Train-Train

Et voilà, TGV direction retour à la maison… L’occasion de voyager seul sans autre attention que de regarder défiler le paysage. Voyage relaxant pour le corps, la tête riche des souvenirs du week-end, péripéties en tout genre qui se rajoutent aux épisodes de l’histoire de la vie, de nos vies, de ma vie. TGV, voyage anonyme et confortable à travers la France, lien argenté dans des campagnes vertes ponctuées de villages, de villes, évolution des styles architecturaux, modification de l’habitat, des couleurs… Voyage silencieux ou presque, musique dans les oreilles, Linda Lemay glissant ses histoires à l’accent québécois tandis que je traverse des séries de paysage, que je croise sans m’en apercevoir des histoires, des vies, des aventures humaines d’autres humains… Anonyme dans la foule des anonymes, l’occasion de retrouver aussi mon stylo et mon cahier, l’occasion d’écrire, de redécouvrir le plaisir d’écrire, dans ses joies, dans ses douleurs, dans ses douceurs, dans ses couleurs, l’occasion de noircir les pages, l’occasion de se poser un peu, un peu malgré moi, mais j’avoue que ces instants face à moi, dans l’anonymat des lieux et des gens me conviennent bien.

Il y a longtemps que je n’avais voyagé en train, voyager ainsi glissant sur le ruban de fer, traverser les terres de notre beau pays, voir, découvrir, s’émouvoir, imaginer, comprendre, tel est le jeu de l’esprit. De l’écriture à la lecture, mon bon maître Alphonse Allais m’accompagne par ses œuvres. Tout cela pour occuper l’esprit, chasser la chagrin d’arrêter un si plaisant week-end à 12h42 sur un quai, en gare de Poitiers… que le temps passe vite dans ces heures–là, qu’il est traitre parfois, ce temps qui ralentit ces heures qu’on voudrait courtes, ce temps qui raccourcit ces heures qu’on voudrait éternelles… L’impression que dans le grand sablier de la vie, tous les grains de sable n’ont pas la même taille, pas le même poids, pas la même vitesse de progression, pas la même course dans le tube de verre…

Ambiance tranquille dans ce train. Voyageurs clairsemés, confort silencieux, salon violet, fenêtres sur paysages, vagabondage à travers le temps et les lieux. Plume bleue sur papier blanc, course à travers les mots, ruban littéral aux courbes irrégulières… Première annonce, première gare, la seule en fait avant la gare terminus de ce train. Angoulême. Décor familier du monde ferroviaire, TER en attente, wagons marchandise en attente de reprise de circulation, bâtiment à l’architecture fonctionnelle et commune au monde du rail, attente de quelques minutes, croisement d’histoires, changement de train pour les uns, descente pour d’autres et ça repart ! Démarrage lent et silencieux du monstre d’acier, course d’élan pour retrouver la pleine puissance, poursuivre la route vers Bordeaux, terminus de ce train, saut dans un autre TGV qui m’emportera vers Toulouse et mon terminus. Ambiance ciel bleu dans ce week-end de février, encore de belles journées à briser les vieux records météorologiques, à bousiller un peu plus notre calendrier saisonnier. Ambiance particulière de ce week-end bien trop court…

Gare de bordeaux, changement de train, changement d’ambiance. TGV toujours, mais version défraîchie, ambiance scolaire… Ce TGV là, arrivait de Montparnasse, avec à son bord des petits parisiens venant passer quelques jours à la neige du côté d’Ax les thermes… Les pauvres ! Nos chères Pyrénées sont dans un état catastrophique cette année encore. Peu de neige, trop peu encore une fois, les réserves d’eau brilleront par leur absence. Ce coup-ci, en montant dans le train, il faut se battre pour récupérer sa place garnie de valises dont le propriétaire semble être plus occupé à garnir ses alvéoles pulmonaires d’une couche épaisse et noire de goudron sous sa forme vaporeuse plutôt que de libérer un siège conquis à tort… Paysage un peu plus connus ce coup-ci, puisque j’ai eu l’occasion d’arpenter ces coins là, entre les deux rivales, Bordeaux et Toulouse. Trop longtemps opposées, trop longtemps comparées, rivalité maximale dans tous les compartiments, sportif, industriel, ou autres… Bordeaux la froide, la riche, la bourgeoise, austère et glaciale contre Toulouse, la ville rose, toujours active, à toute heure du jour comme de la nuit, en toute saison. Paysage de vigne, de pinède, plaine de culture, architecture austère, froide et raide comme un vieux militaire, voyage à reculons dans une ambiance plus animée. Benabar dans les oreilles et lui aussi me raconte ses histoires au creux de mes tympans. Décidément, mon baladeur me la joue plutôt texte en ce moment. Il est vrai que c’est là mon fond de commerce. Poésies modernes, histoires simples, humoristiques, sourires musicaux pour ces instants hors du temps, pour éviter de trop cogiter.

Renter chez soi à reculons, drôle d’image ! Fin de week-end ou chacun reprend sa vie dans l’absence de l’autre, deuil du vivant pour un vivant… dur dur ! Je réalise soudain que c’est là mon baptême en TGV. Je n’avais jamais pris le TGV, toujours eu affaire à des trains corail. Un trajet dans le bon sens, un autre à reculons. Un train propre, coquet et quasi désert, un autre plutôt vieillot, ambiance enfantine et chahuteuse dans une voiture bondée. Paysage de culture et silos céréaliers, la plaine traversée est plutôt agricole, l’habitat clairsemé. Les pentes des toits sont moins prononcées, je retrouve là des proportions propres à mon enfance. Les hangars de séchage de tabac ponctuent la campagne. Au loin, les platanes alignés trahissent la route nationale qui dessert ces lieux déserts… Agen, 3 minutes d’arrêt, première étape avant la délivrance et le retour en ma ville… Agen, terre de rugby, terre de désolation qui voit fermer ses industries dans ce no man’s land entre ces deux grosses métropoles dévoreuses d’emploi. Et oui, dans notre époque folle, la concentration d’activité se fait sur les grosses villes les conduisant ainsi à l’asphyxie. Il serait si simple de répartir l’emploi sur la terre de France…

Les rails longent un moment le fleuve nourricier, la Garonne, mon fleuve, qu’il est toujours surprenant de voir ailleurs et d’imaginer pouvant être ailleurs qu’à Toulouse, surtout pour moi Toulousain dans le cœur, dans l’âme, dans le corps, dans l’intégrité de mon être. Même si je buvais de l’alcool plus que de raison, même si mon sang laissait sa place à ce poison doux, il resterait toujours des traces de mon fleuve, de ma Garonne dans mes veines. Diana Krall rythme mes derniers kilomètres, enfin, tant qu’il y aura des piles… Hélas ! Voici Golfech et sa fabrique de nuages, le TG ralentit, semble se traîner dans ces paysages ensoleillés, amorce son entrée dans la gare de Montauban, dernière étape avant LA ville, ma ville. Montauban, ville sœur de briques, sœur de couleur. Ville de quiétude, ou le temps semble s’être arrêter. Montauban et ses doux vallonnements qui m’ont toujours attiré, peut –être pour des raisons familiales de mon enfance ? Nouveau démarrage, et voyage au ralenti, voyage qui n’en finit plus tant il me tarde de retrouver ma ville, de respirer son air avant de plonger dans les méandres de son métro.

Enfin nous y voilà, Matabiau, ici ou le taureau sanguinaire, bourreau de Saint Saturnin, devenu Saint Sernin, notre Saint protecteur, ici donc ou le taureau fut abattu, vengeance barbare et illicite contre le martyre de Saturnin. Lieu de vie, lieu d’agitation. J’empoigne mon sac et je plonge dans le sol, dans les entrailles de ma ville, je regagne son métro, ou je retrouve la place que j’affectionne en bout de rame. Voyage là aussi jusqu’au terminus, Basso Cambo. Mes amis m’y attendent pour me conduire en mes murs fonsorbais… Café partagé, échanges encore autour du train, passion commune échanges normaux d’une fin de week-end, autour d’une tasse, échanges ou je mesure encore une fois l’absence de celle que j’ai quitté à 12H42 sur un quai de gare… J’ai quitté son corps et ses lèvres, je n’ai pas quitté son cœur et son âme. A elle je pense sans arrêt, et je rêve à ce jour ou notre voyage sera commun à jamais.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore quelques mois à braver cette satannée distance de fer ou de bithume.
Que le temps nous semble long ici sans toi, à moi surtout !
Je t'aime du plus profond de mon être, et cette épreuve renforce un peu plus ce lien qui me lie à toi.
Je t'aime sale gosse !mdr
A très vite
Ta D@n

Didier a dit…

YES ! Le train est plus reposant que la voiture et permet aussi de reprendre la plume... Il y a longtemps que je n'avais écrit... Le temps passe tout de même, bientôt l'échéance ultime sera (enfin !) là !

à très plus et même plus !