Quelques mots encore avant
un clap de fin, quelques mots qui sonnent personnels, et tant pis si les rires
s’envolent vers d’autres pays, tant pis si les lectures ne sont pas plaisantes,
il existe toujours quelque part, un bouton « marche-arrêt », une
touche « ESC » une croix sur laquelle cliquer, bref, un choix, celui
de poursuivre ou non, celui d’être ici ou plus, à chacun son plein gré, quel
que soit le sens, lire ici ou ailleurs, lire, vivre, aimer, respecter…
ETRE.
ETRE.
« Cette nuit, j’ai
rêvé que maman était morte, mon cœur était gros, si gros qu’il devait comprimer
mes poumons et les empêchait de prendre l’air car j’étouffais, mes yeux ne
pouvaient s’ouvrir pleinement, se nourrir de lumière, ils étaient tout mouillés
et ne cessaient pourtant de se gorger d’eau. Parfois il est des rêves dont on
voudrait qu’ils s’évanouissent de disparaissent avant l’éveil et la conscience
revenue. Matin lourd, rêve plein de sens, mais un rêve non prémonitoire, sinon
qu’il soit arrivé trop tard. Maman est partie, laissant toutes ses affaires,
son petit monde, c’est étrange, elle n’a pas pris son sac à main, ni son
téléphone, objet de bien des complications et d’explications répétées mais dont
elle savait tout de même se servir pour crier sa joie d’avoir vaincu se
terrible défi de gravir la dune qui sépare la terre des hommes des vagues de l’océan,
un sable lourd et profond, une pente prononcée, des pas très durs lorsqu’on n’a
plus qu’un bout de poumon qui se déchire inexorablement sous les morsures d’un
malin mésothéliome…. Ce cri de joie, ce cri à la vie, cette victoire à ce défi,
résonnent encore dans l’oreille et la tête d’un petit garçon à jamais orphelin.
Bien sûr tout va toujours trop vite, bien sûr, on espère garder éternellement
les êtres chers à nos cœurs, qui plus est lorsqu’ils nous ont donné la vie, qui
plus est lorsque l’âge adulte a mis la distance qui permet de comprendre tant
de choses non comprises dans l’enfance, de mesurer combien de sacrifices faits
avec tant d’amour sont restés dans l’ombre des yeux d’enfants.
Ce matin est dur, car il
est la soupape d’un trop plein trop cuit trop sous pression d’un début d’année
né dans la douleur d’une fin d’année dont la lumière ne s’est pas éteinte
seule. Ni fêtes, ni temps, ni temps de fêtes, ni dates, juste des sourires, des
espoirs, des sorties sans cesse repoussées, des abattements, des relèvements, des
énergies, des mots, des discussions, des moments de complicités, des
confidences jusque dans les au revoir et à demain sans savoir que demain ne
serait pas. Dès lors, tout s’accélère, sans comprendre vraiment, sans vraiment
réaliser, juste des mots, des chiffres, des démarches, du soutien et la réalité
d’un monde devenu tristement commercial jusque dans les arrières cours des
églises présentant promptement la facture et le guide des mots à lire comme si
l’émotion ne nous bouffait pas assez comme ça, comme si perdre sa chair nous
laissait une voix sans trémolo et sans vibrato dans une voie désormais si
déserte. Ce matin est dur, parce que la réalité de l’absence remplace l’absence
de réalité. Les émotions submergent les mots, pleurer n’est pas pleurer sur l’absence
mais pleurer sur soi face à l’absence. La vie est un long ruban dont un bout
traverse nos vies dans une enveloppe de chair, mais ce n’est qu’un bout sans en
être le bout. Qu’elles que soient les croyances, les superstitions, les
religions, que le paradis soit ici ou ailleurs, on ne nait jamais de rien, on n’est
jamais seul, même sur d’autres plans, les consciences veillent et voient d’un
bon œil leurs petits mondes tenter de se débrouiller, tout en souriant de ce
mauvais tour joué et surtout, libérées des poids d’une existence devenue
étouffante au sens le plus médical du terme. Car au fond, c’est quoi ce
mésothéliome si malin ? Oh, pas grand-chose, une poussière d’amiante
qui s’en vient un jour visiter vos poumons et rentre en somnolence quelques
années, une vingtaine, une trentaine, plus… C’est que ça dort bien ça ! Et
puis un beau jour, il se réveille et bien sûr, il a faim, alors il mord à
pleines dents des bouts de chairs en un tour de sablier, sans aucun
échappatoire, sans aucune issue. Un mal sournois, à mesurer au nombre des
objets pétris d’amiante de nos quotidiens d’il n’y a pas si longtemps : un
grille-pain à poser sur le feu du gaz, une toiture en everite, une canalisation
en fibro-ciment, une isolation à même le plafond, … inventaire sans fin de
dangers en puissance, poussière fine inodore, incolore, insipide mais
terriblement affamée de vous prendre la vie… Votre vie, une de vos vies, celle
qui vous a donné la vie. Ce matin est étouffant, mais il n’est rien devant l’oppression
de ne plus pouvoir respirer, ce matin est humide mais il n’est rien devant l’eau
qui s’accumulait au fond d’un poumon survivant. Ce matin est gris mais je sais
que tu es mieux dans cette suite de vie… Merci. »
1 commentaire:
Je ne pense pas me tromper de beaucoup lorsque je dis que, pour une maman (ou un papa), il n'y a pas de "sacrifices" lorsque nous élevons et aimons nos enfants plus que notre propre vie. C'est juste une évidence, des choix qui tombent sous le sens sans ressentir le moins du monde un quelconque sentiment de se priver de quelque chose.
Ou du moins, si la "chose" semblait primordial avant, rien ne compte plus que le bonheur de nos petits lorsqu'ils sont à nos côtés.
La seule réussite d'une vie de parents, c'est de ne voir que l'amour dans les yeux de nos enfants...
Pas de mots dans ses moments là qui puissent apaiser. Juste ceci :
Ma maison est ouverte.
Natacha.
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