Espérance

Et comme après chaque plage, chaque absence, chaque vacance, voici venu le temps de la rentrée, la reprise, le retour aux affaires selon le cycle naturel de nos vies si bien synchronisées. A trop être synchronisé, on a parfois tendance à marcher dans les traces d’un passé, à franchir les mêmes seuils, à poser les pas dans les empreintes d’hier, pourtant, rien n’est jamais pareil et c’est tant mieux, pourtant, rien n’est jamais à rejouer, ni le bon, ni le moins bon, surtout pas le moins bon. On prend des coups, on encaisse, on se cabosse, mais on roule sa bosse, chacun parcourt son petit bonhomme de chemin, selon son rythme, selon ses fois, selon ses croyances, l’ivresse ne nait pas dans la paresse mais plutôt dans les flots d'énergies que nécessite la vie. Vivre n’est pas un acte manqué ni un acte anodin, non, vivre est un emploi à temps plein, c’est courir à perdre haleine, c’est respirer à pleins poumons, c’est tomber sans résistance dans les bras d’un Morphée de passage, c’est aussi s’asseoir et contempler les paysages qu’il nous semble connaitre depuis si longtemps et y trouver de nouvelles formes, de nouvelles couleurs au point d’y puiser l’envie, l’envie de vivre, l’envie d’aimer vivre.


L’avantage du calendrier cyclique et cylindrique c’est de revenir mettre des débuts et des fins se superposant sans fin jusqu’au fin fond des âges. Chaque jour naissent ou meurent des tas de gens, chaque jour naissent et meurent des tas d’histoires, d’amours, de désamours, chaque jour est unique pour une multitude de gens et pourtant chaque jour est unique. Ici, celui-ci sourit, là, celui-là pleure. Même date, même temps, même phase du temps mais pourtant ce ne sera pas la même phrase pour décrire ce temps. Il n’y a ni magie, ni piège, juste des vies qui se croisent, s’entrechoquent, se mélangent, échangent, partagent puis disparaissent de là pour renaitre ici. Et comme le rouleau du temps s’en vient égrener la même note quelques trois cent soixante-cinq ou six jours plus tard, on pense et repense aux temps d’avant, à certains temps, parfois avec tristesse, parfois avec douceur, parce que peut-être on a compris de tout cela notre essentiel. On ne pleure que devant notre désarroi, notre manque à assumer notre pleine place devant ce chemin qui s’ouvre. Celui qui s’en va ne s’en va pas, il évolue, il se transforme en esprit, en pensée, seul le corps physique échappe aux regards si ce n’est quelques portraits, quelques photos, quelques films… L’avantage de relire les dates d’hier, c’est de les voir s’enchainer très différemment, d’y apporter sa couleur, de les vivre pleinement, autrement.


Parmi toutes les rentrées, les retours, celle-ci reste la plus singulière, elle marque le renouveau, l’an neuf que chacun se croit bon de souhaiter « bon et avec une bonne santé surtout » dans un ton si courtois que l’hypocrisie pourrait si l’on n’y prenait garde venir y planter sa corne, d’abondance bien sûr…. Le monde est devenu si sibyllin qu’on souhaiterait parfois ne revenir au front qu’en début février, il y aurait là presque de quoi envier les ours et leurs hibernantes périodes…. Enfin, que voulez-vous, à coup de « bonne année », d’embrassade, de tape amicale sur l’épaule et de « bonne santé » ce jour de reprise est un jour de fraternité, n’y boudons pas notre bonheur d’avoir au moins un jour des collègues chaleureux….même si on leur préfère des chats heureux…. Sourire et pensée pour le maitre Georges, lui qui a su si bien vanté l’amour des félins et les si feintes relations humaines. Semblant de trêve dans les piques anodines et anonymes des joutes professionnelles et relationnelles, tout passe, tout lasse, rien n’agace, le temps s’enfuit sans fin, le temps enfoui ce jour en un futur hier, l’être reste, là est l’essentiel. Qui que tu sois, sois, parce que personne d’autre ne peut être toi, ce n’est pas une chance, c’est une évidence, un trésor, ton trésor. Ose. Ose être toi, sois. Aujourd’hui puis demain et chaque jour qui viendra, parce que ton assurance naitra dans l’assurance que tu mettras à être toi, l’assurance nait de l’assurance, tout comme demain nait d’aujourd’hui.


Je n’ai rien d’autre à te dire, parce que la vie ne s’apprend pas, la vie se vit. Point à la ligne. S’il suffisait de lire un destin pour s’en construire à dessein, que notre monde serait triste… Non, œuvre, sois, dessine, crée, tente, ose, deviens, affirme-toi, c’est ici que commence ton année, c’est d’ici que je te verrai grandir, vivre et t’épanouir mais sache surtout que je me réjouis déjà de ce chemin-là. Et si tu ne me vois pas ou plus, garde le regard bien droit sur ton horizon, pense à tes premiers tours de roues en vélo une fois ôtée ces petites roues, pense à ce moment où tu t’es élancé vers ta vie d’équilibriste à deux roues sans jamais te retourner sur la main rassurante qui venait de te lâcher. Cette main, c’est une poignée d’amour, un prolongement du cœur en cinq doigts, une impulsion sous une selle pour s’effacer de là et venir essuyer une larme de fierté naissante à la commissure d’un regard soudain embué. Il n’est jamais facile de voir s’envoler ses petits, il est surtout très attendrissant de voir la vie grandir bien au-delà de nos propres espérances…





        

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