Mémoire de caillou

Les chemins de nos vies se sont à moment donné rapprochés, au point de faire route commune pendant un bout de chemin. Agréable parcours s’il en fut, et bien plus même…. Court ? Long ? Tout reste relatif à l’échelle du temps comme à celle des hommes, celle des martiens étant de tout autre gabarit. Peu m’importe aujourd’hui la longueur du chemin, je sais et je mesure le parcours, non dans sa distance mais dans les richesses qui l’ont peuplé. Chemin faisant, c’est en cheminant qu’on a fait notre chemin, avançant sur le long ruban de la vie et du temps.

Vint un carrefour, terrible ou non, chacun est seul maitre de sa perception, bien moins que le percepteur tout de même, ne crois pas que j’ai perdu l’humour, ni le sens de l'humour, d'ailleurs, l'humour a-t-il un sens? Chacun est aussi maitre de sa direction, de sa vie, de sa direction de vie, et, à ce fameux carrefour, nous avons pris deux chemins différents, dont on ne sait s’ils se rejoindront plus loin sur le parcours. En tout cas, jusqu’à ce jour, ces chemins sont plutôt parallèles et nous permettent de nous faire coucou de temps en temps. Coucou furtif, car il arrive qu’en chemin on croise d’autres chemins qui s’unissent au sien, et dès lors, on se sent gêné de garder des liens qui sont plus anciens, comme si le présent ne pouvait contenir des liens passés, éloignés. Je ne suis pas homme à vouloir gêner, je ne suis pas trouble ni trouble fête, alors, lorsqu’on marche ainsi avec une gêne devenant aussi pénible qu’un caillou dans la chaussure, et bien on s’arrête, on se délasse et on délace sa chaussure, et on la secoue pour en évacuer ce scrupule, c’est ainsi que nos ancêtres latins appelaient ce petit caillou à grande gêne. Pas de soucis ni de peine à avoir, petit caillou se retrouvera largué loin de ses bases mais il refera surface et saura briller à nouveau sous les gouttes de pluie comme sous la rosée du matin, sous le soleil ardent des jours de beau, comme sous les rayons d’un soleil horizontal au cœur de l’hiver. N’aies crainte, remets ta chaussure et lace-là bien, tu verras comme le chemin se fera d’un pas léger qui donnera des idées au cœur, tu marcheras bien mieux le cœur léger.

C’est somme tout chose anodine d’évacuer la gêne car, comme chacun sait, là ou il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir ! C’est si bon de marcher sans caillou dans la chaussure, d’ailleurs, on porte même des guêtres pour éviter que ces cailloux se glissent par inadvertance dans la chaussure et vous fasse marcher de travers. Quand au petit caillou ainsi rejeté, il n’y a pas de raison de s’en faire, d’ailleurs, qui se soucie des petits cailloux, ni même des gros. Que sera donc demain ? Ce ne sont pas des cartes, ni même des boules de cristal qui peuvent le dire, rien n’est jamais écrit à l’avance, on est vivant, ici, aujourd’hui, demain sera un autre jour. Pierre qui roule n’amasse pas mousse, il faudra donc se poser un jour, et devenir moussu, tiens, c’est étrange, mais en provençal ça veut dire Monsieur ! La Provence et ses oliviers, les cigales et le mistral, les écritures magiques de messieurs Pagnol, Giono, ou encore Daudet, ont tant bercé mon enfance que mes pensées ces jours-ci voyagent en ces zones –là….. Une idée comme une autre, une page bien plus blanche que tellement d’endroit, une bouffée d’air nécessaire aussi, changer d’air, changer d’aire, pour changer d’ère. Demain sera donc un autre jour, je te souhaite les tiens plus brillant qu’aujourd’hui, avance longtemps encore, te voici libérée…..

Il faut savoir parfois lire entre les lignes, mais à trop lire entre les lignes, on en oublie les lignes et on se trompe de sens, comme si on avait franchi la ligne, plutôt que de la suivre….. La ligne ? L’été approche, le temps des maillots, le temps de s’y mettre à affiner sa ligne…. Alors, marchons, la marche est un bon sport, il suffit de vouloir la pratiquer, le cœur léger et la chaussure étanche….. Allez, en avant, marche ! Attention, ce n’est pas une course, posez bien votre pied, n’ayant crainte de fouler les sentiers, ils en ont tant vu ! Du bas de ma géologie, je vois passé vos pieds au pas plus ou moins lourds, promeneurs ou randonneurs, sac à dos plus ou moins chargés, les cailloux se tassent sur le chemin, poussière, nous sommes tous poussières et retournons à la poussière….. Longue et belle marche, ouvre donc l’armoire à souvenir et secoues-en bien les étagères, un bon coup d’aspirateur, voici place nette, ménage de printemps, il est encore temps, ménage utile, un ménage chasse un autre ménage, avant de se mettre en ménage…. Et toujours ces mots qui glissent et se posent, et toujours ces mots qui jonglent seuls ou à peine aidé d’une plume ferment tenue dans une main gauche, un cœur serré qui se fera léger, promis, mais le pincement est aussi bien réel…. On efface pas des pages d’histoire comme cela, surtout, ces pages-là. Doit-on se dire adieu ? Non, sûrement pas. D’abord parce que je ne suis pas sur que dieu n’existe pas, ensuite parce que je ne suis pas sur qu’il existe, et aussi parce que je ne suis pas sûr que nous ayons tous le même dieu, et puis et surtout, parce que cela voudrait dire qu’on souhaite se revoir, et ça, j’ai lu dans les absences de mots, dans toutes ces choses non écrites, que ce n’est pas du tout le cas. A quoi bon se voiler la face, cela va encore énerver notre gouvernement déjà bien à cours de substances calmantes, gardons têtes hautes, si nos chemins se croisent par les souhaits du hasard, la politesse que m’ont inculqué mes parents est ancrée bien au fond de moi, je saurai donc l’utiliser. Il n’y a pas de haine lorsqu’il n’y a plus d’amour, haïr est perte de temps et ancrage dans un passé défunt qui empêche de vivre un présent étincelant. « Va, je ne te hais point ! » écrivit le tragédien dont tous les lycéens se souviennent en cette période de bac approchant. Ma mémoire est vive, et tant que mon cœur l’alimentera du sang nourricier, je garderai cette phrase en moi, tout comme autant de soleil reçu sur ce joli bout de chemin….

D.

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