gemmés qu’en quelques occasion du devoir de mémoire, dans l’espace  d’un musée, d’une commune veillant à l’entretien de ses racines ou bien à la farouche volonté de quelques irréductibles surement descendants d’Astérix, Obélix mais surtout à idées fixes.


Les pots me direz-vous…. Et bien si vous pouvez en trouver sur quelques piquets de clôture dans les campagnes éloignées des plages à touristes, ceux que vous verrez sur les marchés auront de fortes chances de sentir tout autant la Chine que la cire qui les remplissent, histoire d’y ajouter une fonction éclairante et amusante. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Bien sûr, vous trouverez mille cartes postales représentant le doux folklore landais, ces bergers habillés en peaux de moutons et haut perchés sur les « tchanques », ces bouts de bois que la France nomme échasses; Un bon nombre de personnes se plaisent à contempler sur le bassin d’Arcachon "les cabanes tchanquées", maison sur pilotis posées au-dessus des flots sans en faire le rapprochement.... Ces "tchanques", les anciens bergers s’en servaient pour traverser à pied sec les marécages des landes d’alors, situation idéale pour surveiller le troupeau des moutons qui paissaient en sous-bois. Bien sûr vous verrez encore des cartes postales montrant ces pots accrochés aux troncs, la symbolique et les traditions ont du bon dès lors que le sens du commerce les rejoint. Et bien sûr, je vous invite à aller visiter ces espaces de mémoire, ces lieux où le temps fut posé pour laisser voir ses images du passé trop vite disparues sous le voile du temps. Le voile est un intrus à combattre, il met un masque sur les plus belles des choses, il est bon de temps en temps savoir le soulever, l’ôter et lui demander de mettre les voiles….


Pour terminer, que dire, si ce n’est qu’il est bon de marcher, courir ou farnienter sous les pins. Les odeurs en deviennent senteurs, véritables huiles essentielles non passées par des distillations industrielles qu’une étiquette belle et bio ne saurait faire disparaitre des esprits rompus aux volumes vendus, et pour peu que les embruns de l’océan tout proche s’en viennent renforcer vos sens, vous ne pourrez que garder un souvenir tendre et gourmand de votre séjour landais…. Et si en plus, vous vous prenez aux jeux des gourmandises, les pastis, tourtières et autres trésors sauront caresser vos papilles pour un plaisir des sens… Prenons garde aux faux-amis : ici, le pastis ne se boit pas, il se mange ; Vieux mot dérivé de « pâtisserie » il est un gâteau différent en chaque région occitane qui se nomme « pastis », le pastis landais n’est pas le pastis du Quercy pour ne citer que deux de mes préférés et pour corser le tout, la tourtière sur la côte ressemble fort à un pastis du Quercy ! Comme quoi, il ne sert à rien de lire un mot pour en déduire le sens, ici, chaque mot prend son sens et non pas celui du voisin….


A bon entendeur….. Il n’y a pas là de quoi en faire tout un pastis !           


2 commentaires:

Fabienne a dit…

Qu'il est agréable de lire une belle leçon de SVT (Science et de Vie de la Terre) ! J'ai déserté les bancs de l'école il y a .... quelques années et certaines ames-institutrices savent encore mobiliser un esprit de curiosité. Merci pour ce partage de connaissances.

Anonyme a dit…

cela donne envie en lisant ton texte on s y croirait merci

cath