Le parfum enivrant des forêts

Le parfum enivrant des forêts, voilà ce qu’il était venu chercher. Une longue balade à travers bois, dans ces bois si familiers pour les avoir parcouru souvent durant l’enfance, ce n’e pouvait être que plaisir. Une sorte de retour aux sources tant les sources ici étaient nombreuses, une découverte en même temps par le regard neuf de l’adulte, celui qui a grandi, celui qui a appris, les leçons de choses comme les leçons de la vie. Désormais, le regard se pose différemment sur le paysage. Il y a le regard de l’enfant qui cherche à retrouver les plis du terrains, la forme caractéristique d’un arbre, le petit ruisseau s’écoulant entre les pierres moussues, il y a le regard qui cherche à reconnaitre la plante à la forme de ses feuilles, à sa fleur ou à ses fruits, il y a le regard qui cherche à lire les courbes de niveaux, les talwegs et les croupes, les cols, le village, les repères du terrains. Les expériences de la vie se lient pour donner un nouveau regard sur les choses les plus anciennes, c’est là une des magies de la vie. Comment ne pas se sentir plus léger devant pareille simplicité ? Nous seuls sommes les artisans de nos vies, de nos progrès, de nos destinés. Il ne sert à rien de chercher dans un autre les raisons de nos insuccès, il est bien plus porteur de se servir des insuccès pour bâtir nos victoires futures. Et comme souvent, les choses les plus simples sont celles que l’on voit en dernier. La nature est là, comme notre mère à tous, pour veiller sur nous et savoir nous indiquer la marche à suivre, le sentier à prendre, pour nous émerveiller et nous consoler, pour nous instruire et nous apprendre, il suffit juste de le vouloir.


Le parfum enivrant des forêts, voilà ce qu’il était venu chercher. Le crissement des pas sur l’épais tapis de feuilles lui était familier. L’odeur particulière des fougères, l’humidité de l’air autour du ruisseau, c’étaient mille tiroirs à souvenirs qui s’ouvraient d’un seul coup. Bien sûr, il y avait eu des changements, le vieil arbre tordu était visiblement tombé, le ruisseau que plus personne n’entretenait ne pleurait plus que quelques gouttes en ce début de printemps, même la sente d’entrée dans le bois n’était plus aussi évidente, la faute aux nouvelles clôtures, aux parcages, à une époque révolue et une époque différente. Les seuls repères fiables étaient bel et bien les bases de ces anciens cours de cartographie : le relief du terrain. Il se rappelait les mots de son instructeur d’alors : « ne vous fiez jamais aux repères humains pour vous orienter, les cartes ne sont fiables que par la représentation du terrain et de ses reliefs »…. Il en sourit en posant ces mots savants sur ses mots d’enfants, le creux du ruisseau devenait ainsi un talweg mais à vrai dire, ce n’était plus la même poésie sans que cela gêne en quelque chose le ruisseau de couler. Ces bois, il les connaissait comme sa poche, tant de balades, de courses d’abord enfant avec ses parents, cherchant les champignons, trouvant parfois des traces animales, plus rarement un bois de cerf, puis, plus tard, en solitaire, traversant ces forêts pour rejoindre le sommet, imaginant ses premières randonnées dont la seule mesure s’appelait plaisir. Le plaisir d’être là, se sentir ces parfums, de ressentir ses émotions. Un terrain de jeu sans limite dont il connaissait les codes mais où pourtant il lui arrivait encore de trouver ici des pierres dressées formant les limites d’u ancien jardin, là les murs encore debout d’une ancienne habitation dont il allait cherchait les explications auprès des anciens du village, ceux qui l’avait vu grandir ici durant quelques week-ends, durant les vacances. Un gamin tantôt à vélo, tantôt à pied, venant chercher le lait à la ferme, ou bien participer aux fenaisons, curieux de comprendre, de savoir, d’apprendre. On ne sait rien lorsqu’on n’est pas curieux.


Le parfum enivrant des forêts, voilà ce qu’il était venu chercher. En y retrouvant ses marques, il se souvint avec émotion d’une grande discussion avec son père lors d’une partie de champignons. Son père voulait prendre dans une direction, lui refusait parce qu’elle menait dans une autre vallée, ces bois étaient piégeurs pour qui ne prenait pas garde à suivre les évolutions des reliefs tout en courbe : vous montez, certes, mais vous partez à l’opposé de votre point d’entrée. Très vite, la marche, le VTT lui avait appris à lire les points de repères du terrain : ici le gros chêne, là le frêne fourchue, ici la grosse pierre venue d’on ne sait où, la grange oubliée…. Le ton était monté, il avait cédé mais lorsqu’arrivés à la lisière du bois son père avait réalisé qu’ils n’étaient pas là où il croyait, lui avait savouré la victoire de l’enfance sur l’adulte. Une expérience aussi qui l’avait renforcé dans l’envie de savoir décoder très vite ces plis de terrains tout en sachant les retrouver dans les plis des cartes géographiques.



Le parfum enivrant des forêts, voilà ce qu’il était venu chercher mais plus que ce parfum, c’était aussi et surtout le parfum de l’enfance, et peut-être même bien plus, le parfum des repères…. Lorsqu’on se perd, lorsqu’on s’estime perdu, la seule chose rassurante dans la vie, c’est de pouvoir se rééquilibrer, se positionner par rapport à des repères connus. Oui, c’est cela au fond qu’il était venu chercher ici et même si les émotions sont parfois humides, elles ont toujours ce parfum de miel, cette douceur et la couleur de bien des bonheurs. Comment dès lors résister à cet appel de la forêt ? Comment ne pas succomber à ces parfums frais par ce jour de soleil ? Il est bon de venir se blottir dans les bras de mère nature, et puis, au fond, c’est tellement naturel…..


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