censure, sang sûr

L’art de la censure est-il en train de renaitre de ses cendres républicaines ? On pourrait se le demander à la vue des récentes actualités… La quatrième République, la cinquième balbutiante reviendraient-elles hanter une cinquième que d’aucuns croient voir moribonde ? Bien au-delà des faits et de leurs fonds qui nécessiteraient matières et connaissance parfaite du sujet pour être disséqués et pesés, il suffit de parcourir la presse et ses blogosphères habituelles pour voir combien de spécialistes de cela existent et sont capables de vous presser une guillotine en deux temps trois mouvements, une main attachée dans le dos. Non, plus loin de tout cela, il reste l’acte de censure, l’expression d’un pouvoir dans sa forme la plus directe, l’interdit.

Il y a de quoi interdire et être interdit.

L’évolution de notre monde et l’évolution de nos Républiques ressemblent à deux courbes qui se superposent, se chevauchent, s’entrecroisent, s’inversent, une valse hésitante entre amours et désamours, ponctuée de marche sur les pieds. Il fut un temps où le chansonnier trop prude dans son texte se trouvait interdit d’antenne, il est un temps où insulter un officier de loi n’est que monnaie courante quand ce ne sont pas des parebrises de pompiers qui se retrouver caillassés. Il fut un temps où un film pouvait se permettre des dialogues dont le comique grinçant renvoyait sur des jeux de couleurs et dont aujourd’hui les mêmes accents répondent en propos racistes ou autres homophobies. Au fond, on est toujours né au mauvais moment… Durant ces dernières décennies, la liberté d’expression a trouvé son grand « L » avec un appétit sans cesse grandissant, avec de plus en plus d’orateurs, chanteurs, comiques, artistes en tout genre au point que pour se rassasier ils en ont multiplié les genres, sortant d’un cadre qu’on pourrait qualifier de bon goût, gravissant les pentes des sujets tabous, flirtant avec les parties les plus grinçantes d’un humour au point d’être caustique et décapant, mais à trop décaper, voilà que les sensibilités se retrouvent à nu et qu’ils faillent décamper de ces pentes bien trop savonneuses. Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas avec tout le monde… Le mot est célèbre, sa compréhension et son acceptation demeure une chose individuelle et très personnelle.


De plus loin encore, ce ne sont pas tant les interdits qui dérangent mais le fait de devoir les demander, la succession de débats, de plaintes et de querelles judicaires qui finissent par traduire le malaise d’une société, sans oublier les soldats prêts à prendre les armes pour défendre telle ou telle position, dans la plus absurde des guerres de tranchée qui soient. Au fond, le plus dérangeant c’est ce miroir sur notre société, ce besoin d’existence qui fait qu’il faille chercher un thème bien sensible pour y planter l’ancre et de là, verser le fiel en le couvrant de miel tout en se délectant des réactions épidermiques et allergiques que cela provoque, cela ne se nomme point « urticaire » madame, mais « faire le buzzz »… Exister et briller par le buzz, c’est « Buzz l’éclair » en sauveur de sa propre existence. Il y a ceux qui piquent, ceux qui provoquent, ceux qui tirent à la Kalachnikov, ceux qui tuent et ceux qui idéalisent des idéologies aux couleurs rouge sang. De préférence le sang des autres, il y a tant de maladies transmissibles de nos jours… Ecœurement, ras le bol et mal aise de cette société pleine de malaises. Ce qu’il y a aussi de dérangeant, c’est qu’un pouvoir prenant position de censure prive son peuple de son devoir personnel de censure. Chaque individu possède la faculté d’écouter ou non, d’ouvrir ou non le son de son poste, d’aller ou non à un concert, de changer de chaine ou non lorsqu’un un titre ne lui convenant pas passe à l’écran. Sommes-nous si moutons qu’il nous faille à ce point un berger pour mener notre troupeau ? Et, dans ce cas-là, comment pourrions-nous contrôler le cours de notre existence si de meneurs nous ne sommes que menées ?  Bien sûr il y a des limites, et les limites s’instruisent et s’expliquent, elles sont utiles à la perception et à l’éducation de chacun. Les dissimuler sous manteau d’interdits interdit de les voir, les comprendre et les mesurer par soi-même et selon son échelle personnelle. C’est peut-être là un danger bien plus grand. L’enfant qui se brule les doits avec une allumette ne remettra plus sa main au feu, celui à qui on raconte le pouvoir brulant du feu ne voudra que plus encore le tester… Faut-il crier au feu ?


  

Aucun commentaire: