Il était une fois, dans un très vieux village perdu
dans la montagne, un homme vivant seul. Certes, il n’habitait pas une maison
isolée, d’autres autours formaient le village, mais il restait seul. De temps en
temps quelques visites, un peu de famille, quelques artisans pour de menus
travaux, quelques personnes en quête de guérison car il avait parait-il ce don,
dont on ne sait rien au fond, s’il est magique, magnétique, et, c’est bien
connu, ce qu’on ne connait pas fait peur, donc on fuit les dons sauf, bien
entendu, lorsqu’on en a besoin. C’est ainsi depuis la nuit des temps, enfin,
pas tout à fait, plutôt depuis que les traditions judéo-chrétiennes ont pris
les rênes de notre société, faisant en quelque sorte, la chasse aux sorcières
et aux sorciers pour mieux attribuer les pouvoirs aux célestes. Quoiqu’il en
soit, cet homme-là, sorcier ou pas, restait seul. Pourquoi, comment, nul ne
pouvait le dire, peut-être aussi par peur de la mort, car il avait connu la
mort, et dans son entourage proche, dans ses cercles intimes, c’était des
pertes rapprochées qui venaient ébranler sa foi dans la vie, même s’il savait
que ce n’était qu’un passage vers une autre forme de vie, l’abandon d’une
enveloppe terrestre pour une évolution dans d’autres plans, mais de cela, bien
sûr, personne n’est assez à l’aise pour en discuter, pour vouloir l’entendre,
encore moins pour le comprendre. Alors l’homme se mura dans une vie dédiée à la
vie, dédiée aux vies, aux blessures, aux passages, un trait d’union entre deux
mondes, celui d’en bas et celui d’en haut, un peu comme là où il vivait, en
haut de la montagne. Les gens de la plaine s’essoufflent à venir, mais quand
ils veulent bien fournir l’effort nécessaire pour élever leur corps et leur
âme, c’est avec béatitude qu’ils découvrent les beautés du monde d’en haut,
sans savoir les capter tout à fait, sans pouvoir se défaire des liens matériels
et futiles de la vie dans la plaine.
Cette plaine il l’avait quittée, d’abord par envie de
respirer, puis, apprenant à lire les joies et les bonheurs dans les plantes,
apprenant à reconnaitre les trésors disséminés à travers ceux qu’en bas on
nomme l’ivraie, il s’aperçut qu’il passait de plus en plus de temps en haut,
rechargeant par là-même ses énergies, les amenuisant dès qu’il regagnait la vie
d’en bas. La vie n’est faite que de choix, on ne peut être ici et là, on ne
peut toujours attendre d’être mieux, d’avoir le déclic, ou pire qu’on vienne
vous appeler, non, à moment donné, il faut prendre en main sa destinée, diriger
sa vie, être, tout simplement. C’est bizarre une vie qui se ferme, une vie qui
s’efface, mais au final, qui est-elle cette vie ? Rencontres
superficielles, discussions à distances même lorsqu’on est tout près, langage
codé, une vie trépidante pour un surplace assuré. Basta. Terminé les travaux
sans passions, effacés les prénoms dont les visages ne sont plus que vague
souvenir, oublié le pseudo confort matériel du dernier équipement à la
merveilleuse technologie, rien n’est vraiment plaisir, le plaisir n’était plus
que dans le désir d’avoir avant de s’évanouir lorsque le rêve devenait réalité.
Une vie à crédit, un mauvais crédit puisqu’il n’était au fond que débit.
Là-haut, sur ces terres grasses et fleuries, dans ce coin de nature où le ciel
est si pur que les étoiles brillent d’une lumière jamais vue, où l’eau chante
et joue de rocher en rocher, le village se mourrait. Pour une bouchée de pain, la
maison fut acquise, de quelques travaux elle fut remise en état et devint non
pas le palais mais le havre nécessaire à profiter de ce que les humains
appellent encore la vie. Ce soir, seul devant la cheminée, il repensait à ces
derniers mois passés, à cette distance toujours plus grande entre des gens
pourtant si proche, si enclins à envoyer mille messages sans avoir l’envie ou
le courage d’affronter un moment de vérité, un instant de paix, le plaisir d’échanger,
librement et hors du temps. De cela, son cœur ne se serait plus, parce qu’il
avait compris que cela ne servait à rien si ce n’est à lui faire mal, non, les
choses sont ainsi, les liens très volubiles et toujours enclins à se détacher
comme des lacets neufs qui sans cesse se dénouent au risque de vous faire
tomber, vous qui ne les avez pas dénouer. En êtes-vous coupable ? Non. En êtes-vous
victime ? Oui. Pour éviter cela, vous prenez votre destin à main, vous
faites vos choix, un double nœud à vos lacets, un adieu à ces liens volubiles, parce
qu’on n’attache pas les gens, c’est à eux de s’attacher. La mélancolie de l’instant
se transforme en une douce chaleur, de penser à ce petit monde, ce sont des
messages de tendresses qui s’envolent vers eux, des lumières d’amour, des
prières pour qu’ils puissent un jour ouvrir les yeux de leur âme et trouver eux
aussi, leur petite maison dans la montagne…
Il n’y a pas de solution dans la colère, ni dans la
haine, il n’y a que de la lumière dans l’amour, et cette lumière est source de
guérison pour tout un chacun…
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