Contes des bords de l'océan, l'étiquette


A chaque fois que le regard se porte sur ce bout de côte, sur cette plage, sur ce bord d’océan, c’est un plaisir sans cesse renouveler. A la fois par ce côté familier de l’endroit, la limite entre forêt et dunes, entre dunes et plage, entre plage et océan, par les couleurs, uniques et tellement reconnaissables, mais surtout parce que c’est un paysage qui toujours diffère, par la force des vagues, par la luminosité variable, par le modelé de la plage, des dunes, par la végétation qui tente de s’y enraciner, par la forêt qui progresse dans une variabilité étonnante : le premier rempart  se sèche et se meurt sous les assauts des embruns, protégeant les rangs suivants qui épaississent et à leur tour protègent tout une végétation : arbousiers, genêts, fougères, et cette flore protège à son tour la faune, invisible mais présente. Chaque chose est le résultat d’une autre chose, d’autres choses, le produit d’une transformation qui multiplie les perceptions et font du lieu, un lieu unique, quand bien même on y revient chaque jour. Surprenant. Mais cela nécessite tout de même de savoir ouvrir les yeux, de voir l’évolution, parfois lente, parfois si discrète que trop d’esprits chagrins finiraient par conclure que c’est toujours la même chose.

Asseyons-nous, observons lentement de tout côté, dans un travelling panoramique, ce qui est. Là sur la droite, quel est ce bout de piquet et de grillage qui dépasse à peine du sable de la dune ? Mais oui, c’est vrai, il y a peu, il y avait un grillage bien visible qui séparait le domaine public du privé, il semblerait que la dune sous les coups d’Eole ait pris les devant et soit aller gravir et ravir cette barrière soit disant infranchissable, pour la franchir, la dévorer et la dissimuler sous son flot de sable. D’ailleurs, cette dune, maintenant que j’en vois l’effet dévastateur sur les clôtures, ne s’est elle pas creusée un peu plus dans son pied ? Je ne me souvenais pas de cette marche pour accéder à la plage, pas énorme, juste un talus d’un mètre de haut à descendre alors qu’hier tout était en pente douce.  C’est un peu comme la baignade, hier il fallait marcher des mètres et des mètres pour avoir un peu de profondeur d’eau et pouvoir nager, tandis qu’aujourd’hui, au bout de trois pas nous n’avons plus pied…. C’est aussi cela qui donne la profondeur de la couleur de l’eau. Que dire de ce sable ? Il vole aux vents, il se dépose et toujours enrichi sa couleur, unique, ocre, patinée d’humidité. Le courant le prend avec lui pour un voyage, ici la côte se ronge, là-bas elle s’épaissit, perpétuelle évolution. Et puis, ce sable, d’où vient-il ? Lente transformation des coquillages, affinage des rochers, c’est encore le produit d’une évolution. La nature nous donne bien des exemples : Tout n’est qu’évolution, pour le sable, pour les dunes, pour la forêt, pour tout cela ensemble qui construit le paysage ici, mais aussi pour nous, qui sans cesse évoluons, même si nous ne prenons pas toujours le temps de le voir et pire encore, même si nous ne prenons pas le temps de voir les autres évoluer autour de nous. Chacun se construit, à des rythmes qui diffèrent et font qu’une relation se défait et cela dans les deux sens : une relation nouée se défait et conduit à une inexorable conclusion, cela est l’exemple le plus courant, non pas hélas, cela est naturel et nécessaire à chacun de poursuivre sans entrave son parcours nécessaire, mais il est un autre exemple : celui d’une relation impossible, parce que pas sur la même longueur d’ondes, parce que trop différent, et puis un jour voilà que les liens se tissent parce que nous sommes sur un même plan d’évolution. Tout comme deux coquillages si différents viendront se mêler en un même sable lorsque leur processus d’évolution les aura transformés. Un exemple, parmi tant d’autre, que rien n’est jamais acquis, ni en bien, ni en mal, mais surtout qu’il ne sert à rien de coller une étiquette car elle empêchera toujours de voir l’autre évoluer réellement.  
   

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