Plusieurs vies dans une vie

Une vie c’est quoi au juste ? Une succession d’étapes, d’épreuves ou nous devons faire nos preuves ? Comment fait-on le bilan d’une vie, de sa vie ? Ma vie… Qu’est-elle ? Et d’ailleurs, qui s’en soucie ? Pourquoi faudrait-il s’en soucier d’ailleurs ? Ma vie a commencé par une froide soirée d’hiver, une fin de semaine dans l’anonymat d’une clinique, au cœur de la plus belle ville du monde, ma ville, Toulouse. Première bouffée d’air, premier cri, n’en déduisez pas trop vite que je suis un raleur, ça, ça sera pour plus tard ! Non, plutôt que de focaliser sur mon premier cri, remémorez-vous le vôtre ! Première bouffée d’air qui emplit et vous brûle vos petits poumons, branchies transformées à la hâte, passage du monde reptilien aquatique au mode mammifère terrestre. De l’air qui chasse l’eau, cela a tout de même l’art de vous faire crier, d’ailleurs, si vous ne criez pas tout de suite on vous frappe pour vous faire crier… Allez comprendre. De cette période là, nous n’en gardons pas de souvenirs, pour preuve, lorsque nos poumons se remplissent d’eau, nous crions aussi sous la brûlure… Il n’y a donc pas de machine arrière possible, premier signe que dans nos vies, nous n’avons qu’un mode qui est en avant toute. Bon, passons sur ce cri, de toute façon, j’ai eu beau interrogé mes parents, personne ne se souvient si j’avais déjà mon accent… Ah, l’accent, cette gamme d’intonations chantantes qui illumine le discours, ponctue les phrases pas forcement ou le discours le voudrait, allume les sourires sur les visages et détend l’atmosphère en un large rayon de soleil… Méridional, oui, d’ici, de mon beau midi toulousain. Pur produit garanti sans conservateur ajouté, sans colorant autre que le soleil et quelques bons produits d’ici…

Un peu timide et réservé, du moins au premier abord, discret au point de trop souvent s’effacer et de ne point vouloir briller en première place, laissant cet honneur à d’autres. Qualité que j’ai toujours conservée, bon nombre de camarades de mes vies scolaires pourraient en témoigner, je ne les ai pas embêtés à tenter de leur prendre la première place. Elève moyen, bon, d’accord, moyen plus tout de même ! Parcours scolaire presque d’un trait, avec une petite affection déclarée pour la classe de 4e ou j’ai cru bon de refaire un tour histoire de bien mesurer l’étendue du programme, ou j’avais du passer un peu vite la première année… Bagarreur ? Non. Séducteur ? Non, enfin, ce n’est pas à moi de dire, mais bon, j’étais assez joliment entouré, aussi loin qu’il m’en souvienne… Bosseur ? Disons que durant les premières années de ma scolarité, je relevais une force de ma fainéantise qui l’aidait bien : ma mémoire quasi infaillible. Pas de récitation apprise et toujours des ‘A’… Il suffisait qu’un autre élève récite devant moi les rimes élégantes pour qu’à mon tour venu, je déclame avec la sûreté de longues heures passées à apprendre, le texte aussi vite enregistré… Jusqu’au jour ou mon tour vint…en premier… Premier couac et première compréhension que ce monde d’adulte est fourbe et cruel… Pourquoi moi ? Première injustice… Après des explications familiales légèrement cuisantes, nous mîmes au point une méthode infaillible, consistant à lire et réciter le texte à la maison… Comme j’avais (déjà ?) un goût prononcé pour le jeu et le temps libre, en un ou deux passages, les devoirs étaient faits et bien faits…

Vint des étapes plus compliquées de la scolarité. Je quittais, contraint et forcé de suivre mes parents, mon école, mes écoles serrées autour de ma place, mon quartier, ma maison, mon pays pour l’étranger, ce terrible étranger, distant d’au moins quinze kilomètres, qui plus est, au moment de redevenir petit dans ce monde inconnu, par cette magie qu’exerce le monde enseignant, j’étais grand en mon pays, me voici tout petit en pays inconnu. La sixième. Drôle d’endroit, drôle de rythme, drôle de vie, pas forcément drôle… Histoire de bien tout chambouler, nouvelle maison, nouveau terrain de jeux, nouvelle vie dans ce nouveau décor. Adaptation au monde des grands, course aux nouveaux professeurs, course aux changements de salles, autre dimension de cette usine à enseigner, et on prend le train du collège, enchaînant les stations, évitant de s’égarer en gare, gare aux horaires, gare aux cours, gare aux cartables, gare au gorille ! (celle-là était facile et, fan de Georges Brassens, je ne pouvais y résister…). C’est aussi l’âge des boums, des rendez-vous, des fleurettes à compter, l’âges des illusions et des désillusions, quoique avec le recul, c’était surtout l’âge des premières désillusions et la classe préparatoire à la suite de ma vie… De là, nouveau saut dans l’inconnu du monde lycéen, grosse structure industrielle, rythme plus soutenu,, enchaînement des cours et des disciplines techniques, parcours gratifié de diplômes, et préparatoire à la vie professionnelle. Les années code et conduite, puis l’indépendance automobile, les sorties, les virées dans le Gers proche et protecteur, puisqu’on sort librement sans y retrouver la population du lycée ou autres sourires déjà croisés… Années d’expériences, d’amourettes, de passions, de ruptures, de peines de cœurs, éducation sentimentale aux saveurs amères, apprentissage de la vie adulte, là ou certain traverse le chemin sans encombre et rencontrent à cette période, celle qui de leur double deviendra leur moitié, j’ai du prendre des chemins de traverses, sorte de raccourci vers l’improbable, sentiers perdus dans la montagne de la vie, qui mènent à rien si ce n’est des fois au précipice…

Le boulot, et là aussi, l’apprentissage d’un monde bien différent de celui décrit durant la scolarité sensée nous enseigner et nous préparer à notre vie d’adulte et futur actif. Les projets, à deux, puis à un, puis à deux, puis à un, sorte de comptine routinière et usante des historiettes défilant dans un désert affectif, certaines ont eut de belles et de très belles couleurs avant de se clore dans une indifférence notoire, d’autres ont changé de couleur, pris un autre ton, garder un certain éclat, même si… D’autres ont jailli, puissante et belle, trop belle peut-être, au point d’exploser dans un délire de sens d’où ne reste que des cendres… D’autres ne sont plus, n’ont peut-être jamais réellement été, certaines ont conduit à flirter de trop près avec le précipice, avec l’envie d’y plonger à tombeau ouvert. Chacune a écrit sa page, ses lignes dans le livre de ma vie, chacune à évoluer suivant son propre chemin, laisser sa place après un temps d’errance et de renaissance à une autre, différente, si ce n’est en sa conclusion…

Le compteur du temps défile et à défiler, le chiffre ou plutôt le nombre est là, bien affiché, et le bilan est là lui aussi, bien dressé, balance déséquilibrée ou le plateau négatif est tout de même plus lourd que le positif. Pourtant, aucune raison de paniquer, de chercher le réconfort en dehors du sentier, de plonger au fond d’un abîme semblant refléter des lueurs de paradis, miroir aux alouettes bien tentant dans la faiblesse et à l’heure ou il est si facile d’abandonner le combat. Non, l’heure est au bilan, à la volonté de changement, avec un éventail de possibilité, un périmètre très ouvert d’éventualité, qui couvre du domaine professionnel au domaine géographique, dans des positions diamétralement opposées, parfois même très éloignées. Est-ce là une sorte de fuite ? Oui, peut-être, même si j’y vois plutôt une façon de se reconstruire. Quitter la place et construire ailleurs, vendre ici, acheter là… Tout est possible et bien des cases s’ouvrent aujourd’hui dans ma tête. Côté cœur ? Mystère et boule de gomme… De toute façon, il faut laisser saigner suffisamment longtemps avant de cautériser sous peine d’infection… Côté moral et mental, disons que ça va, une sorte de sérénité, une envie d’avancer, de sortir de cette vieille peau, oublier les combats contre les moulins à vent, devenir légèrement plus égoïste, penser à soi, un tout petit peu plus, ne plus vouloir à tout prix imposer sa vision du monde, mais laisser les autres faire ce qu’ils leur semblent bon, même si je sais que ce n’est pas là la meilleure façon… ça se gère et ça s’apprend, je m’y emploie tous les jours. Du coup, et bien le détachement s’opère, la pression et le stress s’envolent, plus l’envie de râler, de discuter des heures pour prouver quoique ce soit, et surtout, ne plus devoir jurer pour être entendu… Repartir sur ces nouvelles bases, et découvrir une nouvelle facette de la vie, de ma vie, forcement la plus belle, la plus longue et la plus définitive, car j’avoue en avoir un peu beaucoup assez des changements…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le tout est d' avoir un vie bien remplie Riche en émotion Quelques soient nos choix bons ou mauvais Car les mauvais choix ont du bon On avance, on se construit avec les erreurs du passé On ne peut pas revenir en arrière Alors il faut avancer !

Didier a dit…

Tout à fait. L'experience est la façon dont on sort de ses échecs, quelle qu'en soit la cause... En avant !