La pluie et le temps

Après un épisode froid et neigeux, voilà la pluie, le vent, la tempête… Une année qui démarre en fanfare, essaie de se démarquer de ses sœurs, nous montre l’éventail de ses charmes, en use sans nous abuser… Un début d’année plutôt sec, de belles journées plutôt chaudes, puis retour au froid, enfin la neige sur nos Pyrénées et, maintenant que l’envie d’aller visiter le bord de mer nous tenaille, la pluie, la grisaille, le vent dans des coups de colère tempétueux. Voilà bien la seule chose que l’homme ne maîtrise pas sur cette planète : le climat, et d’ailleurs, heureusement ! Il y aurait bien des polytechniciens énarques et ingénieurs multi récidivistes pour décider à notre place du temps qu’il faudrait qu’il fasse en tel ou tel coin du globe. Notez que pour trouver un coin sur une planète ronde, il faut rouler sa bosse ! Rouler ? Vous voyez bien que le mouvement est dans la rotondité ! A l’image de nos planètes, nettes ou pas nettes, c’est le cercle qui fait avancer. Comment avancerait-on sans son cercle d’ami, son cercle de connaissance ? Peut-on rouler avec une roue à plat ? Non ! Vous comprendrez bien que c’est là un plat, un morceau qui n’est plus rond, qui brise le cercle, qui dévie la trajectoire et empêche la bonne avancée, empêche tout simplement de tourner rond ! Encore une fois, le mouvement est dans la rotondité. CQFD. Du climat, au cercle ? Oui, pourquoi pas, tout est lié, ne parle t-on pas de la ronde des saisons ? Et là, en ce début d’année, je trouve que la ronde s’accélère, accélère le pas, fait défiler les saisons, les changements climatique dans une frénésie frénétique, sorte de féria climatique, passage en revue de tous les temps possibles et inimaginables dans une farandole impromptue.

Oui, je sais, vous allez dire, ce coup-ci, c’est bon, il déraille ! Et bien, non, en fin, pas plus qu’avant, enfin, je crois. D’abord, dérailler ne me plait pas, eut égard à ma passion des trains, je ne déraille que sur mon vélo, et encore, je commande le mouvement de ces délicieux engrenages qui, au gré des mes envies, allègent la force ressentie dans mes mollets, ou au contraire, durcissent le geste pour en puiser la quintessence de la puissance musculaire et me propulser à des vitesses insoupçonnées, surtout si le terrain veut bien décliner un peu et le vent me souffler dans le dos… Je ne suis pas un champion cycliste, ni un de ces accros de l’exploit en solitaire, source de réconfort moral et de crampes musculaires. Non, le vélo fut d’abord pour moi, un jeu, un instrument de jeu et de plaisir, une machine à dévorer l’espace, me faisant traverser en un rien de temps le jardin familial pour cueillir une de ces pêches jaunes et sucrées, au parfum de miel et de fleur, qui prenait une saveur intense lorsqu’elle constituait mon goûter de retour de l’école, lien direct sans intermédiaires entre l’arbre et mes lèvres… Déjà, en ce temps-là, je rêvais de voitures, tout au moins de karting à pédales, parfois à moteur, mais mon vélo, était le plus beau de mes trésors. Un vélo, deux roues, deux cercles, encore. Encore ? et oui, tournerais-je en rond ? Non, que nenni, l’esprit a mis en marche ses rouages, votre vision de mon cerveau déraillant a mis en mouvement d’autres engrenages, ceux de la mémoire, de l’enfance, des saveurs oubliées… Et oui, le pêcher est mort de sa belle mort, et puis, nous avions déménagé, et puis, les pêches ne sont plus ce qu’elles étaient. Elles ont perdu cette saveur d’autrefois, ce goût de pêche et de péché, la cueillette sauvage, ces parfums emplissant ma bouche, ce jus sucré coulant sur mes lèvres, ce noyau jeté dans le fossé de l’autre côté de la haie, un vol presque parfait puisque j’ignorais que du coin de la porte ma mère me regardait avec plaisir dévorer ces soleils en peaux, ces trésors de vitamines venus d’un temps ou les vitamines ne poussaient pas dans les cachets…

Voilà, ce que la pluie et la grisaille d’aujourd’hui apportent. Un texte en souvenirs, une madeleine de Proust en forme de pêche jaune et sucrée. Etrange mécanique que notre cerveau, n’est-ce pas ? Est-ce d’avoir parlé hier de ces souvenirs sucrés de l’enfance, roudoudous, coco boer, chamallow, fizz, guimauve et autres douceurs de notre enfance, pochette de petits gâteaux colorés que m’offraient mes grands-parents, d’un temps ou les colorants étaient encore alimentaires mon cher Watson, macarons roses, bleus, jaunes, agrémentés de perles de sucres jaunes comme des fleurs de mimosa… Je n’en ai pas retenu la saveur, mais la couleur, le lieu, l’appartement des mes grands-parents, et cela suffit à ma mémoire. Voilà. Hier nous avons parlé, entre autre ! Mais le reste est privé ! Non mais ! Oui, hier nous évoquions ces douceurs-là de l’enfance, aujourd’hui la pluie fait voguer mon esprit vers les pêches sucrées de ma jeunesse… Bizarre. Et si nous avions parlé du beau temps ? Allez savoir ! Mais bon, parler du temps, n’est qu’une façon de combler un vide dans une conversation ou bien d’introduire la discussion....
Alors, discutons !

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