Il faisait beau ce matin-là sur la plage, de ces
journées de beau temps qui incitent plus au repos et à l’abandon qu’à d’autres
choses. Même les montagnes au loin semblaient proches tant on pouvait en
distinguer leurs reliefs, leurs zones de prairies, de forêts, toutes ces
caractéristiques si fines et si précises qu’elles constituent en quelque sorte
la même identification que nos empreintes digitales. Il faisait beau et déjà
chaud jusqu’au cœur de la brise océane, même l’océan semblait revendiquer des
envies de nonchalance, déroulant de molles vagues qui peinaient de plus en plus
à conquérir la plage. Les oiseaux l’avaient bien compris, ils s’approchaient à
chaque retrait pour détecter les fines bulles démasquant la présence de ces
mollusques ou autres crabes tapis sous le sable humide. Et comme des garnements
autour d’une boite de bonbons, ils se disputaient au point d’y laisser des
plumes.
La jeune fille arrivait du petit matin sur son cheval bai,
galopant dans cette bande de presque morte-eau, des nuages d’écumes s’élevaient
à chaque envolée de sabot et l’écume des flots répondait à l’écume de la
monture, aux muscles si puissant, si gonflés, si saillant qu’elle en devenait
immense. Contraste étonnant de l’équipage, cette frêle jeune-fille perchée sur
ce fier alezan, on aurait pu croire en un combat déloyal, mais pourtant c’était
elle qui dirigeait le jeu dans le sens et le rythme qu’elle voulait. Lasse de
galoper, elle imprima un geste sec aux flancs de l’animal qui ralentit sa
course, remonta sur le sable avant de s’y arrêter. Sans en descendre, la
cavalière après avoir flatter l’encolure du pur-sang, retira son tee-shirt
qu’elle noua à sa taille, profitant du beau temps sur sa peau. Elle contemplait
la plage, encore déserte, et le combat de ces oiseaux, s’amusait de voir une
plume au sol. Une belle plume blanche sur le sable ocre, comment ne pas la
fixer ? D’un geste du poignet elle imprima l’ordre d’avancer et se mit en
quête de cette plume avant que son œil ne soit attiré par un fin duvet voletant
au gré des alizés. Il balançait de droite à gauche, de gauche à droite, de bas
en haut et de haut en bas, tantôt tourbillonnant et paresseux, tantôt rapide,
et plutôt farceur car tandis que la cavalière s’en approchait, il semblait
s’éloigner. Le jeu au départ anodin devint un but à atteindre, elle voulait
cette plume, ce duvet d’ange ou bien d’oiseau, cette chose étrange qui se
refusait à elle, ce qui, par la force de son caractère n’était pas du tout
prévu de se dérouler ainsi. Le cheval aux ordres virevoltait, à gauche, à
droite, en arrêt, quelques pas de galop, de trop, de marche, semblable à une
corrida ou en de superbes véroniques, la plume échappait à la belle toréador.
Dans ces pas de danse, dans cette quête du pompon,
lentement mais surement le chemin se fit, jusqu’à s’approcher des blockhaus,
barrière de ciment et de moules accrochés que l’océan s’amusait à cacher puis à
révéler, ruines entières d’une époque appartenant à nos manuels d’histoire,
support de graffitis quand ce n’était pas d’autres déjections, parfois abri des
vents, parfois cachette pour premier baiser. D’habitude, à cheval, elle ne
venait jamais ici, pour ne pas blesser son fier alezan, il est encore dans le
sable des morceaux de béton et de fer qui pourraient se révéler assassin, mais
son insouciance et sa poursuite enfantine, lui avait gommé cet interdit. Les
vents, même légers, au contact de ces parois
droites prennent parfois des courses surprenantes, la plume en suivit la
direction imposée pour s’élever très haut à peine accrochée du regard juvénile,
avant de retomber comme un plomb de l’autre côté du vestige. D’un bond la jeune
cavalière fut à terre, escaladant les blocs épars pour enfin ramasser cette
compagne de jeu. Mais de l’autre côté, ce n’est pas la plume qu’elle vit en
premier, mais un reflet brillant. Surprise et méfiante elle n’osait
s’approcher, mais la curiosité l’emporta, elle se baissa et dégageait le sable
pour en sortir un papier doré, rectangle d’or froissé et à demi enfoui,
s’amusant à renvoyer les rayons du soleil, voilà tout le trésor. Elle s’assit
et rit de ce jeu qui soudain lui avait semblait long pour un si piètre
résultat. Elle songea alors à la plume qu’elle avait vu tomber ici. Mais les vents sont capricieux et les plumes
bien plus encore, de plume il n’y avait point, de rires, de joies et de cette
chaleur des bonheurs simples que nous offre la vie elle avait fait le plein.
C’est donc toute rayonnante, toute pleine de ces belles
énergies, qu’elle rejoignit sa monture et repris le galop le long de la plage,
en des gerbes d’écume, bouquet de perles d’océan, aux reflets changeant. Il
suffit parfois de peu de chose, pour que la vie s’illumine, parfois même, moins
d’un gramme de plume, il suffit de la voir et de vouloir…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire