La dernière marche

Et voilà, plus quelques pas, plus que quelques instants avant de franchir cette dernière marche, quitter ce sol natal pour un bon bout de temps, je ne peux dire à jamais, car les choses sont rarement prévisibles, mais la destination est lointaine, le billet sans retour… Autre monde, autre civilisation, autre vie, autant de clé pour ouvrir la porte d’une nouvelle vie, autant de clé pour fermer la porte sur cette vie-ci. Encore quelques instants dans ce hall d’aéroport si familier, celui qui m’a vu en de nombreuses fois, spectateur assidu des destins qui se croisent sans même se voir dans des courses folles, vers des destinations différentes, assis une dernière fois, à ces tables de bar, le café fumant devant moi, le texte en marche vers son exil bloguien. Le blog, ce compagnon fidèle des derniers mois, où se sont empilés des humeurs, des messages, des notes, des histoires, mon histoire, jusqu’à ce jour…. Encore quelques attentes et je ne serais plus de ce monde, je pars au-delà, au-delà de l’occident et de ces folies dont on ne maitrise plus guère les conséquences, dont on se demande s’il existe seulement un traitement qui à défaut d’être curatif, arriverait au moins à ralentir, voir à faire sommeiller la terrible gangrène qui corrode les esprits les plus anodins, transforme en bête les belles, encore un symptôme de notre monde dégénéré, ce n’est plus la belle et la bête, mais la bête dans la belle…. Histoires maudites. Non pas dans leurs contenus, très beau, très fort, mais dans des conclusions ravageuses et ravagées. Histoires conclues, et dans quelques instants, histoires définitivement enfermées dans le coffre du passé.

Tout s’est enchainé rapidement, les décisions se sont prises brutalement, provoquées par le hasard, les résultats enfin, après tant d’années d’assiduité à ces jeux de hasard justement bien nommés, enfin des chiffres alignés correctement sur une grille, enfin des chiffres qui s’alignent correctement sur un compte, enfin une libération, une occasion unique de changer d’air pour de bon et pour longtemps. Bye-bye le boulot d’ici, bye-bye les contraintes, en avant marche à l’envie vers les envies, la première, la plus grande, partir, loin d’ici…. Pour l’heure, c’est une drôle d’impression, un départ, certes, en avion, oui, mais il n’y a pas de notion de durée encore, pas de différence avec ces voyages à la journée sur Paris, pas de différence avec ces voyages sur deux ou trois jours sur Hambourg, sur Londres ou Madrid. Peu de bagage, à quoi bon s’encombrer qui plus est de choses d’ici, on verra bien sur place, ce dont on a besoin, ce dont on a envie…. Maitre mot que l’envie, l’envie est maitresse tout comme la maitresse peut faire envie…. Peut-être un peu moins en période scolaire…. Partir, laisser dériver pour l’heure mon esprit, dans ce hall si familier de l’aéroport, mon joujou tout neuf sur la table devant moi. Très sympa ce bout de plastique aux touches bien alignées, qui me permet d’écrire et de surfer sur le net depuis n’importe quel endroit du globe, ou presque, il faut tout de même que les ondes transitent pour aller transférer les mots et les émotions à coup de zéro et de uns….. Achat compulsif, lien vers les autres, encore quelques temps, peut-être juste le temps d’écrire même, car je pense qu’à changer de monde, à fermer ce coffre, je vais aussi fermer bien des comptes, oublier bien des adresses, virtuelles et réelles, fermer mon compagnon le blog, après ces dernières lignes, ces derniers mots, là, tout près de cette dernière marche qui me fera définitivement quitter cette vie-là, ce sol natal et enfoui dans mon cœur. Je songe pour l’heure à cette voix douce qui va bientôt nous appeler pour embarquer, ce sourire accueillant qui va plonger nos corps dans le tunnel, nous propulser vers ce cigare d’aluminium qui se mouvra dans des tressautements irréguliers avant de cracher la puissance de ses réacteurs et nous arracher enfin de ce sol pesant. A cet instant précis de mes pensées, je me demande où situe-t-on le repère du sol ? Dans ce tube qui mène à l’avion, dans cet aéroport trop familier ? J’ai envie de courir, de fuir les murs gris pour m’en aller fouler une dernière fois peut-être cette terre qu’on qualifie ici d’envol….

Les choses avancent, une nouvelle hôtesse vient d’arriver, les listes à la main, nous approchons du moment fatidique, de cette dernière heure enfin arrivée, celle que l’on mesure dans sa dernière seconde…. Résumé d’une vie, une seconde pour une heure, dernière longueur, dernière phase, dernières phrases….

Pourquoi attendre le moment fatidique pour appuyer sur la touche envoi ?
Où que l’on soit, la vie reste la vie, et surtout ce que nous en faisons….
Il est toujours des cieux plus beaux, plus bleus….
Suffit de les voir, de savoir les voir, vouloir les voir
Savoir les voir, savoir les mesurer et les comprendre
On est toujours en attente de nous-mêmes au final
N’importe où qu’on aille, on ne se retrouve jamais qu’en face soi

D’ailleurs, que fuit-on si ce n’est que nous-mêmes ?
A peine arriver au-delà de cette limite fixée,
Vouloir trouver autre chose n’est que supercherie
Réaliser qui on est, ce fait ici ou là, sans tricherie
Il n’est pas d’endroit plus favorable qu’un autre
Le but du voyage n’est que son propre soi…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Poisson d' avril ;-)
Poisson de rêve Une trêve dans la réalité M' enfin :-)