Bon vent

Vie trépidante qui s’envole tout comme les feuilles légères et craquantes usées par les soleils d’été, elle glisse sans s’accrocher aux grains de sable du temps, non pas qu’elle ne les fuit, juste que le temps et la vie ne font pas toujours bon ménage, la vie passe trop de temps à chercher le temps, ce diable de temps qui lui manque tant, tout le temps, amour passion, déchirant, « je te suis tu me fuis, je te fuis tu me suis » course de longue haleine, le temps, la vie, l’amour…. Combien sommes-nous à soudain réaliser que la durée s’est écoulée sans en avoir mesuré le ruban ? Exit Octobre ou presque, le voilà monté dans sa citrouille pour fuir vers d’autres cieux tandis que Novembre sonnera ses fêtes, d’abord les vivants, ceux qu’on oublie tout le temps, puis les défunts, ceux qu’on n’oublie jamais aux travers de ce qui n’est au fond que notre manque personnel.


Période automnale, le vent souffle froid et emporte les feuilles, elles volent, s’envolent, se déposent et s’amassent pour mieux faire craquer nos pas. Epoque épique des trésors de rousseurs et de douceurs, châtaignes, champignons et même si ce n’est pas à foison, le peu apporte la richesse, celle de goûter et de ne point gaspiller. Prise de conscience. L’année déroule ses souffles sans s’essouffler, chaque saison est un livre rempli de poésies, encore faut-il l’ouvrir, cueillir l’envie, lire, voir, apprécier, dessiner, photographier, écrire et dompter ces couleurs nouvelles ou tout simplement observer et s’en régaler. Pire, chaque saison n’est pas la redite des saisons des années passées. Mieux, nous ne sommes plus les mêmes. Dans un monde où tout bouge, tout change, comment pourrait-on voir toujours les mêmes choses si ce n’est qu’en refusant de voir ? Contraste. Le ciel d’un bleu pur se change en gris profond, l’air si chaud devient un vent glacial, le vert tendre devient un rouge craquant, et nos pas sont des pas différents pas si différent au fond, tout juste si les chaussures se sont un peu plus fermées, à peine si les pieds restent nus mais bien au chaud dans les chaussettes épaisses. L’appareil photo n’est pas toujours là, et quand bien même il est de sortie, le voilà qui ne peut toujours traduire la vision et la perception de l’homme, preuve si l’en était besoin que les machines ne seront jamais les égales des hommes, preuve encore qu’il est plus important de voir par soi-même plutôt que de se limiter aux belles images toujours trompeuses.


Les jours sont courts, ils marquent le pas, laisse place à la nuit, ces nuits trop vite arrivées qui transforment les longues randonnées en moments de fébrilités, il est temps de rentrer, de se blottir devant la cheminée, d’écouter le bois craquer, se détendre et partir en fumée, de regarder les danses lascives des flammes déroulant leurs ballets, peut-être même de sortir la vielle poêle rouillée dont le fond troué laisse passer les flammes pour mieux griller les marrons, leurs tirant quelques gémissements et quelques larmes parties en suées, avant qu’ils ne se colorent de noir, alors il sera temps de les serrer bien fort dans un épais journal durant de longues minutes, juste pour que la peau épaisse s’humidifie assez pour mieux se détacher de cette chair savoureuse dont les doigts se réchaufferont bien avant le palais. Les feux de joies sont multiples qu’ils logent au creux de l’estomac ou bien encore dans l’âtre du foyer, ils vont jusqu’à faire danser leurs flammes dans les regards pétillants au cœur de ces moments de partages simples, mais au fond, pourquoi se compliquer la vie ? Humilité. Nous ne sommes que des passagers de ce temps, de cette vie, éternels voyageurs nous croisons ici mille lieux, milles rivages, mille cieux, mille visages, nous échangeons parfois quelques mots, quelques sourires, parfois plus, parfois moins, la fragilité du cours des choses nous porte bien vite au-delà, peut-être est-ce pour cela que nos répertoire sont comme des arbres sur lesquels se perchent mille noms, mille numéros, puis un beau jour sans qu’il soit forcément d’automne, ces noms, ces prénoms, ces numéros s’envolent et disparaissent, autres routes, autres répertoires, autres arbres de nos forêts immenses, c’est aussi cela la vie. Vivre. Profiter de chaque jour. Construire. Se construire soi par plaisir, par envie, découvrir et se découvrir, être et savoir être. Aimer et savoir aimer. Est-ce donc si compliqué ? Changeons nos regards, notre regard. N’attendons pas, surtout pas ce « trop tard » qui n’arrive que trop tôt. Savourons ces instants de vie et laissons s’envoler les oiseaux et les feuilles de notre arbre, nous n’en sommes pas le propriétaire, juste saluons non pas le départ, mais les instants partagés, vécus et si enrichissant.



Volez aux vents, feuilles, oiseaux et papillons, savourez vos voyages tout comme j’ai savouré ces moments délicieusement délicats de nos rencontres et convergences. Bon vent, nul ne sait jamais la teneur du voyage mais plutôt que de focaliser sur le but, apprécions chaque pas, chaque pause, chaque moment car là et là seul est le voyage.       

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