Un rôle absolu

Que le temps passe vite ! Les jours défilent, un à un puis par paquet de sept, puis par bottes irrégulières de tantôt trente et un, tantôt trente, parfois même vingt huit, il parait même qu’il y en eut à vingt-neuf….. Et ça s’empile par palette de trois cent soixante cinq ou six, toujours à cause de cette fameuse botte de vingt-neuf, comme quoi, ce sont les quantités les plus infimes qui déséquilibre la pile…. En attendant, ça finit par peser lorsqu’on s’amuse à compter les palettes, voire même gêner, au point que certains parlent de balais pour quelque part, s’en débarrasser alors qu’au final, on les accumule ces balais, sans pouvoir les stocker correctement, ce qui fait grincer les dents de ceux qui trouvent en avoir trop. Allez, hop, du balai ! Balayez donc ces outrages du temps qui passent bien plus dans vos têtes que sur vos corps, cessez de ne voir que le chiffre hésitant puis d’un seul coup s’affichant fièrement comme pour mieux narguer les infériorités numériques, complexe de supériorité bien ancré depuis nos leçons d’arithmétiques. Que vous comptiez les bougies ou les balais pour mieux les redouter, ce ne sont pas là, la raison des griffures qui embellissent vos visages, non, la vraie raison en est les soucis, les plis serrés pris pour essayer de contenir les ans dont on ne veut se parer et qui au final vous parent de par votre omission. En dehors de nos chers principes républicains, nous ne sommes pas tous égaux devant l’adversité du temps. Certains visages resteront lisses très longtemps quand d’autres plus jeunes se couvriront de ces sillons creusés inlassablement au gré des années. Il en est ainsi, en avoir peur n’y fait rien, avoir peur de vieillir, c’est quelque part visualiser la fin sans se donner la peine de laisser s’installer l’histoire. Imaginez un peu, si au début de la pièce, les acteurs venaient vous saluer le que vous n’ayez qu’à regarder le rideau tomber…. La seule différence entre nos vies et le théâtre, c’est que nous n’en connaissons pas le nombre d’acte ni la fréquence des rebondissements. Pour le reste, nous en somme le seul metteur en scène, c’est nous qui choisissons les décors bleu plutôt que les noirs, les lumières aveuglantes plutôt que la pénombre étouffante. La pièce dure et durera tant que nous la ferons durer, tant que nous serons tenir en haleine les spectateurs, passifs ou actifs, tant que les effets seront présents, tant que l’envie de jouer sera là.

Fin d’acte. Le premier ? Je ne sais pas, tout dépend où on introduit la césure, les épisodes précédents m’ont paru si liés qu’il m’est difficile de les dissocier. Certes, il y eut des ruptures, des rebondissements, des intrigues et des fausses pistes, mais tout cela semblait tenir du même corps, d’un même corps. Le rideau est tombé, lourdement sur l’acte. Dans la pénombre de la scène cachée du public, changement de décor ou presque, démaquillage ou presque, retour à l’essence même du personnage dans le rôle principal de sa vie. Le rôle de sa vie, pour un acteur, quoi de plus beau, quoi de plus grand ? Etre acteur du rôle de sa vie, de son propre rôle est tout aussi beau, tout aussi grand, alors, prenons le rôle à bras le corps, laissons de côté les bruits du public, ce ne sont qu’éternuements, chuchotements, rires ou larmes, parfois applaudissement, parfois mise en garde, mais ne soyons pas cabotin, ne jouons pas pour les autres, ni par les autres, jouons pour l’auteur, dans son respect, et, comme nous sommes aussi l’auteur de notre vie, jouons notre partition avec toute la sérénité, toute la légèreté et la profondeur qu’il y convient. Jouons sans jeu trouble, sans se servir des autres, sans être collectionneur de seconds rôles comme on aligne les meubles le long des murs pour en déshabiller la froideur de la pièce, respectons chaque acteur comme on se respecte soi, entièrement, totalement, justement. Difficile ? Déviance ordinaire d’une simulation établie, à trop jouer derrière des masques, on oublie la pureté des visages. Réapprentissage de nos vies, apprendre à être soi, un paradoxe, non ? Encore quelques instant avant que le velours épais ne libère le regard, offrant ses visages attentifs et attentistes aux jeux des acteurs. Le rythme martèle plus fort sans réellement s’accélérer, la gorge se noue, se serre, mais voilà la lumière et le texte s’échappe haut et limpide, posé et non solennel. L’acte suivant est parti, dans la tranquille assurance d’être enfin dans son rôle, d’être enfin soi, les pieds bien ancrés au sol, la tête dressée vers les étoiles et surtout, vers l’horizon, ce bel horizon qui se dégage au fur et à mesure de l’avancé des textes et de la mise en place du rôle. Des phrases, des paroles, des actes, des gestes, bien coordonnés, bien établis, bien sentis et surtout, enfin bien ressentis. Rien n’est hasard, tout est normalité, équilibre et justesse.

Tôt ou tard les masques tombent, et il ne sert à rien d’attendre de voir les autres tomber si le sien reste sur la tête vissé. Jouer à découvert, jouer à découvrir, jouer à être découvert, jouer, dans toute la moralité du jeu, car la vie n’est qu’un jeu mortel, où chaque étape prolonge le suspens et abroge l’idée de la fin, où chaque étape mérite de la vivre pleinement. Se contenir, mesurer son jeu ne prolonge pas les débats mais les alourdit au point de les rendre pesant, triste et vide, usant, creusant un peu plus les visages au point de compter avec une certaine tristesse les balais alignés…. Des balais en scène ou des ballets en scène ? Déballer en scène, s’approprier l’espace, le rôle, vivre pleinement, vivre à s’en étouffer de ce bonheur tout neuf et pourtant à disposition depuis le début, mais, comme chaque chose belle et si proche, on oublie de les voir à trop scruter l’horizon à leur encontre. Qu’importe l’âge, la durée ou le nombre de représentation, être là, présent et acteur, est ce qu’il y a de plus fort et de plus bénéfique. En attendant la rechute, du rideau j’entends, vivons, à fond, entiers et entièrement, vivons !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

je reconnais bien là ta nouvelle philosophie
celle qui permet de vivre pour soi pour le plaisir et le bonheur d'être pleinement soi

bizz

belle amie

Didier a dit…

Merci à toi !

C'est clair que ça fait du bien d'attaquer un nouvel acte, même avec le tract au ventre.... Non pas une one man show, je me fous du spectacle, simplement être soi face à soi, c'est si bon !

bizzz