Les nuits de l’hiver, si elles sont les plus fraiches de
l’année sont aussi et surtout les plus brillantes, lorsque les nuages ont pris
leurs quartiers d’hiver sous d’autres cieux, lorsque les brumes maritimes s’en
vont vers d’autres rivages, ce n’est plus une plage sauvage et déserte mais une
plage aux étoiles, illuminée de mille éclats. La lune pleine et ronde éclaire
avec cette douce lueur les hoyas, les pins et les dunes, d’un halo presque
fantomatique donnant une vision fantastique de ces paysages si connus. Les
étoiles explosent le regard qui ne sait où se poser, constellations, voie
lactée, souvenirs d’enfances, souvenirs d’errances, la carte du ciel devient
une carte aux souvenirs. L’océan ne s’est pas éteint, tout juste un peu plus
calme, roulement de vagues en roulement sonores, écumes essayant d’engloutir
les pales reflets des étoiles ayant tout donné aux cieux. Seul sous la lune,
blotti dans un épais manteau, l’écharpe bien serrée autour du cou mais les
cheveux toujours aux vents, il profite de ce désert de gens, de cette foule de
sensation. Nature. Naturel. « Chassez le naturel il revient au
galop » souriante image, il imagine, sortis du fond de ce décor, des
chevaux au galop jouant à piétiner l’improbable frontière entre terre et océan.
Les cavaliers de la nuit, spectacle équestre du plus bel effet mais non, tout
le monde dort, tout le monde se calfeutre, certains rêvent sans doutes et
peut-être que d’autres veillent avec ou sans doute, la plage est déserte,
offerte, un de ces moments magiques où le temps est en pause.
Se perdre dans les étoiles à en avoir le vertige, perdre
tout repère, n’être plus qu’un regard qui erre, qui chercher, qui espère
raccrocher à ces alignements brillants des noms autrefois sus. Se sentir tout
petit, minuscule grain de sable posé sur le sable, mordu par le froid, perdu
par la nuit, chahuté par les étoiles, qu’elles soient ourses ou chariot,
petites ou grandes, Orion ou voie lactée, de temps en temps perturbé par cette
étoile mobile, mauvais leurre qui n’est qu’un avion. Un avion qui passe, des
passagers qui voyagent, regardent peut-être au hublot sans rien voir, encore
moins le voir, lui, si petit dans l’immensité. Autant de destins qui se
croisent sans se rencontrer, c’est aussi cela la vie. Comment ne pas être troublé
par toutes ces notions, comment ne pas en être ragaillardi ? Le grain de
sable petit prend ses énergies aux sommets comme au ras de l’eau, des étoiles
comme de la terre, nettoyage de l’âme, puissance de l’esprit. Bien sûr, il
aurait pu les voir ces fichues étoiles de sa terrasse ou bien depuis le port,
mais il y a trop de lumières artificielles, pas assez de recul, pas assez de
profondeur, pas assez d’isolement, pas assez d’abandon sans doute…. Tout comme
une méditation, le besoin de voyager libre est inscrit dans chacun des fils
envoyés par les étoiles. Rêverie, flânerie, songe, pensées à la pelle qui se
bouscule et sonnent mollement dans cet espace vide avant de s’enfuir et de se
perdre dans la nuit. S’il n’y avait le froid, le sommeil prendrait vite le pas.
Engourdi, raide et exténué de cette agitation immobile, il se relève et jette
un dernier regard à l’océan sauvage, rebelle, joueur. Quelques pas en titubant,
quelques foulées dans le sable trop mou de la dune trop abrupte, le voilà en
chemin. Un chemin aux multiples chemins, par la route, par la forêt, par la
plaine, par le sentier, la vie n’est faite que de choix, les pas succèdent aux
pas. De sable mou en sable dur, un peu de goudron, puis non, une piste, la
forêt, des arbres dont les branches déchirent l’ambiance lunaire, des bruits
multiples, crissement sous les pieds, écorces qui se déforment sous le froid,
habitants noctambules quittant avec effroi la piste si pratique par peur de
croiser un humain. Marche étrange, nécessitant de maintenir les sens en alerte,
d’apprendre à ouvrir les yeux pour mieux discerner les reliefs du terrain, les
racines en travers, le sable mou en ornière, et tant d’autres pièges.
Retour à l’abri. Trop de lumière, trop de chaleur, il faut
du temps pour se réhabituer. Un peu fatigué, un peu groggy, beaucoup enivré par
tant d’émotions, tant de sensations, tant de leçons et d’apprentissages, c’est
si riche la vie si intense, surtout dès que l’on sort des sentiers
battus….
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