Terre ! Terre !

« Terre ! Terre ! » C’est en ces cris que les marins perdus aux milieux des flots apprenaient l’approche de la côte salvatrice de la voix puissante du matelot de vigie, cette terre enfin proche et au moins significative de repos, de retour au plancher des vaches, et ce, même sous des contrées qui ne connaissent pas les bovidés… La terre, cet élément de la Terre, cette planète dite bleue puisque plus de 70% de la surface est composée d’océan, cette terre sur laquelle nous vivons, pour laquelle nous combattons, cette terre mère nourricière et cultivée, support de notre humanité, cette terre qui par ses petits bouts nous fait propriétaire, défenseur de notre pré carré jusqu’à l’affrontement meurtrier. Support de vie, terroir de semis, les racines des arbres et des plantes y puisent l’énergie, l’homme aussi, dans des puits pétroliers, dans des mines charbonnières ou de bien d’autres matières que cachent et recèlent cette fragile écorce. Terre la planète, terre le sol, qui de ces deux fait de nous des terriens ? L’homme a quitté les océans pour s’adapter à la vie terrestre, au fil de notre longue évolution. D’amphibiens nous voilà devenus des terriens, apprenant à ramper, puis à marcher sur cette terre hostile et accueillante, mélange des genres pour nouveaux colonisateurs. Et depuis ce temps là, la colonisation n’a fait que se répandre, la conquête du monde s’est poursuivie, au péril des vies, l’homme s’attribuant des titres de propriétés qu’il n’a pas, car, n’étant sur terre que de passage, ces bouts de sols appartiennent avant tout aux civilisations futures.

Terre, mélange de matières et élément de vie, terre, terrain de jeux pour d’intrépides humains, terre, écorce rabougrie aux reliefs chaotiques, tu es à la fois terre d’exil ou d’accueil, terre d’envol, terre d’espoir, terre sainte ou terre promise, et même si parfois nous avons l’esprit terre à terre, la tête dans les nuages, nos rêves s’installent dans nos vies que si nous avons les pieds sur terre, et non sous terre, car alors, il est trop tard…. Que n’a-t-on pas fait de cette terre, crue ou cuite, labourée ou construite, végétale ou grasse, rouge ou sienne, que n’a-t-on pas fait pour elle, combats sans fins pour des frontières qui ne sont que des tracés humains déclencheurs de joutes sanguinaires quasi sans fin… Au nom d’un peuple, d’une religion, au nom de dieux, d’idéologie, les hommes ont toujours su trouver raison valable pour combattre, repousser leurs limites sans mettre pied à terre. Que reste-t-il de la terre de nos ancêtres ? Que laisserons-nous aux futures générations ? Animal de passage sur cette planète, l’homme est avant tout son plus grand prédateur. Naïf, il l’a croit en danger alors que c’est lui-même qui se met en danger. La Terre, renaîtra toujours, sous d’autres formes, sous d’autres températures, elle s’auto régulera, redevenant un nouveau berceau pour une nouvelle espèce animale. Eternel recommencement dont nous ne serons pas les témoins, enfouis dans nos propres décombres, disparus six pieds sous terre…. Vision pessimiste d’un monde en déclin ? Non, ça serait mal me connaître, vision certes point idyllique, mais vision d’alerte, pour éveiller nos consciences, redresser la barre tant qu’il en est temps, et, il en est encore temps. Raisonnons nos prédations, notre agriculture, laissons la terre souffler, alternons les jachères, les prairies, les labours, entretenons nos forêts les plus proches comme les plus éloignées, replantons nos terres brûlées et laissons-la s’abreuver des autres éléments, l’eau, l’air, le feu solaire pour qu’y renaisse la vie.

C’est ce combat qu’il nous faut mener, sans mettre genou à terre mais plutôt ventre à terre, regagnons notre planète, dans ses moindres contours, jusqu’au moindre lopin de terre, la moindre parcelle, source de vie, source d’envie de retour à la terre pour beaucoup, comme l’envie de retrouver le métronome régulier du rythme des saisons, des jours et des nuits, des cycles lunaires, et des migrations. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, jamais trop tard pour s’y mettre, prendre conscience que nos richesses d’aujourd’hui sont celles de nos enfants et petits enfants. Propos humanistes de doux rêveur ? Non, propos d’homme attaché à sa terre, jusqu’à son bord, océanique ou méditerranéen, dans tous ses reliefs parcourus, en long, en large et en travers, vécus de l’intérieur, et même des grandes profondeurs, la Terre est vivante, elle gronde, elle vibre, elle ronfle et s’ébroue, animal blessé par tant de maltraitance, le temps est venu de la choyer, de l’écouter, de la comprendre. On peut être tête en l’air, ou bien encore dans la lune, c’est pourtant ici bas que nous vivons, que nous respirons. Et si l’air vous pique la gorge et les yeux, ce n’est que notre propre résultat, pas celui de nos forêts. J’ai foi en l’humain et en sa capacité à réagir sans attendre le déclin. Chacun, à notre place, nous avons un rôle à jouer. Remuons ciel et terre pour cela, unissons-nous et voyons au-delà des propositions commerciales pour gagner notre avenir sur terre.

L’équipage à bien gouverné, le bateau est ancré, les chaloupes à la mer pour regagner la terre ferme. Point de phare ici, la côte est nouvelle, peuplée d’indigènes observant le ballet des rames jouant des flots d’écumes. Bientôt, la jonction des mondes sera effectuée, bientôt les trésors de la terre échangés. La communication par le troc, les échanges par l’échange, difficile d’imaginer cela dans nos esprits internetisés du 21e siècle… Encore un dernier coup de rame et ça y est, nous mettons pied à terre !

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