Les contes des bords de l'océan


C’était une petite maison, accrochée à la montagne, regardant l’océan. Une maison, pas un palais, ni même une chaumière, mais des chaumières ici, il n’y en a pas, du moins, pas dans le vocabulaire des gens d’ici. Une maison, presqu’une ferme, ça, ici, c’est plutôt la norme. Il faut dire que chacun de ses petits villages d’ici est né de la ruralité, ce peuple qui regarde fièrement l’océan se nourrissait des produits de la terre, l’élevage des moutons en premier, pour le lait qui donnait ces fromages aux saveurs d’herbes odorantes, pour la laine qui réchauffe, se carde et se file avant de se tricoter, pour la viande enfin, celle tendre et douce de l’agneau ou bien celle plus solide, plus forte en goût des vieilles brebis ; puis la terre, escarpée mais hérissée de ceps de vignes donnant un vin puissant, riche en tanin et en caractère, un vin d’ici ; Puis les arbres, ces cerisiers, courts sur pattes, plombés de fleurs blanches qui donnaient ces petites cerises noires si riches en goût dont on faisait de succulentes confitures. Et puis en rang bien droit, le long de fils tendus poussaient ses lucioles rougissant au soleil d’ici, se chargeant de chaleur pour mieux la délivrer, à peine épépiné dans ces plats du terroir, poulet basquaise ou si typique axoa. Et par-dessus tout cela, le soleil glissait en courbes de plus en plus hautes avant de redevenir de plus en plus plates, la chaleur puis la pluie, la pluie puis la neige parfois, le brouillard souvent, le froid qui hésitait entre vif et piquant ou doux et iodé. Et ces saisons marquées, de glissades en glissades ont patiné les pierres, les toitures, les champs et les vies, jusqu’à hier se retrouve aujourd’hui.

Cette petite maison accrochée à la montagne, sa façade blanchie de frais tandis que les modestes boiseries se sont orgueilleusement parées de rouge sang, cette maison était devenue un abri douillet, un repaire de voyeur, oh, pas de ces tristes hères avides de voir, d’observer, de disséquer les vies des autres, non, plutôt le genre voyeur contemplatif, amoureux de ce paysage sans cesse changeant, se régalant des flots tantôt rugissant et bondissant tels des fauves en combat, tantôt alanguis comme si le repos était nécessaire après les combats, avant les combats. Et puis, ces nuages, gonflés à bloc, entassés en couches épaisses, superposition de dégradés de ce gris bleu qui nait dans le presque noir pour finir dans l’éclatante blancheur histoire de mieux révéler ce coin de ciel bleu, fond de toile que la peinture céleste a oublié de recouvrir. Et puis ses prairies, pentues et dodues, grasses à l’excès, berceau de ces fleurs odorantes, de ces plantes riches qui donneront un foin puissant, à la fois dans les futurs nutriments du bétail mais aussi pas les odeurs si exhalées et exaltantes lorsque la nuit tombée, la fraicheur envahit l’espace et les distille pour le bonheur des veillées, assis sur la pierre, le nez dans les étoiles si nombreuses qu’elles se poussent presque pour gagner leur place, les oreilles bercées par ce concert unique des chants de grillons se mêlant aux feulements de l’océan qui roule. Comment ne pas succomber ? Comment ne pas avoir envie de poser l’encrier sur la table épaisse sous le auvent, de s’asseoir face à la page blanche qui vient contraster ces paysages hauts en couleurs ? C’est pourtant de là qu’il écrit, cet homme heureux d’être ici, de savourer chaque instant, parce que chaque instant est unique, tant il est la résultante de tant de paramètres changeant. Ecrire, ce que la nature lui dicte, noter ces idées qui viennent germer rapidement dans ses neurones en perpétuel éveil, dessiner par ces jeux de caractère, le caractère unique de la terre sur laquelle il vit.

Peut-on ne pas être heureux lorsqu’on pose ses valises, celle des souvenirs, celle des certitudes, celle de la course contre le temps, celle de sa vie ? Se débarrasser du superflu, se nourrir d’essentiel, simplement respirer, être là et être, tout simplement. Ce moment si idyllique, n’est pas un conte, non, plutôt un recueil de contes qu’on pourrait appeler « les contes du bord de l’océan ». Oui, voilà, c’est bien cela, les contes du bord de l’océan….. en avant !

2 commentaires:

Mo.F a dit…

un beau texte très poétique et beaucoup de sérénité ...merci de l'avoir partagée!

Didier a dit…

merci de l'avoir apprécié....

un thème....un fil conducteur....