Dimanche soir sur la terre...

Aujourd’hui, c’est la fête des grands-mères. Je hais ces fêtes commerciales, Saint-Valentin compris, bonheur des publicitaires, parfumeurs et autres fleuristes. Néanmoins, aujourd’hui, cette fête a une saveur particulière et je pense inévitablement à celle qui nous a quitté, et qui aurait fêté son anniversaire la semaine prochaine. Je pense à elle, à ma mère inévitablement qui est grand-mère, je pense à tout ceux qui ont encore la chance d’avoir leurs grands-parents. Profitez-en bien, allez les voir, prenez des nouvelles, pensez-y même dans vos heures les plus sombres, car c’est un réconfort d’avoir encore en vie ce lien fragile de notre généalogie. Moi qui suit devenu il y a peu orphelin de mes grands-parents, je mesure un peu plus la puissance de ce lien familial. Hélas, il est trop tard, à part se souvenir, en parler, y penser. Ce week-end, mon neveu est venu chez moi. Il est encore difficile d’aborder le sujet avec lui, il s’y refuse et je ne le force pas. Lui a perdu une belle complice. Week-end éprouvant, difficile, ou rien n’est épargné, ou tout se complique à chaque travers, chaque incompréhension. Week-end ou on a envie de tout larguer, de détacher les amarres et de voguer à jamais sur les mers de l’éternité.

Week-end jardinage plutôt que mécanique, il y a des choses qui pressent plus que d’autres, et même encore plus désormais... Il faut profiter des beaux jours, tailler, broyer, ranger, ordonner. Seule pause, une pause cinéma, à la demande de mon complice. « Bienvenu chez les ch’ti » nous a apporté sa bouffée de fraîcheur et de bonne humeur dans la morosité d’un dimanche. Franche rigolade, un bon film comme on aimerait en voir plus souvent. Et puis, retour au jardin, retour aux outils, jusqu’à cette fin d’après-midi, ou sa mère est venue le récupérer, cette fin de journée qui sonne le glas du week-end et la cloche du boulot…

De nouveau la solitude entre ces quatre murs, de nouveau la présence d’un vide et le vide d’une présence. Pas de vieux os ce soir, sommeil chimique en vue, besoin de rattraper la nuit blanche d’hier. Pas encore guéri, moi qui me pensais en bonne voie, moi qui gouttais aux joies de la bonne humeur retrouvée, plein d’objectifs en tête, me voilà cueilli à froid, fauché en plein vol dans cet espace intersidéral que décidément je hais. Belle fin de journée, qui ne semble pas annoncer le mauvais temps affiché hier à la télévision, mais bon, nous ne sommes qu’en mars ! Mars, vous avez dit mars ? Un moi comme une planète, celle d’où je viens, celle ou je ferais mieux de repartir à jamais, tellement je ne comprends plus rien au fonctionnement de cette Terre et de ses habitants. Téléportation imminente, retour à l’envoyeur. Fuir cette vie terrienne qui n’est de toute évidence pas faite pour moi.

Retour chez les petits hommes, là d’où je viens, vert ou pas vert, nul ne cherche la grandeur, simplement vivre, en toute quiétude, dans le respect et la compréhension, sans jugement sur des actes manqués, sur des choses non réalisés, sur des projets non définis. Ma planète mère. Comme j’aimerais tout fuir, tout éteindre, partir et dériver à jamais, sortir d’une spirale ou les anneaux cassent sous mes pas sûrement trop lourds. Je n’ai pas la grâce ni la légèreté qui sied à certain, je n’ai pas la prestance, la présence que certains savent avoir. Je donne l’impression de moisir volontiers dans ma situation, de ne rien vouloir changer à ma petite vie. Soit. D’autres savent être présent, à tout heure du jour ou de la nuit, en dépit de leur couple, liens virtuels et troublant, liens présents et bien présents ignorant des présences bien réelles mais qui sommes toutes doivent être bien futiles. Sentiment d’abandon, d’exclusion, sentiment difficile à vivre, sentiment de rejet, d’un rejet à jamais.

Oublier et avancer. Facile à dire. Pas facile à vivre, à faire. Encore un coup, un de plus en ce début d’année, une année dans laquelle j’espérais le bonheur. Disparaître. Retourner dans le cocon, attendre le printemps, le vrai, celui qui sera réchauffer le cœur et donner envie de battre des ailes. Dormir en attendant, à coup de ces jolies pilules bleues, blanches, de toute forme, jouant les assommoirs, jouant à déconnecter les fils de ce cerveau usé. Dormir, non pas à jamais, idée facile et stupide, non dormir pour essayer de retrouver la sérénité, de repartir, pour cette fois ne plus jamais s’arrêter, retrouver la vie, simple, non pas exceptionnelle, je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel, loin de là, non la vie, ces petits plaisirs, ces joies simples, qui font qu’on est comptant d’être en vie. Un matelas par terre, deux ou trois coussins suffisent à écouter la musique de deux cœurs. A quoi sert l’abondance de bien à part à encombrer l’esprit et les volumes. Revenir à l’essentiel de la vie, au sel et à l’eau, car la richesse est dans le partage et non dans le garde-manger plein.

Vivre. Partager. Aimer. Que demander de plus à l’existence ? Accumuler, garnir ses placards, entasser… à quoi bon ? J’ai fais ces erreurs. J’ai acheté, rempli ma cave de bouteilles. A quoi bon, si ce n’est pas pour en déboucher une avec des amis ? Les amis sont pris par leurs vies, ma cave regorge de flacons empoussiérés. Ma vie défile sans occasion de partager ces achats qui hier encore me rendait fier. Parfois, j’envie l’humble demeure du berger, un lit, une table, deux tabourets, l’essentiel du foyer. Une grande maison vide, bien ou mal agencée, rien n’y change. Ce n’est pas le graphisme du plan qui rend la maison confortable, c’est la vie qu’on y installe à l’intérieur. Ma maison tient plus du tombeau que de la chaumière, sauf, l’espace de quelques week-ends partagés. Parfois, je pense à ce film que j’aime bien, « la maison assassinée ». Histoire d’un retour dans le pays natal, histoire d’une tragédie dont les murs renferment les cris, histoire d’un homme qui assassine sa maison, pour qu’elle ne porte plus le mal dont elle est hantée. Parfois je rêve de démolir mes murs, non qu’ils soient hantés ou maudits, non, simplement pour respirer le grand air, ne garder que deux pièces, et réapprendre à vivre, réussir un jour enfin à être heureux. A deux. Est-ce trop demander au ciel ? Quelle abomination ai-je connu dans mes vies précédentes pour sembler ainsi maudit ?

J’ai vécu au contact des enfants. J’ai été moniteur de colonies, j’ai toujours eu un contact facile avec eux dont le sixième sens n'est pas encore enfoui. J’ai toujours rêvé de fonder ma propre famille. Le compteur à tourner sans daigner honorer ce souhait. Je me rattrape comme je peux avec mon neveu. Complicité, partage, échange, relation pleine et intense, et ça, j’en remercie le ciel, même si ce n’est pas mon sang direct, c’est tout de même ma famille. Je n’en profite pas tous les jours, à part les vacances ou quelques week-ends comme là. La vie prend parfois des tournures étranges. Des choix se font, dont on ne sait que bien plus tard s’ils furent bons ou mauvais. Un déroulement ou beaucoup de choses tiennent du hasard, déroutante facilité lorsque tout s’enchaîne bien, parcours semé d’embûches lorsque tout va mal. Et pour ponctuer le tout, un compteur qui déroule, accélère parfois le temps qu’on voudrait bien ralentir, un compteur qui un jour sonne l’heure du bilan, mesure le chemin parcouru et montre les écarts irrattrapables sur nos objectifs initiaux.

Pensées sombres, c’est vrai, mais pas noires. Pas de quoi attenter à ma vie, comme j’ai pu l’avoir en tête à un certain moment. A quoi bon faire de la peine à certain, du plaisir à d’autre ? Ne jamais oublier que si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie, ne pas oublier que le volant de notre vie est entre nos mains, et que si certains choix semblent difficiles ou douloureux, c’est à nous de les faire, pas aux autres. Les conseillers ne sont pas les payeurs dit-on. La virtualité a ses limites. Il faut savoir en sortir, d’un côté comme de l’autre. Savoir ou vont nos priorités, vers telle ou telle personne, vers tel ou tel numéro. Le plus important, est de dire ce que l’on pense, tel qu’on le pense, et surtout, ne jamais dire des choses qu’on ne pense pas et qu’on regrette. Les mots ne sont que le prolongement de l’esprit. Il n’y a pas de mots sans une pensée derrière. Blesser est facile. Construire est plus dur. Le pardon n’est pas une gomme à tout effacer. Certaines blessures restent marquées, prête à saigner au moindre contact. Quelles que soient les épreuves de ma vie, les moments bons ou plus difficile, j’ai toujours agi en toute franchise, car, pour moi, c’est là le respect, le seul chemin véritable, le discours sans perte de temps. A quoi bon mentir et se mentir ? A quoi bon dissimuler ? A quoi bon esquiver ? La vie est un combat qu’on mène chaque instant. Il faut savoir mettre les bonnes armes dans nos mains. Franchise, respect, loyauté, c’est ma façon d’être. Il est dommage que cela se perde. Il est plus facile d’œuvrer en virtuel que d’exister en réel. A chacun sa vie, ses choix, ses manières. Gagnons du temps, soyons francs et évitons les sinuosités du chemin. On a tous à y gagner !

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