Une fin en soi

La saison grise a commencé. Ce matin, brouillard et froid. Moins deux degrés, brouillard plutôt épais, nous y voilà dans cette griserie matinale durant parfois le jour entier, qui ponctue parfois nos automnes et nos hivers. Ce temps sourd et gris, cette nébulosité enivrante tellement elle force notre vue et estompe nos repères, ce gris trop enveloppant plombe notre moral déjà bien atteint. Dure fin d’année ou le budget familial est soumis à rude épreuve à coup de record de hausse du baril de pétrole, à coups de bouchons du matin et du soir pour rejoindre notre lieu de travail, à coup de soucis, savamment distillé, jour après jour, dans cette entreprise qui oscille entre déclin et survie, à cause aussi des manques de lumière cumulés depuis le début de l’année. Triste année 2007, sortilège des treize lunes, saisons qui s’enchaînent toutes plus mortes les unes que les autres, une année qui s’achève en déclin… Bien sûr, une satisfaction, une belle, très belle même, du genre que la vie réserve parfois, du genre belle et très belle, du genre aux yeux bleus…

Le brouillard et le froid, dans un automne sec, trop sec, qui doit sûrement être à l’origine de cette électricité sans cesse présente dans notre environnement. Tout le monde est à cran, énervé, excité, le moindre sujet part en discussion animée… Trop drôle de voir cela, d’assister à cela avec un certain recul… Et oui, tout arrive ! La vie et ses vicissitudes finissent par nous apprendre qu’aujourd’hui n’est pas demain, et que demain n’est pas hier. Vivre sereinement apporte, qui l’aurait cru, une certaine sérénité… Sagesse enfin présente ? Peut-être. Qui sait ? En tout cas, cela est plus reposant, et, avec un peu d’habitude, assez plaisant de voir les autres s’exciter pour une chose n’ayant plus cours le lendemain… Bien sûr, certains sujets restent tout de même incompréhensibles et irritants. Pourquoi supprimer des tribunaux alors que notre justice est bien connue pour sa lenteur ? Comment arriver à désarmer ce conflit trop présent dans nos banlieues ? Comment relancer notre économie sans injecter d’argent chez les consommateurs ?

Que devient ce monde ? Un accident met le feu aux banlieues. Le sang appelle le sang, la violence appelle la violence. Des morts, que ce soit dans un transformateur électrique ou dans un accident de la circulation, engendrent une violence inouïe, une démesure dans l’expression de la colère, qui plus est par des bandes qui n’attendent que le moindre événement pour casser, démolir, répandre leur défoulement sur les biens d’autrui. Bel exemple pour des jeunes en mal d’existence. Proche de nous, les abribus sont trop souvent caillassés, leurs vitres brisées. Les collectivités continuent de payer des prestataires à prix d’or pour remplacer ces vitres plus chères que des vitraux d’églises de campagne. D’ailleurs, nous n’avons plus assez d’argent pour sauvegarder ce patrimoine villageois et nous avons décidé de démolir ces églises que nous ne pouvons plus entretenir. Logique ? Pourquoi ne pas remplacer ces abribus fortement coûteux par les modèles maçonnés de notre enfance ? Nos enfants seraient sûr d’attendre leurs bus à l’abri des intempéries, la facture serait réduite, une couche de peinture annuelle effacerait les tags hélas trop présent dans notre décor quotidien. Trop de bon sens ?

Justice : Pourquoi ne pas faire évoluer certains jugements ? Un divorce par consentement mutuel n’a pas à attendre autant de temps pour être juger. Après tout, et je parle bien sûr des cas les plus simples mais ils existent, ce n’est là qu’un mariage à l’envers. Est-ce qu’on se marie devant un tribunal ? Non. L’officier municipal, le maire, doit aussi avoir le pouvoir de clore et de rompre un mariage prononcé, dès lors qu les deux parties sont d’accord. Un barème pourrait aussi être fixé, comme il est d’ailleurs pour les comparutions immédiates, et certaines actions seraient ainsi jugées plus rapidement. Pourquoi une ville, qui déjà se meurt de par son éloignement des grandes métropoles, de par sa désertification avancée, doit encore mourir un peu plus en perdant de sa légitimité, en perdant son tribunal et la corollaire de ses métiers ?

Economie : comment peut-on acheter plus en gagnant moins ? Les salaires stagnent et les prix s’envolent. Le porte-monnaie s’affole. Tout augmente au seul crédit de la hausse de l’or noir. Rassurez-vous, lorsque le cours du brut dégringolera, les prix resteront aux valeurs actuelles. Sans injection d’argent dans la machine, le moteur économique s’enraye, les usines ferment, débauchent et le pays se meurt. Bien sûr, nous serons fiers d’être les inventeurs de la cocotte minute aujourd’hui produite en Chine, les créateurs des matériels de sports que des enfants assemblent encore aujourd’hui au Pakistan, les concepteurs des ces avions fantastiques, bientôt estampillés made in china. Face à cela, les politiques, les chefs d’entreprise brandissent déjà le bouclier : sauvez vos emplois en travaillant plus pour le même prix. Moral, vous avez dit moral ?

Ou sont nos valeurs ? Je parle là des valeurs humaines, du respect de l’autre, du respect de l’uniforme, des professions nécessaires qui pouvaient autrefois œuvrées sans recevoir des projectiles en tout genre, jusqu’à même recevoir des plombs, bientôt des balles de fusil. Notre monde tousse de plus en plus fort. Est-ce là la terre que nous voulons offrir à nos enfants ? Je n’ai pas souvenance que nos anciens, nos parents nous aient ainsi laissé traîner le soir. Je n’ai pas souvenance d’autant d’incivisme dans notre jeunesse. Certes, des bêtises il y eut. Mais elles étaient bien faibles en regard d’aujourd’hui et surtout elles étaient réprimées dès le cercle familial. Sommes-nous donc plus mauvais que nos parents ? Sommes-nous donc si riche pour laisser démolir nos biens collectifs que nous finançons tout de même à coup d’impôts ?


Texte de colère plus que d’effroi. Texte personnel encore une fois. Ma nature optimiste force pourtant ma main à voir en demain un réveil salutaire, une prise de conscience d’être allé trop loin. Il faut parfois dépasser ses limites pour mieux les définir. Nous ne pouvons pas ainsi continuer sans quoi la terre bientôt tournera sans nous. Après tout, l’homme n’est qu’une espèce qui peuple le monde. Serions-nous arriver à imiter les dinosaures ? Fin proche ? Certainement. Mais pas la fin de l’espèce, plutôt son réveil.

Le monde tourne, tournons avec lui.

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