Il est parti. Sans rien dire, sans se retourner, ni larme,
ni adieu, ni sourire, ni chant. Du moins, comment le saurait-on puisqu’il ne
s’est pas retourné ? D’ailleurs, s’il s’était retourné, son chemin
l’aurait conduit ici et en quelque sorte, il ne serait pas parti, mais non, il
ne s’est pas retourné. Il a marché droit, ou presque. Faut dire qu’il y avait
du vent, faut dire qu’il y avait un mur et il faut bien reconnaitre que ce
mur-là, il ne l’a pas escaladé, non, il l’a simplement contourné, sans se retourner.
Ça peut paraitre con, mais essayez donc un peu pour voir de contourner un
obstacle en vous retournant, c’est à coup sûr le choc, la rencontre fortuite
entre un objet trop dur et votre corps trop prompt à vouloir absorber l’autre.
Non, n’est pas sopalin qui veut, ça serait la porte ouverte à tout essuyer, pas
même d’un revers de la main. Ses mains ? La dernière fois que je les vis,
elles semblaient encore prolonger ses bras, dire si elles tremblaient, si elles
pleuraient, serait présumer d’une quelconque forme d’émotions que d’aucun
prendrait pour une maladive complainte, ou pire, d’autres suggéreraient
opportuns d’accuser Parkinson. Il a contourné le mur sans se retourner et a
filé. A l’anglaise ? Non, je ne pense pas que l’Angleterre soit si proche,
du moins, pas ici, pas de l’autre côté du mur. Non, il est parti, hors de nos
regards, sans savoir si ce sont nos regards qui ne le voient plus ou bien si
c’est lui qui les a quittés.
Il est parti sans bruit, une démarche qui n’avait rien
d’extraordinaire, ni d’exceptionnel, ni qui ne pouvait traduire qu’ainsi il
partait. Il est parti à jamais, enfin, nous n’en savons rien, s’il est parti à
Jamay ou à Llieures, quand à savoir s’il est parti à jamais, il faudra bien que
vous patientez jusqu’à la fin de jamais pour savoir s’il s’en est revenu ou
bien tout simplement s’il est revenu. La patience est une qualité et une fée
qui porte souvent en elle bien des réponses. Il est parti, et s’il ne s’est pas
retourné, peut-être était-ce parce que ce départ n’était pas un départ, ou
bien, peut-être était-il triste et ne voulait pas le montrer, ou bien il était
fou de joie et ne voulait pas le montrer, en somme, il cachait bien son jeu.
C’est étrange d’être fou de joie, ou bien mort de peur, triste à en mourir, de pleurer de désespoir
ou de rire, et si les ires sont devenues colères, il n’empêche qu’elles
irritent tout autant, tout autant d’ailleurs que ce comportement ! Comment
peut-on agir ainsi ? Comment peut-on partir comme cela ? Sans un mot,
sans un geste, sans se retourner ?
Il est parti sans voix, encore qu’en y réfléchissant bien,
rien ne le prouve, après tout, ce n’est pas parce qu’on ne dit rien que l’on
reste sans voix. On peut bien dire que les grandes douleurs sont muettes, mais
reconnaissez tout de même qu’un opéra, une opérette, un concert de musique dite
de chambre bien que jouée en spectacle se déroule dans un silence respectueux quand bien même les accents en sont
joyeux ! Doit-on conclure que le spectateur souffre en silence ?
Certes, parfois pour assister au spectacle, il faut régler la douloureuse, mais
après, il s’en vient ici de son plein gré, non ? C’est vrai qu’eux
viennent et lui s’en va, sans parler, sans gémir, muet sans qu’on sache si
c’est la Traviata qui lui traverse la tête ou bien encore un si puissant
Lacryma. D’ailleurs, a-t-il jamais
parlé ? A-t-on seulement prêté attention au son de sa voix ? Qui
était-il ? D’où venait-il ? Pourquoi s’en va-t-il et d’ailleurs, s’en
va-t-il vraiment ? Tellement de questions sans réponses, tellement d’étonnement
dans un simple fait d’une quelconque actualité.
Ah ! Si seulement on savait….
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