La répétition des évènements traduit l’importance qu’ils
ont et l’importance qui est d’en retenir le message. Parfois on y prête
attention, parfois on oublie, parce que les choses s’enchainement sans qu’on y
associe l’importance qu’il y convient, parce que l’attention est ailleurs voire
même nulle part. Plus tard, on se souvient et on cueille le message, plus tard
ou trop tard. C’est selon. Il est des routes qui tournent, comme tournent les
roues, des virages ouverts vers le destin, des virages qui se referme sur la
dernière page de la vie. Parce qu’un être assassin, parce qu’une inconscience,
parce qu’on a oublié les règles, parce qu’à être trop supérieur on en devient très inférieur. Il est des
autoroutes qui somnolent, rectiligne ruban où l’on roule à l’envie, où l’on
roule à l’ennui, où l’on roule et puis…. Il est des incidents si banals, si
paradoxal entre leur nature et leurs conséquences, un peu comme le battement d’ailes
du papillon qui s’en vient éveiller la tempête au bout du monde, un peu comme
un peu trop usé ou mal gonflé qui rompt et transforme un banal poids-lourd en
un bélier dévastateur, un pilier redoutable qui passe en écartant les poids
plumes de sa route, emportant dans l’élan les trop frêles glissières,
traversant l’autre chaussée ou par absence de miracle, un véhicule roule, à cet
instant précis, être au mauvais endroit, au mauvais moment, un point perdu dans
l’espace en trois dimensions, un point de chute, dure chute en contre bas et
dure chute de ce mastodonte meurtrier sur une cage de mort. Par deux fois, deux
pertes, innocentes, non provocante, cueilli sur cette intersection de trois
axes, ce point devenu point de non-retour, juste parce qu’ils furent là, au
mauvais endroit, au mauvais moment. Par deux fois leurs meurtriers s’en sont
sortis. Par deux fois, le sang a coulé et la mort a fauché. Par deux fois. Répétition,
mais pour quel message ? Celui de vivre, de profiter de la vie, parce qu’être
prudent ne suffit plus, parce qu’il est tout plein de mauvais endroit et de mauvais
moments, chacun d’entre nous trouvera en sa mémoire ce souvenir, cette fois où
il s’en est fallu de peu, ce dépassement hasardeux qui se rabat juste avant qu’on
arrive, ce choc juste derrière soi. On frémit, on pâlit, on souffle puis on
oublie.
Il ne sert à rien de vivre dans la crainte, pas plus qu’il
ne sert de scruter l’horizon à chaque déplacement. Non, par contre, il sert de
se souvenir que notre vie est un souffle, une flamme de bougie, que nous ne
sommes pas à l’abri d’un grand courant d’air, de ceux qui vous font vaciller
avant de vous éteindre, alors mieux vaut étreindre qu’éteindre ou qu’être
éteint, mieux vaut parler, rire, voir et profiter de ses amis, de ses proches,
de ses connaissances plutôt que d’avoir froid dans le dos, d’avoir soudain le cœur
étreint qui ne sait plus quel sein taper. Il ne sert à rien de pleurer l’injustice,
d’attaquer les « si j’avais su » et autres bonnes intentions non
appliquées et désormais plus applicables, il ne sert à rien de vouloir tout
casser, non, ce qui est passé, est passé, bon comme mal, triste comme gai. C’est
aujourd’hui qu’est le vivant, le présent, ce cadeau de notre présent. Et même
si deux fois en si peu de temps c’est beaucoup, la vie appelle la vie, l’heure
est venue de se relever, de prendre conscience et de se rappeler des vivants, des
êtres perdus de vue parce qu’on n’a pas eu le temps, le temps de prendre le
temps pour eux parce qu’il est plus important de le prendre ce foutu temps pour
tant et tant d’autres choses, futiles, inutiles au fond. La colère est éteinte,
le vide, le repli nécessaire un temps, il est deux mondes, celui des vivants et
celui des ombres, et même si certains vivants vivent dans l’ombre, même si certaines
ombres passent voir les vivants, chaque monde a besoin de vivre à l’écart de l’autre,
c’est ainsi que va la vie. Détachons les rubans qui lient le soleil à l’ombre,
l’ombre à la lumière, laissons chacun vaquer à ses occupations, prenons juste
le temps de vivre parmi les vivants et de voir ses amis vivants.
« si l’aveugle conduit l’aveugle ils marchent vers
la chute » [L’Evangile de Thomas]
1 commentaire:
Ne peut comprendre que celui qui a perdu.
Ne peut savoir que celui qui a vécu.
Malheureusement....
Natacha.
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