Au gré des vents...

Lundi, retour aux bonnes habitudes : bouchons, travail, réunions… Rythme infernal et usant de ma vie professionnelle dans un environnement se dégradant de jour en jour. Le soleil joue à cache-cache avec la pluie, c’est vrai que nous sommes en mars déjà, voici les giboulées. Un peu d’eau, si peu d’eau. Ce week-end, gros contrat, et même, contrat majeur pour l’entreprise : l’armée américaine a consenti pour la première fois à acheter des avions européens. Bouffée d’air pour l’industrie, excellente chose en terme d’image publicitaire, et, à la clé, construction des avions sur le sol américain, ce qui veut dire, main d’œuvre américaine bien sûr, mais aussi des postes à pourvoir de l’autre côté de l’atlantique. Après la Chine, voilà une deuxième destination intéressante, pour changer d’air, tenter autre chose, ailleurs, dans un ailleurs moins familier et même pas familier du tout. Challenge intéressant pour relancer une carrière au ralenti, challenge intéressant pour se relancer aussi. Seul bémol, mon non attrait, pour ne pas dire dégoût, des Etats-Unis… Avantage par rapport à la Chine, j’en parle la langue, et la culture reste occidentale… Piste à creuser, piste à voir.

Soirée roller, comme toujours le lundi, histoire de bouger, évacuer, rencontrer, soirée évasion du monde cathodique peuplant habituellement mes soirées. Mars. Que le temps passe vite, déjà deux mois de passés en cette année 2008, déjà le printemps qui s’annonce de partout, des floraisons éclatantes, le jaune des mimosas et des forsythias contre le rose des prunus, les blanches narcisses contre les jaunes jonquilles, le vert profond de l’herbe tendre prête à subir sa première tonte. Des bourgeons éclos, des feuilles tendres, tout cela est bien en avance, et je crains la gelée meurtrière qui viendra anéantir tout cela. La fraîcheur du soir est là pour nous rappeler combien ces belles journées sont en décalage dans le calendrier.

Contemplation de la nature, observation des paysages, il me tarde le changement d’heure prochain qui me laissera du temps le soir, après le boulot, pour voir les progrès quotidiens de chaque être végétal de mon petit jardin. Que j’aime ces soirées ou l’on traîne dehors, observant, soignant, rajoutant un lien, une ficelle, arrosant, bref, enfin le temps de profiter de son extérieur. Le temps viendra alors aussi, de ressortir le vélo pour des promenades dans la fin du jour, le temps de bouger, de respirer, de profiter de la vie. Peu importe de dîner tard, l’essentiel est comme pour nos anciens, de profiter de la lumière diurne, de ne rentrer qu’à la nuit tombée pour manger et dormir. Autre cycle plus en phase avec dame nature, période que je préfère dans les deux alternances horaires auxquelles nous sommes abonnés depuis longtemps déjà.

Et puis, viendra le temps de profiter aussi de l’océan. Ranger les raquettes, peu utilisées d’ailleurs par manque de neige et de participants, partir respirer l’iode et les embruns salés sur ma plage oubliée. Là aussi, joies de la marche, du vélo, des rollers sur ces pistes goudronnées encore désertées, vie à contre courant du flot des vacanciers, profit maximal de ce calme avant l’affolement général. Randonnée ? Oui, peut-être, mais pas sûr. Je n’ai plus trop envie d’affronter ces groupes d’adultes plus difficile à gérer qu’une classe chahuteuse. Envie de recul, envie de calme. Parfois, j’envierai presque le calme d’une abbaye, retraite silencieuse loin du monde agité, loin des problèmes, des téléphones énervés et énervants, des bouchons, des réunions empilées. Débrancher la machine comme on débranche l’ordinateur, éteindre le téléphone, oublier les tracas un instant. Se ressourcer en redevant soi, ne plus être sollicité, ne plus être joignable. Et si comme l’oiseau, je pouvais partir si haut, planer porté par les vents, prendre de la hauteur sur ma petite vie, regarder s’agiter les fourmis laborieuses, ne vivre rien d’autre que le vent dans les plumes, ne plus penser à rien qu’à chercher les ascendants, ces courants chauds qui allège les ailes et me catapultent vers la stratosphère, me griser des descentes en piqué, loin des radars, photographes masqués, plonger vers ce sol connu qui prend une autre dimension. Vu d’en haut, la vie est si belle, les problèmes restent bien ancrés au sol, le corps et l’âme vont tutoyer les nuages, nettoyer les neurones, s’échappent du présent, du passé, volent sans planifier le futur. Vu d’en haut, je suis bien. N’aillez crainte, je ne plane pas à coup de chimie ou d’herbe miraculeuse, je plane et je vole par l’esprit, mon esprit accroché aux plumes du rapace là-haut. Je fuis mon quotidien, quoi de mieux que cette bouffée d’air, que ce stage en altitude pour comprendre la fourmi que nous sommes sur ce caillou étrange nommé Terre ? Je vole et je vogue au gré des courants, je ne papillonne pas, je respire, je me laisser porter par les courants, je ne fuis pas, ma pincée de terre reste une cible minuscule au dessus de laquelle je tournoie. Parfois, d’un coup d’aile, je me prends à survoler mon pays, ma maison natale, mes écoles, mes rues ou j’allais enfant. Parfois, je pousse jusqu’aux cimes enneigées de mes belles montagnes, je regarde les glaciers s’éteindre inexorablement, je reconnais ici ou là, ces pistes tant empruntées à pied ou en raquettes, parfois en VTT. L’océan est à tire d’aile, j’y pars, je joue au ras des dunes, je plonge vers les pins, petit crochet par le port, remonté de la côte, visite amicale à l’estacade, survol du pays basque dont je reconnais chaque village, chaque fronton… C’est si bon d’être oiseau, si puissant à vivre, si réconfortant d’être là haut, au-dessus de tout.

Allez, il est l’heure, je rentre au bercail. Survol de ces beaux paysages du Gers, vallonnement doux et presque sensuel, couleur de la pierre, couleur de la terre, blondeur des blés, diamant bleu des lacs… Un petit tour au-dessus de ma ville, de ses ruelles étroites dans lesquelles se pressent les fourmis terrestres. Place du capitole, zodiaque brillant sous les rayons de l’astre bienfaiteur. Façade connue et reconnue, jardins en séries, trésors cachées à destination de ceux qui veulent bien les découvrir. Trésors ? Quels sont les véritables trésors de notre vie ? Quel est donc le trésor qui mérite qu’on se batte pour lui ? L’homme passe toujours à côté sans le voir, la quête nourrie l’espoir, et quand vient le soir de sa vie, on réalise à peine, avec effroi, que durant toute sa vie, on a cherché un graal imbécile et inexistant, oubliant que le trésor, le vrai, le seul, était là, tout prés, chaque jour dans nos pas, chaque pas à nos côtés, chaque côté brillant plus que le plus beau des diamants. Pourquoi seule la fin de notre vie nous rend lucide ? Pourquoi ne pas avoir compris, pourquoi refuser de comprendre qu’avoir n’est pas être, qu’être n’est pas dans l’avoir, qu’avoir plus que tout avoir, avoir un être, près de soi, est la plus belle des choses qui soit. Rien à voir avec les avoirs, savoir cela, savoir que sans avoir la vie peut-être belle, bien plus belle qu’on ne croit.


Encore un bruissement d’aile, encore un envol, encore un coin de ciel à visiter, un regard circulaire sur ma ville, sur ma vie, encore un œil, inquisiteur, visiteur, admiratif, ébahi de ces scènes de vies. Encore voler, survoler, dévoiler, encore plonger, s’abrutir de vitesse, vertige des sens, repartir là haut, planer en se laissant porter par les courants chauds qui me ramènent chez moi. Grisé d’oxygène, de piqués, de vitesse, je m’en irais alors, reposer mes ailes, réchauffer mon corps dans mon antre familier, ma tanière secrète et solitaire. Le temps de souffler, le temps de récupérer, retrouver la terre ferme, avant de repartir vers d’autres vols, d’autres aventures… Au gré des vents…

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