Satanée nuit blanche

Nuit blanche ou presque… Mon corps craque, ou plutôt, mes corps craquent. Le corps physique comme le corps psychique. Le corps physique craque, se morcelle et fait mal, me fait mal. Blessures anodines, coups reçus, égratignures ou ampoules, tout se réveille cette nuit, rappels non indolores qui empêchent de trouver le sommeil, de sombrer dans ce coma régénérateur si délicieux où on s’abandonne le temps d’une nuit, à explorer les songes, ces films très personnels qui nettoient nos cellules grises en en extirpant des désirs inavoués comme des peurs refoulées. Le corps psychique craque, comme atteint par l’âge limite, comme devenu trop étroit pour contenir celui que je suis vraiment. Les dernieres étapes d’une vie, de ma vie, d’autres vies croisées le long du chemin parcouru jusque là, les épreuves accomplies, les éveils provoqués sont autant de coups de piques, sont autant de développements personnels qui ont fait enfler l’âme au point qu’elle ne contienne plus dans le corps. Serrée, étouffée, la voila contrainte de n’avoir plus que deux choix, se résigner ou rompre d’avec cette enveloppe. Deux choix, comme nous avons en permanence, tout au long de nos vies. Vivre ou mourir, être ou ne pas être, exprimer ou se taire. Comme dirait mon vieux professeur sétois, « mon âme et mon corps ne sont plus d’accord, que sur un seul point la rupture…. » Mais où Georges Brassens évoque la mort, moi au contraire j’y vois la vie, la nouvelle vie, la renaissance. En cette période de Pâques, j’allais parler de résurrection, comme quoi, les religions et leurs jolies histoires, ont englué nos cerveaux juvéniles au point d’en déformer le mode de penser.

Nuit blanche ou presque, car on ne veille jamais tout à fait, navigateur solitaire sur les flots de la vie, nous effectuons de courtes pauses de sommeil pour maintenir la machine en mode acceptable, pour tenir, dans un cycle de survie, bien loin d’un cycle de vie. Mes corps me font mal cette nuit, comme rarement ressenti, et même, comme jamais ressenti. Le physique a déjà été secoué, que cela soit par des maladies diverses et pas toujours avariées, ou par l’utilisation trop prolongée de pratiques sportives, à la recherche de limite, à la recherche des limites, dans des courses effrénées, dans des épreuves servant à se prouver qu’on peut le faire, qu’on sait le faire…. Crampes et lassitudes, douleurs sourdes et lancinantes, éléments fleurtant avec le point de rupture, blessures sanguinolentes picotantes et s’agaçant au contact du drap, tout gêne, tout fait mal. Cerveau en ébullition, cogitations multiples, matière cérébrale en état de fracture, les images défilent, s’empilent, les pièces d’un puzzle s’avancent et se positionnent, une à une, se groupent, s’enclenchent pour former des bouts d’images, puis des images….

Nuit blanche ou presque, les heures ont défilé sur les chiffres rouge sang de l’horloge de chevet. Des chiffres quasi inconnus, qui d’habitude profitent de mon sommeil pour s’en venir danser sur l’afficheur et qui, en cette nuit blanche, viennent ponctuer l’obscurité de leur signification bien peu ésotérique. Ils comptent inlassablement les rides qui tout à l’heure habilleront mon visage de mal dormeur. A force de tourner et retourner, de secouer les pièces du puzzle comme de gratter les blessures, je me lève et je viens écrire. Pause. Je ne sais pas ce que ressent la chenille lorsqu’elle rompt le cocon pour déployer ses ailes d‘à présent papillon, mais c’est l’image que j’ai de ma vie. Je viens en peu de temps encore, de gravir des escaliers, d’emprunter des échelles, de prendre des mains amies qui m’ont amenées vers ce que les hommes appellent la destinée. Des mains que je croyais solides, que je ne voulais plus lâcher, des mains oubliées désormais, des mains à oublier, d’autres mains amies sont là, le long du chemin, par je ne sais quelle magie, par je ne sais quelle force. On les quitte en bas de l’escalier, et les voilà qui vous attendent en haut pour vous encourager, pour vous insuffler la force d’aller encore plus haut. Il y a des inconnus qui deviennent connus, reconnus, trop connus. Il y a le regard qui change, le sien d’abord, sa façon de lire le monde, sa façon d’accrocher plutôt telle courbe que telle aspérité. Il y a le regard des autres, différent. Les incrédules qui ne voient pas les progrès mais cherchent désespérément les écueils du passé dans les succès présents. Les esprits plus ouverts qui mesurent à votre place, la progression et vous en informent, vous en réconfortent. Il y a tout ceux qui arrivent sur ce nouveau chemin, s’accrochent à votre sourire et viennent faire des bouts de routes à vos côtés.

Nuit blanche ou presque, la vielle enveloppe craque car elle ne peut plus ni cacher, ni contenir la personnalité retrouvée. Derniers instants à vivre dans cette vieille peau, mais je sens que bientôt je vais faire place nette, balayer bien des choses, démolir bien des murs, sortir du couloir et m’en aller bien au-delà des chemins parcourus, non plus à ma rencontre, là, cette nuit, je sais que c’est fait, non, à la rencontre des autres, à la rencontre de l’autre, dans mon costume de chair et de sang tout neuf, enfin prêt, je dirai même enfin retrouvé, comme au sortir des décombres, le temps d’épousseter d’un revers de main mes épaules, je prendrai la route d’un pas assuré, comme si je le connaissais bien ce chemin à faire, mais après tout, c’est normal, je l’ai tant rêvé.

Nuit blanche ou presque, les derniers mots glissent sur la feuille, les derniers maux glissent à jamais, non par dérobade, simplement par parcours différents entre eux et moi, chacun sa route, chacun son chemin, et à l’heure ou l’encre noircit la page, l’aube blanchit la campagne et je m’en irai…. Le compte des heures ou plutôt le décompte touche au but fixé, celui qui réveille fatidique la crécelle moderne qui vient sonner le glas de la nuit, de ce qui aurait du être ma nuit…. Tant pis pour cette nuit-ci, cela sera pour la prochaine, en attendant d’aller goûter aux joies des cycles naturels et bien marqués des marées qui savent si bien apaiser et stabiliser nos cycles si perturbés. Pas de réveil ce matin, je suis déjà debout, les odeurs enivrantes et prenantes du café chaud et frais (allez comprendre !) excitent déjà les neurones non embrumés malgré leurs courses incessantes de la nuit. Les pièces du puzzle sont presque toutes en place, les images de ma vie dans toute l’épaisseur de ses liens sont enchaînées. Ma vie ? Non, ma nouvelle vie, toute neuve et toute forte, bien plus forte qu’hier, bien plus belle aussi….

5 commentaires:

Anonyme a dit…

avec le printemps le papillon va enfin se séparer de sa chrysalide depuis le temps que cette carapace qui ne t'ai plus adaptée te colle à la peau il est temps de la laisser au bord du chemin qui n'est plus le tien

courage tu vas voir le bien que cela procure

bisous de la grenouille

Didier a dit…

j'en sens déjà les effets, très positifs tellement bénéfiques...

tant que les grenouilles ne croqueront pas les papillons, ça ira... ;)

bizz

Anonyme a dit…

la grenouille a trouvé son papillon aucun risque pour toi

Anne a dit…

Il y a des nuits (ou des jours) où tout devient tellement évident qu'on tourne la page ou plutot le "tome" instinctivement pour prendre un nouveau départ !!
Alors très bon voyage à ce nouveau TOM !!!

Biz à toi

Didier a dit…

Merci, les premiers pas son passés, place aux autres, mais je sais mes amis de sentier.....

bizzz